Dès le premier épisode, la Reine Aemma fait face à des complications alors qu’elle accouche de Baelon, potentiel héritier du Trône de Fer. S’ensuit une scène de césarienne sanglante et traumatisante, où elle est littéralement coupée en deux. L’alternance de plans entre cette tragédie effroyable et un tournoi de chevaliers (qui se déroule au même moment) interroge par sa pertinence. Puis, après plusieurs sauts dans le temps, l’épisode 6 s’ouvre sur l’accouchement de sa fille, Rhaenyra.
Il se déroule normalement, mais la Reine Alicent demande à voir le bébé sur le champ. Rhaenyra lui apporte elle-même. Elle monte les marches du palais, contenant une souffrance extrême, et laisse derrière elle des traces de sang. La scène, éprouvante, dure plusieurs minutes. À la fin de cet épisode, Laena, la femme de Daemon, est en train d’accoucher, mais le bébé se présente mal. Se sachant condamnée, elle se rend auprès de sa dragonne, Vhagar, et lui ordonne de la brûler. La scène est spectaculaire et terrifiante.
Le season finale de House of the dragon nous réserve une dernière séquence insoutenable : stressée par l’annonce de la mort de son père et la trahison d’Alicent, Rhaenyra accouche prématurément. Au prix d’atroces souffrances, elle sort elle-même le corps sans vie du bébé (tout est montré), le berce puis prépare ses funérailles. Dans une interview pour Deadline, le showrunner Ryan Condal détaille sa vision : « C’est l’histoire de la mère et la fille. C’est la fille de la femme décédée dans le pilote qui traverse maintenant cet accouchement très difficile. Ça a toujours été sa peur, la naissance est un champ de bataille et maintenant Rhaenyra se retrouve en guerre et c’est elle qui traverse sa propre bataille ».
Des scènes écrites et filmées par des hommes… et ça se sent
Les scénaristes maîtrisent leur narration : la symbolique (un peu lourde) du champ de bataille, les liens entre les dragons (Laena et Vhagar, puis Syrax qui ressent la douleur de Rhaenyra), l’assignation des femmes à procréer dans un univers inspiré de l’époque médiévale. Mais ces scènes ont été écrites, et pour trois d’entre elles filmées, par des hommes. Et ça se sent. Dans l’épisode 6, le personnage de Laenor se fait le reflet des sentiments du public masculin. Il demande à sa femme si elle a eu « terriblement mal », évoque une vague blessure de guerre, et conclut : « Je suis bien content de ne pas être une femme ».
Ici, on touche à une théorie post-freudienne, celle du « womb envy ». La psychiatre féministe Karen Horney a théorisé en 1926 le fait que les hommes envient la capacité reproductrice des femmes. C’est un pouvoir qu’ils ne détiendront jamais. Cette jalousie inconsciente serait une des causes de la domination masculine.
En assignant tous ses personnages féminins principaux à la maternité (ce que ne faisait pas Game of Thrones), la série prend le risque de les essentialiser. La maternité est toutefois une thématique féministe majeure. On connaît toutes les injonctions qui pèsent sur les femmes enceintes et les mères. Et dans une époque où le droit des femmes à disposer de leur corps est remis en question, aux États-Unis notamment, ces scènes peuvent être considérées comme politiquement progressistes.
Dans HoD, Aemma n’a pas le droit de disposer de son corps (Viserys choisit à sa place la césarienne). Au contraire, la génération suivante, Laena et Rhaenyra, exerce un minimum de contrôle sur leurs corps et leurs destins.
Trauma porn
Les showrunners ont-ils pensé un instant à ce que peut ressentir le public féminin face à ces images traumatisantes, en particulier celles qui ont vécu des accouchements cauchemardesques ? Si tel avait été le cas, la série se serait au minimum fendue de messages d’avertissement.
Si House of the Dragon semble avoir intégré les critiques faites à GoT sur la représentation du viol, elle a trouvé un dérivatif avec ces scènes d’accouchement. Comme The Handmaid’s Tale avant elle, House of the Dragon et son obsession des accouchements horrifiques lorgne vers le trauma porn, c’est-à-dire une inclinaison pour la mise en scène sensationnaliste des traumatismes. Il y avait pourtant bien d’autres façons de dépeindre l’enfantement. Les scénaristes ont sciemment choisi d’exploiter, une fois de plus, la souffrance des femmes, dans le but de choquer et divertir.
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Les Commentaires
Mais j'ai l'impression qu'on a parfois une image trop horrifique des accouchements du passé. Je ne nie pas qu'il y avait de la mortalité et beaucoup plus de souffrance sans la césarienne. Mais j'ai encore lu récemment quelqu'un sur twitter dire que durant l'Antiquigté, la moitié des femmes mourraient en couches avant 35 ans et personne pour contredire
Faut pas oublier aussi que dans les temps anciens, les accouchements se faisaient à domicile. Avec certes plus de risques quand ça se passait mal, mais parfois aussi avec plus de douceur quand c'était un accouchement facile