Alors que le gouvernement est en train de légiférer sur le droit de la famille en travaillant sur la question du mariage pour tous et du droit à l’adoption, le débat fait rage : faut-il accorder aux couples homosexuels les mêmes droits qu’au reste de la société civile ? Que suppose octroyer le droit à la parentalité à des personnes de même sexe ?
Un sondage récent montre que 53% des gens se disent aujourd’hui favorables à l’adoption par les couples homosexuels. Chez les réticents, des questions sensibles subsistent : les enfants concernés souffriront-ils de discrimination auprès de leurs camarades de classe ? Certains invoquent un « droit à l’enfant », lequel n’a pas pu donner son avis lors de l’adoption. D’autres vont jusqu’à parler d’un effondrement des valeurs de notre société, si une telle mesure devait passer.
L’homoparentalité, un enjeu politique
Nicolas Sarkozy avait déclaré : « Je n’accepte pas qu’on me dise que je suis homophobe parce que je refuse l’adoption par des couples homosexuels, chacun a le droit d’avoir ses propres opinions. […] C’est mon droit aussi de considérer que le mariage, c’est l’institution familiale qui permet d’avoir des enfants ». L’institution familiale, c’est l’argument conservateur le plus souvent avancé par les opposants à l’homoparentalité : selon eux, le mariage ne tire sa raison d’être que de son pouvoir d’unir un homme et une femme, soit les deux entités biologiques nécessaires à la reproduction.
En temps de campagne politique, le sujet, très clivant, a souvent suscité de vives discussions. Pendant la période électorale de 2007, Ségolène Royal rétorquait déjà : « À partir du moment où on reconnaît la famille homoparentale comme une famille, elle a le droit de concevoir un projet familial. Si un homosexuel peut adopter seul, pourquoi un couple homosexuel ne pourrait pas le faire ? » En effet, selon les pro-adoption, interdire l’homoparentalité est hypocrite dans la mesure où ils obligent les parents de même sexe à rester dans l’illégalité. « Un enfant qui est éduqué par deux mamans, mais a la ferme interdiction d’en parler à l’école, vous ne trouvez pas ça plus générateur de stress que les supposées railleries de ses camarades ? », se demande Élise, en couple avec Clémence, toutes les deux trentenaires et souhaitant adopter « dès que la loi sera mise en place
».
François Hollande aujourd’hui élu, le débat fait plus que jamais couler de l’encre : le Président de la République va t-il rendre effective sa promesse électorale ? Pourquoi l’homoparentalité est-elle un sujet encore tabou pour une partie de la population ? Et que renseigne un tel malaise sur nos façons de concevoir la société ?
Filiation et procréation
Si l’on met de côté les préjugés qui touchent encore à notre époque la communauté homosexuelle (quand bien même la tendance est au progressisme – en attestent le succès grandissant de la Gay Pride ou encore ces quelques publicités qui osent mettre en avant des couples gays et lesbiens), il semblerait que la question de l’adoption par des couples de même sexe en dérange certains parce qu’elle remet en cause leur conception de la parentalité. La question (simplifions les choses) peut être abordée sous cet angle : être parent, est-ce un droit que seule la biologie peut attribuer ?
Pour ceux qui associent filiation et procréation, la réponse est oui. Les familles homoparentales n’entrent pas dans le modèle naturaliste, au sein du quel les parents sont forcément les géniteurs.
Anthony, opposé à l’adoption pour les homosexuel-le-s, explique :
« Je comprends bien l’idée que des parents adoptifs puissent tout à fait être en mesure de délivrer l’amour et le soin nécessaire à toute éducation. Je ne me permettrai pas de remettre ce point en question. Ce que je dis, par contre, c’est qu’un couple du même sexe aura beau se plier en 4 pour élever au mieux leur enfant adopté, c’est à l’école que ce dernier souffrira le plus. Comment se sentira l’enfant qui n’aura pas un père et une mère, comme tout le monde, mais deux mamans ou deux papas ? C’est traumatisant. »
Selon Anthony, le problème viendrait donc de notre conception de la parenté. Or, faut-il, sous prétexte que nous évoluons dans un cadre hétéronormé, baisser les bras et ne pas chercher à changer les mentalités ? Des études de sociologie montrent que les liens qui unissent parents et enfants sur le plan biologique sont d’autant plus forts qu’ils ont remplacé la pérennité du mariage. Autre preuve du mysticisme qui entoure ces liens : le maintien de l’anonymat dans les procédures d’adoption ou d’aide médicale à la procréation (AMP), qui sert pourtant l’idée que les parents ne sont plus forcément les géniteurs.
Homoparentalité : la question de l’enfant
Les réfractaires à l’adoption pour les homosexuels sont nombreux à avancer l’idée que pour être épanoui, l’enfant a besoin d’une figure paternelle et d’une figure maternelle. Freud est souvent pris à parti dans ce débat, puisque les anti-adoptions arguent que le complexe d’Oedipe est primordial dans la construction de l’enfant, naturellement attiré par le parent de sexe opposé.
Rémi, militant hétéro pro-adoption , rétorque :
« Pour avoir été élevé par ma mère et sans avoir jamais connu mon père, je sais de quoi je parle. J’ai souvent souffert de n’avoir qu’un seul parent et j’étais super jaloux de mes camarades de classe, qui avaient une famille, et ne formaient pas juste « un duo » avec un parent. J’en suis certain : à choisir, j’aurais préféré avoir deux mamans qu’une seule. Ça ne m’aurait posé aucun problème : le plus important étant l’amour et la stabilité que j’aurais reçues. »
Pour corroborer ce point, de nombreuses études ont démontré que le développement des enfants de familles homoparentales ne diffère pas notablement de celui des enfants élevés dans un contexte hétéro-parental, sur les divers aspects étudiés.
Combien d’enfants concernés par l’homoparentalité ?
En France il n’ y a pas de statistiques très claires (l’INSEE ne compte pas les familles homoparentales mais les recode en « famille monoparentale +1 »). Seules des estimations existent : ainsi, l’Institut national d’études démographiques (INED) recense entre 20 000 et 40 000 enfants vivants avec des parents de même sexe.
Thomas, 27 ans, cadre, nous raconte :
« J’ai été élevé par deux femmes, qui ont choisi de m’expliquer leur démarche quand j’ai eu 5 ans, un âge où elles ont estimé que je serai en mesure de comprendre. Ma mère biologique a eu recours à l’insémination artificielle pour m’avoir. Ma deuxième mère, c’est celle qui s’est le plus occupée de moi, quand ma maman biologique était au travail. À l’arrivée, je suis aussi proche de l’une que de l’autre. Elles m’ont souvent proposé de passer du temps avec un oncle, leur meilleur ami, un grand cousin, sans doute pour m’offrir un modèle masculin, celui qui aurait éventuellement pu me manquer. Je n’en ai jamais ressenti le besoin. Aujourd’hui, j’ai une copine, un boulot, et je peux me targuer d’avoir eu la meilleure enfance possible niveau ouverture d’esprit. »
La théorie de genre
Ici et là, des voix s’élèvent pour remettre en question ce paradigme selon lequel « le rôle maternel » est forcément endossé par la mère et « le rôle paternel » par le père. Dans une société en constante mutation, n’est-il pas rétrograde de continuer à se référer au modèle hétéronormé ? Les fonctions sexuées sont-elles si sexuées que ça ? Et si elles n’étaient que des fonctions parentales, au sens où le complexe d’Oedipe serait une vision psychanalyste non universelle ?
Et vous, qu’en pensez-vous ? Croyez-vous que les enfants issus de familles homoparentales auront du mal à s’intégrer ? Ou êtes-vous favorables à une évolution des mentalités ?
Les Commentaires
Bref quoi qu'il en soit merci à Eugénie pour son témoignage!