C’est un sujet qui commence à peine à être abordé dans la société : les hommes victimes d’agressions sexuelles, de viol ou de violences conjugales.
Les chiffres montrent une majorité écrasante de femmes victimes de ces violences (et d’hommes coupables), mais l’inverse existe également.
Aujourd’hui, deux Américains célèbres dans le domaine de l’audiovisuel ont décidé de raconter leur histoire sur Twitter.
Terry Crews raconte l’agression sexuelle dont il a été victime
Terry Crews est un acteur actuellement à l’affiche de Brooklyn 99, qui est aussi connu pour son impressionnante musculature et ses pubs barrées vantant les produits Old Spice.
Ce qui l’a décidé à parler de son histoire, c’est l’affaire Harvey Weinstein. Ce grand producteur de cinéma américain a été accusé par de très nombreuses femmes d’agressions sexuelles, de harcèlement et de viol.
Terry Crews a raconté son expérience, et son histoire a touché beaucoup de monde.
Il jouit d’un immense capital sympathie. De plus, un homme musclé et impressionnant comme Terry Crews ne correspond pas à ce que la société imagine quand on parle de victimes d’agressions sexuelles.
Toute cette histoire avec Harvey Weinstein me cause du stress post-traumatique. Pourquoi ? Parce que ça m’est arrivé à MOI.
Ma femme et moi étions à une soirée d’Hollywood l’an dernier. Un homme haut placé dans le milieu est venu vers moi et a agrippé mes parties génitales.
J’ai bondi en arrière en lui demandant « Qu’est-ce que tu fous ? ». Ma femme avait tout vu, et on l’a regardé comme s’il était fou. Il a juste souri comme un connard.
Terry Crews explique ensuite qu’il a eu envie de frapper le coupable, mais s’est rendu compte que ça ferait le tour des tabloïds et qu’il finirait en garde à vue.
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Il en a beaucoup parlé autour de lui, et l’homme s’est excusé le lendemain mais n’a jamais vraiment expliqué son geste. Terry Crews n’a pas donné suite, car il savait que le coupable avait du pouvoir.
J’ai laissé couler. Et je comprends pourquoi beaucoup de femmes auxquelles ce genre de choses arrive décident de laisser couler.
Terry Crews rappelle que parler, c’est trop souvent se mettre en danger : les gens pourraient ne pas vous croire, vous pourriez ne plus trouver de travail, être mis•e sur le banc de touche…
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D’ailleurs, il ne nomme jamais son agresseur. Ce serait risqué pour sa carrière et pourrait lui valoir une plainte pour diffamation.
Il comprend également que les femmes, dans l’affaire Weinstein, aient fini par s’unir pour témoigner ensemble contre leur agresseur.
Il sait qui il est. Mais parfois il faut attendre, comparer son expérience avec d’autres victimes, pour arriver à une position plus solide.
L’agression de Terry Crews, improbable mais bien réelle
Quand j’ai lu ce fil sur Twitter, je suis un peu tombée de ma chaise.
J’adore Terry Crews, donc je suis triste pour lui, et surtout je me suis dit, mais bon sang, qui serait assez fou pour se frotter à un homme aussi costaud et lui attraper le paquet ?!
J’ai réfléchi, et c’est devenu limpide. Les agressions sexuelles, les viols, ce n’est pas une question de désir ou d’égarement, mais de pouvoir. Si l’homme a plus de pouvoir que Terry Crews, il se croit capable de faire ce qu’il veut sans conséquences.
Un frisson me parcourt quand je mets en perspective ce témoignage.
Si un tel attouchement peut arriver à Terry Crews en pleine soirée mondaine, je n’ose imaginer ce que peut subir une femme plus frêle derrière des portes closes…
Brian Scully raconte son viol sur Twitter
Brian Scully est un producteur et scénariste. Dans un déchirant fil Twitter, il raconte le viol dont il a été victime. Le genre de la personne coupable n’est pas spécifié.
J’ai été agressé sexuellement par le passé. Je suis un homme.
Je ne sais pas où ce récit va finir. Je n’ai pas tracé de carte dans mon esprit.
Brian Scully explique être très mal à l’aise avec ce sujet. Ça génère en lui de la honte, de la haine de lui-même. Lui qui n’est pourtant pas du genre à se laisser faire dans la vie.
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Malgré les signaux que Brian envoyait pour montrer qu’il n’était pas intéressé, une personne a abusé sexuellement de lui. Et il a été victime de sidération, ce phénomène psychologique qui « bloque » une personne agressée.
Au moment où on m’a attrapé l’entrejambe, je me suis figé. Tout en moi hurlait « non », sauf ma voix. Je me suis fermé. C’est une réaction humaine.
J’ai littéralement oublié comment dire « non » à un acte que je refusais totalement. Aujourd’hui encore, je méprise mon cerveau/corps pour avoir réagi ainsi.
Brian Scully explique s’être « évadé » quelque part dans son esprit, et répète que « C’est une réaction humaine ». Il ne se souvient pas comment l’agression s’est arrêtée, mais sait que ce n’est pas lui qui y a mis un terme.
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L’homme explique ensuite le lien entre la masculinité toxique, ces règles de conduite qui pèsent sur les hommes, son viol et les réactions auxquelles il a dû faire face.
La masculinité toxique fait du mal aux hommes victimes de viol
La masculinité toxique. La propagation et la préservation de la culture des « vrais mecs », de la dominance masculine, de la sexualité masculine. Toutes ces conneries…
Voici comment les mecs voient les agressions sexuelles sur les hommes :
— Les hommes ne sont pas victimes de viol. — Ça t’a plu et tu le sais. — Ha, donc c’est l’autre qui a fait tout le boulot ? — T’as joui, au moins ?
Selon les règles de la masculinité toxique, l’agression dont Brian a été victime est… impossible. Elle n’existe pas. Il l’a donc gardée pour lui, avec les risques que ça implique pour sa santé mentale.
Je HAIS le fait que je suis paralysé à l’idée de dire quoi que ce soit, de reconnaître que c’est arrivé. J’invente des excuses. « C’était pas si grave. Passe à autre chose, sois un homme. »
« Sois un homme. »
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La masculinité toxique, ingrédient-clef de la culture du viol
Allant plus loin encore dans sa réflexion, Brian Scully trace des liens entre cette masculinité toxique qui l’étouffe, et la culture du viol qui met tant de femmes en danger.
Sachez que chacune des femmes que vous connaissez risque d’être rabaissée, dénigrée, agressée et/ou ignorée, au quotidien.
Au. Quo. Ti. Dien. De façon verbale. Émotionnelle. Mentale. Spirituelle. Physique. C’est leur expérience collective. Nous faisons ça, les mecs.
Brian Scully a été élevé par trois femmes : sa mère, sa grand-mère et son « Oma ». Trois femmes de trois générations différentes, chacune marquée dans sa vie par cette masculinité toxique, de trois façons différentes.
Il évoque Donald Trump, qui « attrape les femmes par la chatte » et a été élu Président des États-Unis. Harvey Weinstein, là aussi, qui impose son corps nu, son sexe en érection, à de jeunes femmes non-consentantes.
Brian explique essayer, chaque jour, de faire attention et de se défaire de cette masculinité toxique, omniprésente.
Comment lutter contre la masculinité toxique et la culture du viol ?
Il n’y a pas de remède-miracle contre la culture du viol, qui fait que ce crime est traité d’une façon bien particulière, qu’on en blâme souvent les victimes, qu’on ne les croit pas.
Mais Brian Scully tient à présenter des pistes.
On a bâti ça, messieurs. On a bâti cette forteresse toxique qui se dresse depuis des temps immémoriaux.
Si vous voulez la détruire, commencez par écouter. Commencez par avoir de l’empathie. Commencez par accepter. Commencez par croire. Commencez par soutenir.
Commencez par regarder dans un miroir.
Il est plus « confortable » de croire qu’on est innocent•e, qu’on ne joue aucun rôle dans la culture du viol. Mais la réalité, c’est que ces agressions n’existent pas dans le vide, elles font partie d’un climat sociétal qui nous entoure tou•tes.
On l’a vu avec des articles comme Je connais un violeur, et vous aussi, sans doute, avec cette liste édifiante de témoignages sur le harcèlement sexuel, ou encore avec les chiffres terrifiants des féminicides en France.
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C’est tou•tes ensemble que nous pourrons faire changer les choses. En commençant par analyser nos comportements, nos réactions, et en faisant preuve d’empathie avec les autres humain•es qui nous entourent.
Amour et soutien à toutes celles et ceux qui ont été victime de cette sale culture du viol. On en viendra à bout, j’y crois ♥
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Les Commentaires
C'est tellement dégueulasse putain, c'est quoi ce besoin de détruire quelqu'un pour asseoir son petit pouvoir, sa petite puissance ??!?!!!