On ne dit pas toujours ce qu’on pense. Selon le rapport de chacun à la moralité, le mensonge poli est un drame ou une bénédiction. A vous de voir avec 10 phrases ignobles, mais qui soulagent. Et que je ne dirai jamais, promis, juré.
– Ton bébé est moche
C’est un fait : la plupart des bébés sont moches et certains, pas de chance, poussent le bouchon jusqu’à être vraiment extraordinairement moches (dans le pire des cas, comme si on avait tassé la tête de leurs parents dans un tout petit espace). Evidemment les géniteurs se trimballent partout en quémandant l’approbation publique (ils doivent se douter qu’un truc cloche), et parce qu’on est trop sympas et trop polis, ils l’obtiennent. Alors même que le bébé ressemble à Houellebecq.
– Ne me dis pas que tu vas épouser ce connard
C’est un drame bien connu : les attentes matrimoniales de nos amis sont étonamment basses. On les imagine tombant amoureux d’une douce Adriana fan de Warcraft, ou terminant leurs jours dans les bras d’Hugh Jackman (afin qu’on puisse tenter notre chance discrétos), et hop, dès qu’on a le dos tourné, ils épousent un contrôleur de gestion aigri ou la championne du monde 2010 de Remarques Désagréables. Vous savez pertinemment qu’ils vont divorcer dans deux ans mais… eux sont amoureux. Attendez deux ans. Bien sûr qu’ils divorceront.
– Tu vas arrêter avec ta musique de merde ?
Celle-là, si vous prenez le métro, vous l’avez forcément pensée. Dans la vie imaginaire où vous incarnez un troll barbare d’1m90, vous vous êtes visualisée en train d’arracher ce putain de téléphone portable des mains du relou de service, avant de répandre son clavier sur douze mètres. (Note : j’ai essayé une fois, exaspérée, du haut de ma petite taille. Le mec a juste fait comme si j’étais un ectoplasme.)
– Tu as un problème d’haleine
Celle-là aussi vous la connaissez :) Impossible de dire à la personne qui vous parle que vous allez tomber dans les pommes si elle ne recule pas de 40 centimètres. D’autant que cette personne, souvent, c’est mamie. Je suis sûre que les malchanceux de l’haleine peuvent ainsi traverser la vie en toute ignorance de pourquoi leurs interlocuteurs sont si crispés. Je sais bien qu’il faudrait que quelqu’un leur dise, mais ne comptez pas sur moi. Je suis trop lâche.
– Tu devrais faire opérer cette verrue
Oui, je sais, je suis un monstre. Mais pour moi qui n’ai pas de verrue, difficile de comprendre comment on peut survivre avec un énorme machin poilu sur la joue (ou sur la cuisse, ou même sous la plante du pied), alors même que le monde est plein de dermatologues bienveillants. Quand je rencontre quelqu’un avec une verrue apparente, je ne peux tout simplement plus me concentrer sur autre chose. La verrue prend tout mon champ visuel. La verrue devient une montagne. Je me mets à bredouiller. Je répète convulsivement : « verrue, verrue » (y’a pas un film avec cette scène ? j’ai un doute, là). Et en même temps, parce que je trouve sain que les gens s’acceptent, je ne dirai jamais à quiconque de se faire opérer.
– Même pas en rêve, patron / maman
Pouvoir dire non à une figure d’autorité ferait sans doute gagner du temps à tout le monde, mais c’est risqué. En bonne adepte de la résistance passive-agressive, on répondra : « je vais y réfléchir » voire « c’est intéressant », alors même qu’une petite voix intérieure résonne dans notre tête : « jamais ». Notons que ça marche aussi avec les corvées. Avant, je me faisais croire que j’allais un jour refaire faire ma carte d’identité. Maintenant, je sais que j’attendrai la dernière minute possible (en juin 2014, quand mon passeport sera périmé). Les formalités administratives, la vaisselle ? Même pas en rêve.
– Tu me donnes envie de me pendre
Au bout de vingt minutes à écouter la bonne copine parler de comment son nouveau mec est une ordure ménagère, ou mes potes discuter de comment reformater son disque dur. La déprime est contagieuse, l’ennui aussi : pourquoi les gens l’oublient aussi souvent ? La jour où je me jetterai par la fenêtre, ce sera de leur faute.
– Je suis contente qu’il soit mort
Et pourtant, des fois, c’est vrai.
– Tu as grossi / vieilli / perdu un bras
C’est sacré : les gens qu’on apprécie ne changent jamais. Ils ne prennent pas une ride, vous ne voyez pas du tout où sont les vingt kilos de trop dont ils parlent, mais non mais non, ce cancer n’existe pas. En échange de votre optimisme délirant, vous espérez que vos proches en feront autant que ce sera vous, la petite vieille en chaise roulante.
– Je ne t’aime plus
Alors que la fin de la passion amoureuse est un motif essentiel de séparation, on se retrouvera toujours à inventer n’importe quoi pour ne pas prononcer ces mots. « Si si je t’aime, c’est juste qu’il y a un autre homme et qu’en fait je préfère la compagnie des chats, et puis tu vois, on n’avait pas les mêmes aspirations, je pars en Bolivie, rends-moi immédiatement les clefs de cet appartement puisque je te dis que ce n’est PAS le manque d’amour, ok, GROS BLAIREAU ? »
Ne comptez pas sur moi pour lancer le débat pour ou contre l’hypocrisie. Je me situe clairement du côté des hypocrites : la vie est plus douce quand on l’enrobe de rapports sociaux apaisés (ou tout simplement de politesse élémentaire). Je préférerai toujours insulter la vérité qu’une personne. Surtout si ça m’évite de me faire briser les rotules à coups de barre à mine : /
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires
Prenez un chewing-gum, Emile.