Sept jours de deuil national viennent d’être décrétés par Caracas en mémoire d’Hugo Chávez, feu Président / « Commandant » de la République Bolivarienne du Venezuela. Réélu en octobre dernier pour son 3ème mandat, Chávez se battait depuis plusieurs mois contre le cancer, alternant campagne politique et voyages à Cuba pour se faire hospitaliser.
Tour d’horizon sur la vie del Commandante Hugo Chávez, son fabuleux culte de la personnalité et sa « Révolution socialiste » !
Fils d’instituteurs pauvres, le petit Hugo a progressé par la voie de l’armée. Le monde entend parler d’Hugo Chávez pour la première fois lorsqu’en 1992 il tente un coup d’état militaire qui échoue et fait deux ans de prison. Mais Chávez ne s’arrête pas là, persuadé qu’il était d’être destiné à un grand avenir. Pour parvenir au pouvoir et faire triompher ses idées marxistes, la bataille se fera désormais dans les règles de l’art : campagne médiatique, création d’un parti politique, participation aux élections présidentielles. Il se fait élire démocratiquement pour la première fois en 1998.
Hugo Chávez, pro de la communication
En France, ou plus généralement en Occident, quand on pense à Hugo Chávez, on associe tour à tour les termes « extrême gauchiste », « populiste », « mégalo », « agité », « provocateur », voire au mieux, « charismatique ». Pourtant, il faut bien avouer que la population vénézuélienne lui voue un culte! Alors pourquoi un tel paradoxe? Principalement grâce à une mécanique bien huilée : la manipulation de l’Histoire nationale.
C’est un procédé bien connu que tous les pays occidentaux ont utilisé à un moment ou à un autre, et je vous le conseille si vous voulez par exemple fonder « La République indépendante des Charentes-Maritimes » (qui sait ce que l’avenir nous réserve ?). En gros, il s’agit de manipuler la mémoire collective à fond pour unir vos cibles ! C’est ce qu’a fait Chávez afin de calmer les tensions nationales et culturelles au Venezuela en misant sur ce cher señor Simon Bolívar, el Libertador ! Bolívar fut un général et homme politique sud-américain, figure emblématique de l’émancipation des colonies espagnoles en Amérique centrale et du Sud, et donc, du Venezuela. Un militaire défendeur de la nation vénézuélienne ? Tiens, tout comme Hugo Chávez ! Habile, comme dirait OSS 117.
Chávez et Bolívar
Dans la même veine, il décide de refonder tout le vocabulaire officiel. Élu en 1998, Chávez renomme le pays en « République Bolivarienne du Venezuela », ne se fait pas appeler Président mais Commandant, et décrète que le gouvernement répondra désormais au doux nom de « Révolution ». Il maîtrise parfaitement son image, paradant coiffé de son fameux bonnet rouge, contrôlant totalement les médias nationaux, mettant en scène chacune de ses apparitions façon rock star
. Il en profitera au passage pour mystifier son combat contre le cancer. En avril 2012 lors d’une messe il déclarait ainsi: « Donne-moi ta couronne, Jésus Christ, donne-la moi, que je saigne, donne-moi ta croix, cent croix, que je les porte. Mais laisse-moi la vie, parce qu’il me reste des choses à faire pour ce peuple et ce pays. Ne me reprends pas encore ».
Chávez et sa politique marxiste basée sur… le pétrole
Le Venezuela a du pétrole. Plein de pétrole. Alors el Commandante a appuyé toutes ses politiques sur cette richesse pour faire diminuer la pauvreté, l’illettrisme, les inégalités sociales, ce qui lui assure également un soutien populaire. Avec nos yeux d’Occidentaux, on serait facilement tenté-e-s d’aller secouer le premier habitant de Caracas venu pour lui parler des problèmes d’insécurité, d’inflation chronique, de corruption que connaît son pays. Pourtant, même après toutes ces années de Chávez, la population ne pense pas que la Révolution est la source de tous ces maux. Une forte opposition demeure, héritière des deux partis qui se partageaient le pouvoir avant Chávez, qui cherche le plébiscite et court-circuite ses opposants, qualifiés de sous-fifres des États-Unis impérialistes.
Le grand ennemi d’Hugo Chávez : les États-Unis
Les États-Unis, justement, furent sa bête noire. Dès qu’il pouvait taper sur l’impérialisme américain, Chávez ne s’en privait pas, en particulier pendant l’ère Bush. Parallèlement, il n’a pas hésité à réchauffer ses relations avec des pays quelque peu… douteux, au premier rang desquels l’Iran, mais aussi Cuba, la Libye pendant Khadafi, la Russie, pour ne citer que les plus gros.
Hugo Chávez et Mahmoud Ahmadinejad
Hugo Chávez n’a toutefois jamais franchi la ligne rouge, en maintenant les approvisionnements en pétrole de Washington (ne pas pousser le bouchon un peu trop loin Hugo !). Récemment, il a indiqué qu’il « espérait » que les deux pays puissent avoir « une nouvelle période de relations normales », allant jusqu’à déclarer publiquement qu’il aimerait être pote avec Barack Obama. L’occasion de vous inviter à consulter ce petit best-of de ses citations sur le Huffington Post.
Avec sa mort, si une ère qui s’achève au Venezuela, nul ne sait si le régime va survivre à la disparition de son leader. Là encore, cette problématique n’est pas nouvelle : le diplomate américain Kennan avait prédit la chute de l’URSS en raison des problèmes de succession. Après autant d’années de culte de la personnalité et de mystification, qui pourra se vanter de pouvoir chausser les bottes en caoutchouc del Commandante Hugo Chávez ? Réponse dans trente jours avec les nouvelles présidentielles !
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Les Commentaires
Parfait.
Il y a déjà beaucoup de choses à secouer dans notre vision occidentale du monde, pas besoin d'aller importuner un habitant de Caracas.
Merci de vous renseigner à propos du néocolonialisme, et de tout ce qu'il implique. (page wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/N%C3%A9ocolonialisme , la page de l'association Survie, celle de l'association Sortir du colonialisme)
Merci aussi de remplacer ce "on" par un "je".