Le 6 juillet 2020
Je dois te confesser quelque chose : je ne regarde pas beaucoup de séries traitant de manière frontale le sujet des violences sexuelles (à part The Handmaid’s Tale, car son aspect dystopique me fascine).
Je ne nie pas la qualité d’Unbelievable ni de 13 Reasons Why, mais j’ai passé mon tour ; j’ai du mal à me « détendre » devant une thématique aussi douloureuse.
J’ai cependant laissé une chance à I May Destroy You, parce que j’adore sa créatrice et actrice principale, Michaela Coel, depuis Chewing-Gum, et parce que les critiques étaient élogieuses.
I May Destroy You, une série sur le viol
https://www.youtube.com/watch?v=EGniyRTGYFs
I May Destroy You raconte l’histoire d’Arabella Essiuedu, une autrice sacrée « voix de sa génération » (les millenials) après avoir percé sur Twitter.
Libre, insouciante, un peu branleuse sur les bords et jamais la dernière pour faire la fête, la jeune femme prend une pause dans une nuit d’écriture intensive pour rejoindre des potes à Londres, où elle vit.
Oui, elle est en méga retard sur sa deadline, oui, elle doit rendre son manuscrit à l’aube… mais elle a envie de s’amuser, bordel !
Arabella rejoint ses amis, enchaîne les shots, sort danser dans un bar/boîte de nuit, puis revient totalement torchée à son bureau pour terminer son bouquin.
Elle se sent anormalement défractée. Décalée. Avec un trou dans la mémoire. La fin de son manuscrit déboussole ses éditeurs, elle doit le relire pour se rappeler de ce qu’elle y a écrit.
Au moment où Arabella rentre chez elle, le premier flash lui revient. Un homme, allongé sur elle, un inconnu en chemise, la viole. Elle a probablement été droguée entre son départ du bar et son arrivée au bureau.
Arabella a été violée et sa vie sera à jamais marquée par ce traumatisme.
Une victime de viol selon I May Destroy You
La première chose qui m’a marquée dans I May Destroy You, c’est à quel point Arabella n’est pas une « bonne victime de viol »
aux yeux de la société.
Elle était ivre morte (même si c’est la drogue qui lui a fait perdre conscience, au final). Elle ne cache pas sa sexualité. Elle n’a pas immédiatement porté plainte. Elle n’a même pas immédiatement compris ce qui lui arrivait.
Et j’ai trouvé ça très fort, très puissant que Michaela Coel fasse ce choix, de montrer une victime de viol comme il en existe tant, et qui n’ont rien de plus à se reprocher que celles qui portent des cols roulés et restent chez elle le samedi soir.
Pas étonnant quand on sait que la scénariste et actrice s’est inspirée de son histoire personnelle, comme l’explique Allociné qui relate ses paroles :
« Je faisais une pause et prenais un verre avec un très bon ami qui n’était pas loin de là. J’ai compris ce qui m’était arrivé après des heures plus tard, en écrivant la saison 2 de Chewing Gum.
J’ai eu de la chance. J’ai eu un flashback, je me suis souvenue. Un groupe d’inconnus m’a agressée. »
Le traumatisme du viol selon I May Destroy You
Arabella doit faire face à un double traumatisme : celui causé par le viol, et celui causé par le fait qu’elle a été droguée à son insu et n’a donc que des souvenirs très flous du crime.
Son corps, son cerveau lui ont été volés par un homme ayant décidé d’abuser d’elle.
Il n’y a pas de chemin linéaire pour affronter ce traumatisme. Il y a des pas en avant et des pas en arrière. Des jours « normaux » et des jours où rien ne va.
I May Destroy You ne fait pas dans la pudeur quand il s’agit de regarder en face les conséquences de ce viol, ne fait pas de son héroïne une super-citoyenne capable de tout mener de front.
Arabella souffre, galère, se perd dans de fausses solutions avant de trouver les bonnes. Et tout l’amour, tout le soutien de ses proches, ne suffit pas à la « guérir » d’un coup de baguette magique.
Car c’est ça, la réalité du viol : l’acte en lui-même est souvent bref, les conséquences peuvent durer toute une vie. Et il n’y a ni bonne, ni mauvaise façon de réagir. Juste sa façon à soi d’affronter l’innommable.
Les différents visages du viol dans I May Destroy You
Ce que j’ai particulièrement apprécié aussi, c’est que la mini-série montre différentes facettes du viol.
Il y a celui, indéniable, vécu par l’héroïne, mais d’autres problématiques moins connues sont évoquées, comme le stealthing, le fait de retirer le préservatif sans prévenir son ou sa partenaire.
Par le personnage d’un ami gay d’Arabella, I May Destroy You aborde aussi les violences sexuelles entre hommes, un sujet encore trop tabou.
I May Destroy You, une série à voir
Je te parle de tout ça en n’ayant vu que 4 épisodes d’I May Destroy You, car ça sort semaine après semaine. J’ai hâte de voir ce que les 8 autres me réservent !
Sache qu’au-delà de la thématique du viol, la mini-série est hyper quali : le jeu d’acteur et actrice, le montage, la bande-son, les couleurs, tout est magnifique, comme souvent dans les productions HBO.
En France, I May Destroy You est dispo sur OCS. Je ne peux que te conseiller de la regarder, en t’armant un peu de courage, car elle mérite d’être vue par le plus grand nombre !
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