Homos, la haine est un documentaire d’Éric Guéret, qui sera diffusé sur France 2 mardi 9 décembre, dans l’émission Infrarouge, à 22h45. Il est visible sur le site de Télérama, en exclusivité jusqu’au mardi 9 à 11 heures.
Homos, la haine (voir le documentaire)
Neuf personnes témoignent face à la caméra. Des hommes, des femmes, des jeunes, des adultes, des personnes d’âge mur, des gays, des lesbiennes.
Il y a celle que ses parents ont mise à la porte, et accepté de revoir lorsqu’elle a finalement épousé un homme, qu’elle a quitté après avoir été séquestrée et violentée par lui.
Il y a celui qui a été passé à tabac, violé et laissé pour mort, dans les buissons, à l’abri des regards.
Celle qui a été harcelée sur son lieu de travail, qu’elle a dû quitter.
Celui que son père a jeté dehors.
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Face à la caméra, ils confessent leur crime : avoir aimé. Ils parlent d’amour, et racontent la violence verbale et physique que leur a valu cet amour. Insultes, coups, déshonneur, comme si c’étaient là des châtiments mérités, proportionnés à leur offense : revendiquer leur existence.
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L’homophobie ordinaire, cette violence permanente
En voix off, entre deux témoignages, on entend des « petites phrases », celles que l’on peut entendre ou qu’on peut lire un peu partout, dans les médias, sur Internet, dans l’espace public… « Ce n’est pas naturel », « c’est une aberration », « ça ridiculise l’institution du mariage » et j’arrête là cette énumération qui m’est insupportable.
On parle bien « d’homophobie ordinaire », parce que ces propos, ces attaques sont distillées en permanence. Elles sont symptomatiques d’une haine qui est exprimée de manière de plus en plus décomplexée.
Ces « petites phrases », les personnes LGBT les entendent à longueur de journée. Ah, mais t’as pas entendu la dernière de Christine Boutin, ou de Frigide Barjot ? Ah, mais cette semaine, on a re-re-re-re-relancé le débat sur l’abrogation de la loi mariage pour tous !
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Ah, mais on plaisante hein, détends-toi.
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Leur croix, et notre héritage
Emmanuelle, 26 ans, témoigne : « ma sexualité n’est qu’une sexualité, rien d’autre ».
« Je viens d’une famille plutôt bourgeoise, plutôt catholique, plutôt traditionnelle, dans le sens romantique du terme. »
Elle a prononcé une phrase qui m’a touchée en plein coeur, parce que je m’étais déjà posé la même question :
« J’ai demandé à ma mère comment c’était mai 68, comme j’ai demandé à ma grand-mère comment c’était la guerre. Un jour, mes enfants me demanderont « Maman, comment c’était le mariage pour tous ? », et qu’est-ce que je vais leur répondre ? »
Je m’étais déjà posé cette question, en d’autres termes. Parce que j’ai grandi sur la frontière allemande, de l’autre côté de la ligne Maginot. Alors en apprenant l’histoire de ma région, je me suis souvent demandé ce que j’aurais fait, à leur place. Si j’aurais su choisir un camp, choisir le bon. C’est facile de juger le bien du mal avec le recul de l’Histoire, mais quand on est en plein dedans ? Est-ce que j’aurais su de moi-même ce qui était juste ?
Aujourd’hui, j’ai ma réponse. Parce que lorsque la société s’est déchirée sur la question du mariage pour tous, même si j’ai pu avoir des hésitations, j’ai rapidement su de quel côté était la justice.
Non, je n’accuse pas La Manif Pour Tous et consorts de vouloir déporter les homosexuel•le•s, mais je les accuse de se tromper de combat, et de s’acharner dans l’erreur. Je les accuse de défendre l’homophobie comme si c’était « une opinion », une position idéologique valide et neutre, alors qu’elle n’est qu’une apologie de la haine, à peine maquillée.
Emmanuelle vient pourtant du même milieu que ces manifestants rose et bleu :
« Tous les soirs, on rentre chez soi, on regarde le journal de 20h, et on voit des millions de gens qui crient que vous êtes une abomination.
Ces gens là, Manif Pour Tous, c’est des gens comme moi. Des gens que je fréquente, avec qui j’ai grandi, nous avons la même éducation. »
Non, clairement, Emmanuelle, ces gens ne sont pas comme toi. Et vous n’avez pas la même éducation, sinon, ils seraient eux aussi capable d’amour et d’empathie envers leur prochain ! S’ils étaient véritablement comme toi, ils seraient capable de te voir comme l’être humain que tu es. Ce n’est pas toi qui est différentes, ce sont eux qui te voient comme différente.
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Arrêtons de feindre la surdité lorsque des proches, des collègues, ou même des inconnu•e•s, des commerçant•e•s, tiennent des propos homophobes autour de nous. Ce n’est ni de l’ignorance, ni une opinion qu’il faut respecter, bien au contraire. C’est l’apologie insidieuse d’une haine de l’autre, une violence permanente et intolérable au sein de notre société.
Si vous trouvez que ces mots sont durs, rappelez-vous que les coups le sont davantage.
Qu’est-ce qu’on dira à nos enfants, quand ils demanderont « comment c’était, le mariage pour tous » ? J’ai ma petite idée.
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Les Commentaires
Oui, tu as raison et cet échange me le prouve alors c'est exactement ce que je vais faire, grâce à vos messages.