Live now
Live now
Masquer
couv
Culture

House of the dragon : entre obsession pour l’accouchement et trauma porn

En dix épisodes, la première saison de House of the dragon a mis en scène quatre accouchements graphiques. Les showrunners du spin-off de Game of Thrones brisent-ils un tabou ou produisent-ils une nouvelle forme de trauma porn ?

Dès le premier épisode, la Reine Aemma fait face à des complications alors qu’elle accouche de Baelon, potentiel héritier du Trône de Fer. S’ensuit une scène de césarienne sanglante et traumatisante, où elle est littéralement coupée en deux. L’alternance de plans entre cette tragédie effroyable et un tournoi de chevaliers (qui se déroule au même moment) interroge par sa pertinence. Puis, après plusieurs sauts dans le temps, l’épisode 6 s’ouvre sur l’accouchement de sa fille, Rhaenyra. 

illustr-1
House of the dragon, ©HBO/OCS

Il se déroule normalement, mais la Reine Alicent demande à voir le bébé sur le champ. Rhaenyra lui apporte elle-même. Elle monte les marches du palais, contenant une souffrance extrême, et laisse derrière elle des traces de sang. La scène, éprouvante, dure plusieurs minutes. À la fin de cet épisode, Laena, la femme de Daemon, est en train d’accoucher, mais le bébé se présente mal. Se sachant condamnée, elle se rend auprès de sa dragonne, Vhagar, et lui ordonne de la brûler. La scène est spectaculaire et terrifiante.

illustr-2 (1)
House of the dragon, ©HBO/OCS

Le season finale de House of the dragon nous réserve une dernière séquence insoutenable : stressée par l’annonce de la mort de son père et la trahison d’Alicent, Rhaenyra accouche prématurément. Au prix d’atroces souffrances, elle sort elle-même le corps sans vie du bébé (tout est montré), le berce puis prépare ses funérailles. Dans une interview pour Deadline, le showrunner Ryan Condal détaille sa vision : « C’est l’histoire de la mère et la fille. C’est la fille de la femme décédée dans le pilote qui traverse maintenant cet accouchement très difficile. Ça a toujours été sa peur, la naissance est un champ de bataille et maintenant Rhaenyra se retrouve en guerre et c’est elle qui traverse sa propre bataille ». 

Des scènes écrites et filmées par des hommes… et ça se sent

Les scénaristes maîtrisent leur narration : la symbolique (un peu lourde) du champ de bataille, les liens entre les dragons (Laena et Vhagar, puis Syrax qui ressent la douleur de Rhaenyra), l’assignation des femmes à procréer dans un univers inspiré de l’époque médiévale. Mais ces scènes ont été écrites, et pour trois d’entre elles filmées, par des hommes. Et ça se sent. Dans l’épisode 6, le personnage de Laenor se fait le reflet des sentiments du public masculin. Il demande à sa femme si elle a eu « terriblement mal », évoque une vague blessure de guerre, et conclut : « Je suis bien content de ne pas être une femme ».

illustr-3 (2)
House of the dragon, ©HBO/OCS

Ici, on touche à une théorie post-freudienne, celle du « womb envy ». La psychiatre féministe Karen Horney a théorisé en 1926 le fait que les hommes envient la capacité reproductrice des femmes. C’est un pouvoir qu’ils ne détiendront jamais. Cette jalousie inconsciente serait une des causes de la domination masculine.

En assignant tous ses personnages féminins principaux à la maternité (ce que ne faisait pas Game of Thrones), la série prend le risque de les essentialiser. La maternité est toutefois une thématique féministe majeure. On connaît toutes les injonctions qui pèsent sur les femmes enceintes et les mères. Et dans une époque où le droit des femmes à disposer de leur corps est remis en question, aux États-Unis notamment, ces scènes peuvent être considérées comme politiquement progressistes.

Capture d’écran 2022-11-05 à 11.07.18
« J’étais déjà pro-avortement/anti-naissance forcée mais House of the Dragon m’a complètement radicalisée. Personne ne devrait être obligé d’accoucher !!!! L’accouchement est tellement horrible que la série en a fait un MOTIF !!!!!!!!!!!!!!!!! »

Dans HoD, Aemma n’a pas le droit de disposer de son corps (Viserys choisit à sa place la césarienne). Au contraire, la génération suivante, Laena et Rhaenyra, exerce un minimum de contrôle sur leurs corps et leurs destins. 

Trauma porn

illustr-4 (1)
House of the dragon, ©HBO/OCS

Les showrunners ont-ils pensé un instant à ce que peut ressentir le public féminin face à ces images traumatisantes, en particulier celles qui ont vécu des accouchements cauchemardesques ? Si tel avait été le cas, la série se serait au minimum fendue de messages d’avertissement. 

Si House of the Dragon semble avoir intégré les critiques faites à GoT sur la représentation du viol, elle a trouvé un dérivatif avec ces scènes d’accouchement. Comme The Handmaid’s Tale avant elle, House of the Dragon et son obsession des accouchements horrifiques lorgne vers le trauma porn, c’est-à-dire une inclinaison pour la mise en scène sensationnaliste des traumatismes. Il y avait pourtant bien d’autres façons de dépeindre l’enfantement. Les scénaristes ont sciemment choisi d’exploiter, une fois de plus, la souffrance des femmes, dans le but de choquer et divertir. 

À lire aussi : Séries, ciné… À qui profite la dystopie matriarcale sur les écrans ?


Vous aimez nos articles ? Vous adorerez nos podcasts. Toutes nos séries, à écouter d’urgence ici.

Les Commentaires

12
Avatar de Kettricken
9 novembre 2022 à 15h11
Kettricken
@Dounei argument très valide. La consanguinité, c'est jamais une promenade de santé
Mais j'ai l'impression qu'on a parfois une image trop horrifique des accouchements du passé. Je ne nie pas qu'il y avait de la mortalité et beaucoup plus de souffrance sans la césarienne. Mais j'ai encore lu récemment quelqu'un sur twitter dire que durant l'Antiquigté, la moitié des femmes mourraient en couches avant 35 ans et personne pour contredire
Faut pas oublier aussi que dans les temps anciens, les accouchements se faisaient à domicile. Avec certes plus de risques quand ça se passait mal, mais parfois aussi avec plus de douceur quand c'était un accouchement facile
1
Voir les 12 commentaires

Plus de contenus Culture

Copie de [Image de une] Horizontale – 2024-11-28T150710.132
Beauté

Elle avait dévoilé son crâne pendant le concours Miss Grand, Safiétou Kabengele nous raconte les coulisses de son parcours de miss

Portrait of smiling young woman sitting on bed using E-book reader
Culture

Pour la BD, les romans ou tout-terrain : comment bien choisir sa liseuse ?

[Image de une] Horizontale (26)
Vie quotidienne

Black Friday : le guide ultime pour trouver l’aspirateur laveur fait pour vous et enfin mettre le Swiffer au placard

Copie de [Image de une] Horizontale – 2024-11-15T163147.788
Livres

Samah Karaki : « C’est la culture sexiste qu’il faut questionner, pas la présence ou l’absence de l’empathie »

[Image de une] Horizontale (24)
Culture

3 raisons de découvrir Agatha, le nouveau thriller psychologique à lire de toute urgence

Copie de [Image de une] Horizontale – 2024-10-16T173042.478
Culture

Louise Chennevière (Pour Britney) : « La haine de la société pour ces femmes est immense. Cela m’a donné envie de la décortiquer. »

Copie de [Image de une] Horizontale – 2024-10-17T105447.652
Culture

Pourquoi on a adoré Culte, la série qui revient sur la création de Loft Story ?

4
© Charlotte Krebs
Féminisme

Mona Chollet : “Se sentir coupable ne mène vraiment à rien”

3
Copie de [Image de une] Horizontale – 2024-09-19T102928.481
Santé mentale

« Toutes ces musiques ont été écrites sous antidépresseurs » : Lisa Pariente raconte sa dépression

[Image de une] Horizontale (18)
Vie quotidienne

Ménage de rentrée : la serpillère 2.0 existe et avec elle, vous allez mettre le Swiffer au placard 

La pop culture s'écrit au féminin