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« I will survive », une campagne problématique contre le bullying

Une campagne contre le harcèlement scolaire évoque la vengeance des victimes. Un angle qui pose problème à Lady Dylan.

VH1, une chaîne musicale argentine, diffuse en ce moment un spot vidéo contre le harcèlement scolaire. Sur l’air d’I will survive de Gloria Gaynor, on voit des élèves se faire maltraiter par leurs camarades.

Les paroles ont été changées pour des promesses de vengeance : « je serai ton patron », « tu seras mon esclave », « je t’appellerai à toute heure », « tu n’auras jamais d’augmentation », « tu seras mon animal domestique ».

Conclusion : ne harcelez pas l’intello de la classe, c’est lui/elle qui sera votre boss plus tard !

Sur certains points cette campagne frappe juste : elle est plutôt drôle (c’est en tous cas l’avis de tous les sites Internet qui l’ont relayée) et surtout elle est pragmatique. Selon Del Campo Saatchi & Saatchi, l’agence qui a créé la publicité, le spot vise les « cool kids » qui regardent VH1. Au lieu de jouer sur leur corde morale elle leur fait craindre des conséquences bien réelles : la vengeance de celles et ceux qu’ils ont maltraité-e-s.

Le pragmatisme est-il plus important que la morale ? On pourrait en débattre des heures, avec des arguments recevables de tous les côtés. Mais cette vidéo pose un problème plus pressant : elle justifie la vengeance — le spectateur ressent de l’empathie pour les victimes, ce qui est bien normal, et rit d’avance devant le sort de leurs bourreaux.

Le cercle vicieux du harcèlement

Mais cette vidéo justifie une autre forme de maltraitance ? parce que oui, être un patron tyran est une forme de maltraitance, le harcèlement à l’école est une réalité terrible mais le harcèlement au travail l’est aussi.

Bien sûr que

quand on subit ce que subissent ces mômes, on a envie de se venger. Il est toutefois peu probable d’en tirer un soulagement sur le long terme : la rancœur, ce n’est pas ce qui rend le plus heureux.

Mais surtout, ce spot accrédite l’idée que souffrir donne le droit de faire souffrir les autres. Ce système ne peut que produire plus de harcèlement, comme avec certains enfants battus qui deviennent à leur tour des parents abusifs à cause de la violence qu’ils ont subie.

L’article Harcèlement scolaire : parole aux « harceleuses » paru en 2013 sur madmoiZelle montrait de nombreux cas similaires :

« Je me rends compte que je n’ai fait que reproduire bêtement le schéma dont j’ai été victime, histoire de briser mon image d’intello ; histoire de ne plus être en bas de la hiérarchie des boucs émissaires ; histoire de croire que cela me fait exister socialement. »

« Frapper fort mais surtout frapper d’abord, pour ne pas être soi-même frappée. […] Pour moi, c’était juste un moyen de défense, ma carapace pleine de piquants. »

« Je m’arrangeais toujours pour l’attention des gens se porte sur un bouc émissaire comme ça j’étais sûr que pendant qu’ils lui faisaient sa fête à elle, ce n’était pas moi la cible. »

« I will survive »

L’idée de la chanson I will survive partait très bien. L’agence voulait mettre l’accent sur la réussite des enfants abusés (en oubliant au passage que tou-te-s ne triomphent pas scolairement, surtout après un tel traumatisme), ce qui aurait pu être très positif.

Pour délivrer un message d’espoir ? certes moins grinçant et moins « fun » ? la vidéo aurait pu montrer des jeunes qui dépassent leurs souffrances et réussissent leur vie malgré tout (leur vie, et pas seulement leur scolarité et leur carrière). Ce serait déjà un beau pied de nez à leurs agresseurs.

« Survivre » comme on le voudrait dans un message positif, ce n’est pas seulement « rester vivant » : c’est arriver à faire des violences que l’on a subies un élément du passé. Si on arrive à le faire, on n’a plus envie de se venger : la souffrance est derrière soi, le feu est éteint.

Si vous avez été harcelé-e quand vous étiez plus jeunes, c’est tout ce qu’on vous souhaite.


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Les Commentaires

25
Avatar de Valentina-
28 avril 2014 à 18h04
Valentina-
Je crois qu'il y a deux choses différentes à prendre en compte : ce que les gens ont envie de faire et ce qu'ils font vraiment.
Je crois que dans les faits, aucune des personnes ici n'est passée à l'acte alors que tout le monde aujourd'hui peut utiliser les réseaux sociaux etc, pourtant personne ne l'a fait je crois.
Je pense comme toi que la violence ne résous rien. Mais ces gens expriment en fait deux réponses  :
- la réponse intellectuelle et rationnelle, et c'est souvent celle qui est mise en application (qui consiste à travailler sur soi et ne pas s'en prendre à l'autre).
- Et la réponse émotionnelle, qui est directement liée au moment où les gens ont subi les violences. C'est pour ça qu'elle est violente, elle est une forme de réponse à des années de frustrations, de violences subies et de souffrances à un moment où ces personnes étaient en incapacité de répondre.
Ces émotions sont légitimes et on ne peut pas demander aux gens de ne pas ressentir de la colère, tout comme certains ressentent encore de la tristesse ou de la honte directement liée à ces expériences.
Je pense qu'il faut faire un peu attention aussi, parce que dans notre société on a souvent tendance à vouloir éteindre la colère des victimes (bien plus que celle des agresseurs qui parait inévitable). En conséquence, elles ne parlent pas et toute l'agressivité est retournée contre elles mêmes.
C'est normal d'être en colère, ce n'est pas "mal", "malsain" ou "bas" (mais je suis ok pour essayer d'en faire quelque chose de constructif), c'est normal de ressentir de la fureur quand on a été abusé, pendant des mois/des années et qu'on s'est senti totalement impuissant.
Je trouve ça d'autant plus dangereux que dans ton message tu as l'air de trouver ça très grave, mais ensuite tu diminues les responsabilités des harceleurs. Les enfants peuvent être très violents et pervers, ils ne sont pas complètement inconscients de ce qu'ils font, et ils peuvent agir ainsi pendant toute leur scolarité, voire même à l'age adulte.
Ça me parait essentiel de leur montrer que ce qu'ils font est inacceptable et condamnable.
Apprendre aux victimes à sans cesse tendre l'autre joue ne résous pas plus le problème de la violence que la violence elle même.
Mettre les harceleurs et les harcelés exactement sur le même plan c'est dire aux victimes qu'il n'est pas légitime qu'elles s'expriment, qu'elles n'ont pas le droit de réponse, donc pas le droit de se défendre.

De quoi parles-tu dans les 2 premières phrases ?
Je pense qu'il existe peut-être deux réponses comme tu le dis, après, il n'y a qu'à regarder les commentaires ici pour s'apercevoir que le degré de chacune d'entre elles varient selon les individus.
Je connais deux personnes qui ont été harcelées au collège et qui ne ressente pas un besoin de "vengeance" comme j'ai pu le lire ici. Enfin, à un autre degré de violence, ... Vouloir renverser le processus bourreau/victime, est déjà pour moi
 assez violent.
Je ne demande pas aux gens de ne pas ressentir de la colère, que je trouve, comme je l'ai dit, totalement compréhensible. Mon problème est que cela porte à des envies de violence qui serait donc "légitime" ou "justifiée". Pour moi la violence reste de la violence.
Je ne veux pas interdire aux harcelés de se défendre, ou leur dire de "tendre l'autre joue" ce n'était tout simplement pas mon sujet (??!)
Je ne diminue absolument pas les responsabilités des harceleurs, je pense simplement que le processus de harcèlement doit être supprimé au moment où il se passe. Je persiste à penser qu'il est "bas" et "malsain" d'en vouloir à des personnes adultes, car celles-ci (à part quelques cas comme tu l'as dit) sont tout de mêmes différentes de ce qu'elles ont été au collège.

Dans les 2 premières phrases je pointais du doigt le fait que si plusieurs personnes disent avoir ou avoir eu des "envies" de vengeance, aucun il me semble n'est passé à l'acte.
Je ne légitime pas la violence, en revanche, la colère et l'envie de rendre un coup est légitime. Oui certains ne vont pas avoir envie de se venger, d'autre si, d'autres vont retourner la violence contre eux-mêmes (c'est souvent l'explication des TS), d'autres vont juste être tristes, d'autres vont avoir honte, etc.
Si on n’accepte que les victimes tristes ou les victimes qui ne veulent pas se venger, alors on est un peu dans le complexe de "la bonne victime". C'est à dire qu'on n'autorise qu'une certaine forme de réponse émotionnelle à ce qu'ont vécu les gens (celle que tu voudrais que les gens aient). Il faudrait que les victimes ne soient que des gens parfaitement ok avec ce qui leur est arrivé. Or ça prend beaucoup de temps pour certains, et chacun réagit comme il peut, avec son vécu.
Ce que tu dis, c'est un peu comme si tu donnais une gifle à qqun, et qu'en suite tu lui disais "tu n'as pas le droit d'avoir envie de me la rendre". Que tu le veuilles ou non, certains vont avoir envie de te rendre ton coup (et d'autres non), peut être pendant des années.
Au final ici personne n'a rendu la gifle justement. Après s'ils passent à l'acte, effectivement ce n'est pas tolérable ni légitime parce qu'on n'a pas le droit de se faire justice sois-même, et qu'en tant qu'êtres pensant, on peut travailler sur sois pour prendre du recul.
C'est le passage à l'acte qui fait la différence (pour te donner un autre exemple, beaucoup de gens ont envie de voler de l'argent d'une manière ou d'une autre pour être riche, mais peu de gens le font.).
Mais tu ne peux pas dire aux gens ce qu'ils ont le droit de ressentir ou non.
Et tu ne peux pas mettre sur le même plan ce que des gens ont vraiment subi comme violence, et ce que des gens ressentent (SANS passer à l'acte) vis à vis de ce qu'ils ont subi.
Après je suis d'accord qu'il faut apprendre à manager les sentiments violents, et qu'on peut en faire qqch de constructif.

Mais mon intention n'a jamais été d'interdire à qui que ce soit de ressentir de la colère oO
Chacun réagit à sa façon, c'est pourquoi je ne vais pas contredire les messages comme la réponse d'Alicia89.
Mon message n'était pas un reproche ou une proposition de dictature sur ce que les gens devraient faire.
J'ai simplement été choquée par la lecture de quelques  messages, et je me suis sentie + ou - obligée de réagir.
J'exprime un avis personnel. Maintenant désolée, j'ai peut-être trop de foi en l'humanité, mais je ne peux pas trouver le désir de vengeance "sain" et "normal" et ça ne me laisse pas indifférente de lire certaines choses, pour moi ça reste quelque chose de négatif.
Et surtout, ce qui est le sujet de base de mon 1er message, à mon sens, cette colère est mal dirigée, et pas une solution (ce qui est un avis théorique bien sûr, je sais qu'en pratique c'est différent)
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