L’Islande, c’est vraiment un pays où le harcèlement de rue et le sexisme sont des notions plutôt abstraites. L’île est un des grands champions de l’égalité hommes/femmes. C’est ce que les chiffres nous disent. J’étais allée à la rencontre de jeunes islandaises pour savoir si ça se ressentait dans leur vie et, oui. Oui. Définitivement. Elles ouvraient de si grands yeux quand je leur parlais des sifflements, des insultes, des hommes qui attrapent le bras d’inconnues pour attirer leur regard, ce genre de choses.
L’Islande, c’est également un pays où Julien Blanc – ce fameux pickup artist aux méthodes nauséabondes – a décidé d’aller répandre sa parole, d’apprendre aux hommes islandais sa « » »méthode de séduction » » ». Après avoir été expulsé d’Australie, le Brésil a refusé qu’il foule le sol du pays, et il pourrait bien en être de même pour l’Islande.
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Mais Hugleikur Dagsson, artiste, cartooniste et auteur, a une autre idée. Selon lui, lui interdire l’accès au pays lui octroie l’opportunité de se faire passer pour une victime. Il écrit ainsi, dans une tribune pour GrapeVine :
« Si on lui interdit de venir, il va s’en vanter sur Twitter et aura probablement plein de retweets de sa triste armée de cerveaux morts, de sperme qui pue, d’humanoïdes joueurs de baseball avec une casquette. Il sera un héros parmi les mouffettes et les pourris, et c’est ce qu’il veut. Ne lui faisons pas cette faveur. »
Mais sa volonté n’est pas de laisser venir Julien Blanc en Islande sans faire le moindre mouvement. Ce que Hugleikur propose dans ce post extrêmement drôle que je t’invite à lire si tu comprends l’anglais, c’est de le chauffer. De le draguer. Que tous les mecs qu’ils croisent lui fassent des réflexions sur son physique, et des petits clins d’oeil, et des mots doux, et… Du harcèlement en fait.
Et le harcèlement, il connaît bien, Julien Blanc : il apprend à des hommes qu’il fait payer à harceler plein de femmes dans leur vie.
« Je parle maintenant à tous les hommes d’Islande : il est temps d’utiliser nos privilèges pour faire le bien. Les machistes dans son genre sont presque tous sans exception homophobes. Ils ne craignent rien de plus qu’on les traite comme des femmes.
Je dis, draguons Julien Blanc. Chacun de nous.
Si on le voit dans la rue, on lui fait un clin d’oeil. On le siffle. Si on le rencontre dans un bar, pinçons-lui la fesse. Envoyons-lui un baiser. J’invite tous les journalistes hommes à lui toucher les cuisses pendant les interviews. J’invite tous les hommes grands à lui dire quelle jolie bouche il a. J’invite tous les serveurs mâles à lui murmurer dans l’oreille combien ils ont envie d’être en lui.
Je pense que ce serait la chose la plus drôle du monde. Ne l’aidons pas à se sentir comme un héros.
[…]
Peut-être que ça ferait de lui quelqu’un de meilleur. Peut-être qu’il descendra la rue en courant et en criant « Je suis un trou de balle ! Je suis un trou de balle ! Que Dieu nous bénisse. »
Ou peut-être qu’il rentrerait simplement à la maison pour pleurer dans son oreiller. Ce qui serait plus drôle. »
Alors oui, c’est du harcèlement. Oui, c’est de la pure vengeance. Et donc oui, c’est pas beaucoup plus malin que les méthodes abjectes de Julien Blanc.
Mais je. J’ai ri. Parce que c’est drôle, comme tribune. Ça sonne comme un tel craquage de slip, un tel ras-le-bol… J’ai imaginé ce mec qui harcèle se faire harceler, j’ai vu la scène comme si je regardais un film, et j’ai ressenti un soulagement teinté d’amusement. Ça veut pas dire qu’on doit promouvoir la loi du talion, le « oeil pour oeil, dent pour dent », parce que nous valons plus que ça.
Toutefois, lire ce genre de tribunes qui se moquent de ces experts en séduction totalement sexistes qui perpétuent la culture du viol, ça donne des petits frissons pas dégueulasses.
Bien sûr, oui, la simple supposition que des hommes le draguent pourraient suffire à le calmer me dérange, mais il est vrai qu’il n’y a pas de meilleures solutions pacifiques s’il est effectivement, comme l’imagine l’auteur de ce papier, homophobe. Ce serait dans ce cas, à mes yeux, une façon de se moquer de l’homophobie, pas de l’homosexualité. C’est d’autant plus probable pour moi quand on sait à quel point les diverses orientations sexuelles ne sont un problème pour personne en Islande.
Si je rejette entièrement les propositions impliquant le toucher, vraiment, oui, le fait qu’il expérimente le malaise qu’on ressent en cas de harcèlement, cette oppression alors qu’on marche dans la rue, qu’on boit un verre dans un bar, ou que sais-je… Oui, effectivement, je crois que ça ne pourrait pas lui faire de mal, et pourrait même lui apprendre l’empathie.
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– via Gaelkka
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