En 2012, Lana Del Rey avait provoqué des courts-circuits dans la circulation sanguine de toute la planète avec sa voix de ouf, qui creusait les graves ou montait dans les aigus, sur le disque de Born To Die, son deuxième album.
Après Ultraviolence, qui malgré son titre était passé un peu inaperçu en 2014, la chanteuse la plus évaporée d’Hollywood (ou presque) revient avec Honeymoon, un album tout beau tout neuf, qui sort ce 18 septembre, et que j’ai écouté pour vous !
Piste 1 – Honeymoon
Honeymoon (qui signifie « lune de miel ») est à la fois le titre de l’album et celui de la première piste. Je peux en déduire deux choses : d’abord que c’est une chanson importante, ensuite qu’elle donne le ton global de ce nouvel opus. A priori, la lune de miel devrait être une période heureuse, donc plus avec une plus grande foi dans la vie qu’un titre du genre Born To Die.
Honeymoon, démarre tout doucement, sur une introduction très cinématographique, une basse proche des vibrations couplées à des violons inquiétants. La voix plus qu’évaporée de Lana Del Rey résonne alors comme si elle avait pris la mer et sorti la grand-voile pour devenir une sirène qu’on entend que dans le vent. Et voilà ce qu’elle raconte :
« We both know that it’s not fashionable to love me but you don’t go, cause truly there’s nobody for you but me »
« Nous savons tous deux que ce n’est pas tendance de m’aimer Mais tu ne pars pas, car à la vérité personne ne te convient, à part moi »
Bon, ce n’est pas HYPER optimiste pour un début. Non non Lana, tu n’es pas périmée, je t’écoute religieusement ! D’ailleurs, en parlant de religion, les vocalises de la chanteuse ont quelque chose du mystique, à la fois inquiétant et dépaysant. C’est assez perturbant et, ma foi, plutôt agréable. Et tiens, ah que voilà un passage pop. Allez, j’embarque pour la lune de miel.
Avant de passer à la suite, je vous résume, en gros et en images, le thème de la chanson :
Piste 2 – Music To Watch Boys To
Alors, dites donc, commence se passe la lune de miel ? Eh bien Jean-Jacques, la deuxième piste démarre très fort avec Lana Del Rey qui proclame qu’elle aime beaucoup la personne à laquelle elle s’adresse, le tout sur moult effets de réverbération.
Sa voix s’évanouit peu à peu dans le lointain, sur une mélodie à la flûte. Music To Watch Boys To proclame à la fois un grand amour et une grande lassitude. On est donc entre le slow langoureux où la chanteuse essaye de pécho le il ou elle désigné•e, et la balade relaxante résignée. Un peu comme ça :
Piste 3 – Terrence Loves You
La troisième piste continue à tirer sur la corde nostalgique. Lana Del Rey est visiblement en pleine rade amoureuse, sur le radeau de la rade, quoi, et elle dérive à pleine balles. Voici donc des amis à la rescousse. Les premières notes de l’intro rappellent fortement I’m Calling You, la bande-originale de Bagdad Café. Un certain Terrence est évoqué, de même qu’une « star de Hollywood ». Sauf que les Terrence, à l’âge d’or Hollywood, il y en avait des kilos. Ce n’est pas moi qui le dit, c’est Vincent Delerm qui le chante.
Ce mystère restera donc irrésolu.
Et puis d’abord, il n’y a pas que Terrence dans la vie, il y a aussi David ! David Bowie, plus précisément, icône du glam rock et personnage largement aussi extra-terrestre que Lana Del Rey. En 1969, Bowie a sorti Space Oddity, un de ses grands succès publics. En 2015, la chanteuse reprend donc un passage du tube dans Terrence Loves You, à coup de « Ground Control to Major Tom ». Pas de doute, nous sommes parti•es bien loin dans le cosmos.
« Mais t’es où ? Pas làààà. » Illustration d’un air de famille
Piste 4 – God knows I tried
« Sometimes I wake up in the morning To red, blue, and yellow skies It’s so crazy I could drink it like tequila sunrise »
« (Parfois je me réveille le matin Devant un ciel rouge, bleu, et jaune C’est tellement fou que je pourrais le boire comme une Tequila Sunrise)»
Ça commence plutôt pas mal cette histoire. Moi aussi je voudrais bien des vacances avec des ciels quadricolores façon Bruno Vandelli, des cocktails (et l’imagination de Lana Del Rey pour pimper mon open-space). Sauf qu’entre temps, la lune de miel est complètement partie en vrille : la chanteuse dit qu’elle a essayé, mais que c’est peine perdue. C’est toujours joli, mais ça commence à devenir vraiment tristoune cette affaire…
Je ne suis pas sûre de transformer l’essai cette fois.
Piste 5 – High By The Beach
Pile au moment où je commençais à me laisser couler les oreilles dans les méandres du naufrage amoureux de la chanteuse qui porte bien la couronne de fleurs, High By The Beach fait son entrée en piste 5. C’est peut-être parce qu’on l’a beaucoup entendu ces derniers temps, mais ce titre est une respiration bienvenue au milieu de l’album. D’abord parce qu’on récupère un peu d’énergie, ensuite parce que son orchestration le différencie réellement de ses petits camarades.
À lire aussi : Lana Del Rey dévoile le clip de « High By The Beach », un nouveau titre vaporeux
Enfin parce que Lana Del Rey ne fait plus seulement mine d’être hallucinée, elle revendique carrément le fait de consommer des produits pas totalement légaux. Ne faites pas ça chez vous, mais ça reste une des meilleures chansons de l’album à mon sens.
Piste 6 – Freaks
La transition avec Freaks s’annonce plutôt intéressante. La chanson, même si elle repart dans l’univers vaporeux du début de l’album, a une orchestration plutôt sympathique, et les premières notes orientalisantes me donnent beaucoup d’espoir. La touche étonne, et mon oreille s’y prête volontiers.
Dommage qu’on retourne un peu vite se la couler douce sous l’eau, et que la voix de Lana Del Rey, en plus d’avoir des échos, commence à faire
écho aux précédents titres du disque.
Piste 7 – Art Deco
La base groovy est prometteuse, les paroles parlent d’une reine déchue… Mais ce qui choit avec Art Deco, c’est malheureusement mon attention. La piste serait très belle si elle n’arrivait pas après les autres, mais Lana Del Rey est toujours dans le registre haut de sa voix, et ses graves rauques commencent à me manquer comme la tasse manque au thé !
À la moitié du CD, je me sens un peu sous l’eau. Et aussi fascinante que soit la plongée sous-marine, on ne peut pas tenir éternellement en apnée. En fait, j’ai l’impression d’être Lana Del Rey lorsqu’elle polit le sol avec son dos :
Piste 8 – Burnt Norton (Interlude)
La huitième enfant musicale d’Honeymoon n’est pas une vraie piste mais un interlude. Comme tu t’en doutes, je l’attendais avec impatience.
Durant 1 minutes et 22 secondes, Lana Del Rey laisse tomber la chanson pour la poésie. Elle déclame un texte du poète T.S.Eliot sur des vagues de musique crachotante. Elle y parle de passé, de futur, tout n’est toujours pas gai, mais ça me détend les oreilles. Et Burnt Norton colle bien avec l’atmosphère moite et nostalgique du disque.
C’est reparti, on se fait une deuxième lune de miel, bring the sexy back, allons-y.
Piste 9 – Religion
De la guitare. De la guitare grattée, qui coule toute seule. De la guitare qui amène enfin du rock dans l’eau de rose. Je dis oui, j’en rêve encore, à peu près autant que ce cher Gérald de Palmas dans ses tubes des années 2000. La mélodie de Religion me donne envie de souscrire direct une assurance chez n’importe quelle église, ou presque !
La piste dure plus de 5 minutes, mais dans ce cas précis, plus c’est long, plus c’est bon.
Et les paroles me rassurent drôlement sur la santé retrouvée de la chanteuse (en tout cas c’est ce qu’elle dit). Décidément, cette neuvième piste est aussi efficace qu’un Juvamine, puisque Lana va bien :
« It never was about the money or the drugs For you, there’s only love »
(« Ça n’a jamais été une question d’argent ou de drogues Pour toi, il n’y a que de l’amour »)
Piste 10 – Salvatore
Quelqu’un a dû dire à Lana que l’italien était la langue de l’amour. C’est donc en toute logique qu’elle l’a mis en pratique dans Salvatore, et force est pour moi de constater que c’est une réussite. Tout débute par une petite introduction à la flûte, suivie d’une mélodie aux airs faussement vintage. La voix suave de Lana Del Rey se révèle sur les couplets, et quand elle entonne le refrain en italien, je tombe amoureuse.
Si l’album Honeymoon est une réminiscence des films anciens, du temps où Hollywood n’avait aucun égal, Salvatore est sans conteste la dolce vita que je continuerai à écouter même une fois le rideau tombé.
Piste 11 – The Blackest Day
Fini les voix de têtes, la gorge de Lana Del Rey est repartie dans d’agréables arabesques. Du moins, c’est ce que j’ai cru sur les premières notes. The Blackest Day, est comme, son nom l’indique, une plongée mélancolique et traînante dans un jour de déprime. Les quelques arrangements électroniques sont agréables, mais ne suffisent pas exactement à détacher le titre de l’ensemble.
Piste 12 – 24
À l’arrivée sur la douzième piste, je suis prudente. D’autant que les premières paroles me laissent penser qu’il s’agit d’une nouvelle chanson languissante, dans laquelle Lana Del Rey déplore ses amours (qui chavirent aussi sûrement que le Titanic) et les mensonges dans lesquels elle s’empêtre par conséquent.
Et soudain, c’est un cap, que dis-je, c’est une péninsule, c’est le décollage, au moins aussi fort que celui de l’hélicoptère d’High By The Beach ! 24 devient un titre de vengeance, la chanteuse y reprend du poil de la bête dans la dernière partie, tandis que la musique s’intensifie. Cette Lana Del Rey moins contemplative et plus mordante me plaît pas mal.
Piste 13 – Swan Song
Le chant du cygne, est, en général, son plus beau car c’est le dernier qu’il pousse avant de mourir. On pourrait donc ici interpréter le titre de la chanson de deux manières : est-ce la plus réussie, ou est-elle annonciatrice de la fin ? Du haut de la plage où je me tiens, j’aurais plutôt tendance à pencher pour la deuxième option.
Bien que Lana Del Rey mette à profit toute sa tessiture et que les percussions viennent soutenir cet effort, Swan Song n’a pas le charisme d’autres pistes plus originales. Lana Del Rey y semble résignée :
« And I will never sing again And you won’t work another day »
(« Et je ne chanterai plus jamais Et tu ne travailleras pas un jour de plus »
Nooon, ne fais pas ça, c’est triste. Recommence l’italien ou la guitare, s’il te plaît. Je crois en toi.
Piste 14 – Don’t Let Me Be Misunderstood
Il fallait oser reprendre du Nina Simone à la sauce électro-planante. Lana Del Rey l’a fait avec Don’t Let Me Be Misunderstood, un classique qu’elle a rhabillé d’inquiétude pour l’occasion. Sa voix colle parfaitement à l’interprétation qu’elle veut en faire ; je reste en revanche plus dubitative sur l’accompagnement, dans lequel on ne reconnaît définitivement plus le titre original.
Comme la tentative est périlleuse, je la salue et lui laisse une deuxième chance pour me prouver toutes ses qualités.
Alors, la lune de miel, c’était comment ? Pas mal pour une croisière ou pour te bercer avant la nuit, merci. J‘en retiendrai quelques très bons titres et un concept qui se tient jusqu’au bout. Honeymoon devrait plaire aux amateurs•rices du genre et pourrait devenir une belle bande-son cinématographique. D’ici là, je vous le dis sans faille, bye-bye, et peut-être à bientôt pour une nouvelle écoute.
Vous aimez nos articles ? Vous adorerez nos newsletters ! Abonnez-vous gratuitement sur cette page.
Les Commentaires
J'avais l'impression qu'elle le chantait sous Hypnovel.
Et puis c'est quoi ce clip pour Hight by the beach où après avoir couru dans un appart témoin en voiles vaporeux elle nous fait un petit Michael Bay ??? Elle a sérieusement réussi à tourner ça sans rire ?
Par contre, je suis la seule à avoir remarqué que l'intro de "Swan Sing" c'est l'intro de "I want to break free" ?