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Le point sur les droits LGBT (et les violences) au Chili, à l’occasion de la Marche des Fiertés

Esther t’emmène déambuler au coeur de la Marche des Fiertés de Santiago du Chili. L’occasion de se pencher sur la situation des personnes LGBT dans ce pays !

Esther est partie recueillir les témoignages des jeunes femmes de plusieurs pays à travers le monde, avec une attention particulière portée aux droits sexuels et reproductifs : liberté sexuelle, contraception, avortement.

Elle a déjà rendu compte de ses rencontres avec des Sénégalaises, puis avec des Libanaises, elle a aussi suivi les débats sur l’avortement en Irlande et en Argentine. Sa cinquième étape l’a menée au Chili !

Retrouve le sommaire des reportages, interviews et autres articles qu’elle y a réalisé ici !

Tu peux suivre au jour le jour ses pérégrinations sur les comptes Instagram @madmoizelledotcom et @meunieresther, avant de les retrouver ici bientôt !

Le 23 juin 2018, se déroulait la « Marcha del Orgullo », ou Marche des Fiertés de Santiago.

Les personnes LGBT se sont réunies dans de nombreuses villes chiliennes pour défiler entre autres sous les couleurs de l’arc-en-ciel.

En me baladant de drapeaux en slogans, j’ai pu faire le point sur leur situation dans ce pays et je t’emmène avec moi pour ce tour d’horizon.

Exister sans craindre la violence

Dans le défilé, de nombreux panneaux appelaient à la tolérance, à l’amour et… à la fin de la violence.

« L'amour ne blesse pas, la haine, si. » À Santiago du Chili, le 23 juin 2018. © Esther Meunier
« L’amour ne blesse pas, la haine, si. » À Santiago du Chili, le 23 juin 2018. © Esther Meunier

Une hausse massive des actes homophobes a en effet été enregistrée l’année passée, en 2017, au point qu’elle est surnommée « l’année de la furie ».

Un rapport de l’organisation Movilh recensait en effet 484 plaintes pour homophobie et transphobie : c’est 45,7% de plus qu’en 2016, et c’est plus que ce qui n’avait jamais été enregistré.

On pourrait penser que les violences sont davantage dénoncées, provoquant cette hausse, mais les véritables raisons sont moins porteuses d’espoir :

« La croisade inédite du « Bus de la Haine » [NDLR : surnom légitimement donné au bus de l’ONG Citizen GO qui a parcouru Santiago et Valparaiso pour répandre des messages homophobes et transphobes] a provoqué une réaction en chaine : son passage a fait des émules dans les régions, les groupes homophobes et transphobes ont tenu des discours plus virulents.

Les autorités ultraconservatrices ont soutenu cette campagne, la dotant d’une forme de légitimité, comme s’il s’agissait d’opinions « neutres » alors qu’elles nuisent à la dignité d’êtres humains. »

Parmi ces 484 plaintes on recense deux meurtres, 56 agressions physiques ou verbales, 38 cas de discrimination au travail, et j’en passe.

Il m’a suffit de faire quelques pas pour tomber sur d’autres pancartes faisant référence à la violence à laquelle sont exposées les personnes LGBT au Chili.

Elles réclamaient justice pour Nicole Saavedra, une jeune femme lesbienne retrouvée morte il y a deux ans, le 25 juin 2016. Elle avait disparu depuis une semaine, et son corps portait des traces de torture.

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« Justice pour Nicole Saavedra », « Toutes les femmes contre toutes les violences », « Plus de morts supplémentaires à cause de la violence homophobe ». À Santiago du Chili, le 23 juin 2018. © Esther Meunier

Ses proches estiment depuis le début de l’enquête qu’il s’agissait d’un meurtre lesbophobe. À ce jour aucune condamnation n’a été prononcée dans cette affaire.

Ces faits ne sont pas isolés puisqu’il suffit de parcourir le site de l’association Movilh pour tomber sur un communiqué dénonçant une agression homophobe commise cette fois-ci par des gendarmes eux-mêmes.

L’article date du 24 juin 2018. Le lendemain de la Marche des Fiertés.

L’égalité devant le mariage, un combat de longue haleine

Le mouvement Movilh – encore lui car c’est l’un des référents sur les questions de droits des personnes LGBT au Chili – est sans doutes celui qui avait distribué le plus largement ses affiches.

Dessus, on pouvait lire entre autre « Égalité devant le mariage ».

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« Égalité devant le mariage, maintenant ! » À Santiago du Chili, le 23 juin 2018. © Esther Meunier

En effet, le mariage n’est toujours pas autorisé pour les couples de même sexe au Chili.

Pourtant, la question a été abordée de nombreuses fois et plusieurs projets de lois ont vu le jour : le premier date de 2008.

Deux autres ont suivi, en 2010 et 2014, mais aucun n’a été voté. Aucun n’incluait le droit à la filiation non plus.

« Nena, où est mon super-droit à l'adoption ? » À Santiago du Chili, le 23 juin 2018. © Esther Meunier
« Nena, où est mon super-droit à l’adoption ? » À Santiago du Chili, le 23 juin 2018. © Esther Meunier

En 2016, la Fondation Iguales a donc élaboré en collaboration avec l’école de droit de l’université du Chili un nouveau texte. Il a été présenté à Michelle Bachelet, alors présidente du pays, qui s’est engagée à faire avancer les choses.

En septembre 2017, le projet a fait son entrée au parlement, devant la Commission constitutionnelle du Sénat.

« Ça fait un an que le projet n’a pas été discuté, on pousse pour qu’il soit de nouveau bientôt à l’agenda »

, m’a-t-on expliqué du côté d’Iguales.

À Santiago du Chili, le 23 juin 2018. © Esther Meunier
À Santiago du Chili, le 23 juin 2018. © Esther Meunier

Les personnes trans n’en peuvent plus d’attendre la loi sur l’égalité de genre

La loi sur le mariage gay et lesbien n’est pas la seule à souffrir de la lenteur du travail parlementaire : le projet de loi sur l’identité de genre subi le même type de déboires.

« Les personnes trans du Chili exigeons notre droit à l'identité ! » À Santiago du Chili, le 23 juin 2018. © Esther Meunier
« Les personnes trans du Chili exigeons notre droit à l’identité ! » À Santiago du Chili, le 23 juin 2018. © Esther Meunier

Maya Fernandez, présidente de la Chambre basse du parlement, a fait une apparition sur le char des organisations Movilh et Iguales pour réaffirmer son engagement en faveur de ces deux textes malgré la lenteur du processus.

« On travails sur plusieurs projets de loi mais ça prend du temps car on fait de notre mieux pour que le texte soit clair. » À Santiago du Chili, le 23 juin 2018. © Esther Meunier
« On travails sur plusieurs projets de loi mais ça prend du temps car on fait de notre mieux pour que le texte soit clair. » À Santiago du Chili, le 23 juin 2018. © Esther Meunier

C’est le 7 mai 2013, il y a plus de cinq ans, que le texte concernant l’identité de genre a été présenté au Sénat. Depuis, il fait la navette entre les assemblées et souffre d’une farouche opposition de certains et certaines élu·es.

Comme pour la question du mariage, le projet était pourtant soutenu par le gouvernement de Michelle Bachelet.

Mais entre les allers-retours entre les différentes commissions de chacune des assemblées, les occasionnelles saisies du Tribunal Constitutionnel et les amendements sans cesse déposés pour ralentir son adoption, le point final n’a toujours pas été donné.

Même la visite du Pape en janvier dernier a participé de l’allongement des délais : le président de l’Assemblée ne voulait pas « créé la polémique » pendant sa visite.

À l’heure actuelle, le projet est entre les mains d’une commission mixte composée à la fois de députées, sénateurs et sénatrices, avant peut-être d’être finalement adopté.

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À Santiago du Chili, le 23 juin 2018. © Esther Meunier

Controverse à la Marche des Fiertés, entre soutien et pinkwashing

Dans un coin, au cours de ma déambulation, je suis également tombée sur des pancartes « Google ».

J’avoue que je ne m’attendais pas à les voir ici : il s’agissait en fait d’un rassemblement d’entreprises qui soutiennent la diversité sexuelle. On y trouvait aussi Procter & Gamble, Accenture…

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« On est venue toutes ensembles avec mes collègues ! » À Santiago du Chili, le 23 juin 2018. © Esther Meunier

C’était la première fois lors de la Marche des Fiertés chilienne que des entreprises prenaient part au cortège.

Cela a participé à la formulation de critiques par des courants LGBT anticapitalistes, qui ont dénoncé une forme de « pinkwashing » : les marques en question étaient accusées de se faire de la publicité sur le dos des causes LGBT.

D’autres, telles que l’organisation Iguales, y ont vu une nouvelle forme de soutien bienvenue contre les discriminations dans le monde du travail.

Le dépistage VIH à la Marche des Fiertés de Santiago

Lors de cette Marche des Fiertés, après avoir traversé une forêt de drapeaux multicolors, je suis également tombée sur des files d’attente qui menaient à tout un parterre de tentes rouges.

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À Santiago du Chili, le 23 juin 2018. © Esther Meunier

Ces gens venaient se faire tester pour le VIH, dans un pays où la situation se dégrade. Le nombre de contamination par le virus a augmenté de 96% entre 2010 et 2017 selon une étude réalisée à l’Université du Chili.

Alejandro Afani, l’infectologue qui la supervisait, réagissait en avril :

« Ces chiffres alarmants démontrent que l’épidémie de VIH/SIDA est totalement hors de contrôle au Chili, on touche le fond. Ces statistiques signifient qu’il y a au moins 40 000 personnes infectées qui l’ignorent. »

D’où l’importance de favoriser l’accès des chiliens et chiliennes aux tests gratuits pour endiguer le phénomène. Lors de la Marche des Fiertés, l’association AHF Chile a permis à 285 personnes d’être testées.

« La file d’attente était bien plus longue mais on n’a pas pu prendre en charge tout le monde avant le départ de la marche, et évidemment ces gens étaient là pour ça. Mais au moins, ils ont l’info et ils savent où nous trouver », explique la porte parole d’AHF.

C’est fini pour cette balade militante à Santiago. Et toi, où que tu sois, tu comptes aller célébrer la Marche des Fiertés cette année ? C’est peut-être déjà fait ?


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