La saison annuelle des Marseillais vs le Reste du monde étant close, c’est au tour d’un autre grand rendez-vous du sexisme de prendre le créneau quotidien de fin de journée de la chaîne W9.
Ce soir, lundi 30 novembre, Les Princes et les Princesses de l’amour revient en effet pour une huitième édition qui, si l’on en croit son casting, nous réserve quelques belles heures d’exaspération…
Les hommes toxiques, stars de la télé-réalité
Et pour cause. Sera présent dans ces nouveaux épisodes le king des comportements problématiques : on a nommé Mujdat Saglam, un candidat de télé-réalité qui s’est fait connaître pour avoir été fiancé à la coqueluche de la télévision et des réseaux-sociaux, Milla Jasmine.
Après avoir menti à son ex-compagne sur sa situation familiale (notamment sur le fait qu’il était marié et père de deux enfants), après l’avoir manipulée et fait montre de sa totale mythomanie devant la France entière dans Les Marseillais vs le Reste du monde, l’entrepreneur a désormais un nouveau terrain de jeu : Les Princes et les Princesses de l’amour.
Un programme qui n’en est pas à son coup d’essai avec les hommes aux attitudes toxiques voire dangereuses puisqu’il a notamment offert un espace médiatique non-négligeable à Julien Guirado (prince de l’amour l’année passée), depuis accusé de violences conjugales par Marine El Himer, son ancienne compagne, comme expliqué sur RTL.
Alors que W9 fait son beurre des conflits entre couples (souvent) provoqués par les hommes du programme, on s’interroge : faut-il être un mec toxique pour réussir dans la télé-réalité ?
La télé-réalité, les stéréotypes de genre et les relations toxiques
Les conflits, c’est ce qui fait en partie le succès et les audiences de la télé-réalité. Brigitte Grésy, présidente du Haut conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes, nous explique :
« Ce qui est central dans la télé-réalité, c’est la recherche de “l’effet clash”. Les relations de couples doivent être un peu tumultueuses parce que sinon, ça n’a pas d’intérêt. »
Elle poursuit :
« Il y a des ressorts assez traditionnels qui sont actionnés par la télé-réalité comme l’humiliation des femmes, leur disqualification. Et une affirmation très forte de la force et de la virilité de la part des hommes. On est donc dans des stéréotypes de genres complètement exacerbés censés créer des situations de clashs et de violences. »
Et ça se vérifie à chaque épisode, ou presque, des Marseillais ou des Princes et les Princesses de l’amour. Les clashs entre couples, les disputes, les tromperies sont le socle des programmes, composent leurs principaux enjeux.
Difficile alors de construire une histoire saine et stable sous les caméras de W9, contrairement à ce que l’émission Les Princes et les Princesses de l’amour essaye de faire avaler à ses téléspectateurs.
Dans l’histoire des grands programmes de télé-réalité françaises, il y a donc eu quelques cas d’école en terme de relations toxiques.
Les plus marquantes auxquelles on pense sont bien sûr les couples Julien Tanti/Manon Marsault, Kevin Guedj/Carla Moreau, Milla Jasmine/Mujdat Saglam, Julien Guirado/Marine El Himer, qui se sont tous formés sous l’œil de W9.
Tous les candidats, absolument tous, ont construit leurs fondations sur des mensonges, des tromperies (de la part des hommes) et une manipulation avérée qui donneraient envie à n’importe quel psy de se jeter la tête la première contre un mur en crépi.
Si ces couples semblent pour certains s’être solidifiés, comme c’est le cas des Tanti et des Guedj/Moreau qui sont aujourd’hui mariés, ont des enfants et prétendent, en tout cas sur leurs réseaux, être heureux en ménage, ils ont offert pendant des années le triste spectacle de leurs conflits.
On se souvient avec une pointe d’angoisse des heures sombres que Kevin Guedj a fait subir à sa petite amie, la dénigrant parce qu’elle avait osé danser de manière sexy en club, ou l’insultant parce qu’elle se rapprochait d’autres hommes quand lui l’avait trompée à tire-larigot.
Il était douloureux de regarder Carla Moreau s’assoir sur ses droits fondamentaux pour un bourreau homme dont il est difficile de supporter la nocivité.
Et Kevin était loin d’être un cas isolé.
Quelques exemples de masculinité toxique
Malheureusement, le constat est navrant : quasiment tous les candidats du programme Les Marseillais ainsi que des autres émissions de W9 comme Les Princes et les Princesses de l’amour sont à l’image de Kevin.
Si l’on met de côté Thibaud Garcia, membre des Marseillais et seule force un minimum progressiste du programme, TOUS les hommes usent et abusent de techniques perverses pour mieux modeler les femmes qu’ils convoitent ou veulent anéantir.
Et ce même lorsqu’ils ont l’air de bons samaritains.
Prenons Anthony Paggini, dit Paga, et Greg Yega par exemple, deux candidats emblématiques des Marseillais (dont le dernier épisode a tout de même rameuté 955.000 téléspectateurs).
Sur le papier, ce sont deux joyeux lurons qui « mettent l’ambiance » partout où ils passent.
Le premier est DJ et saute de scène en scène comme un cabri sous acide. Le second ambiance les boîtes de nuit à coups de chorégraphies à la Michael Jackson, veste à paillettes soudée aux épaules.
Punchlines, danses chaloupées et autres déguisement chamarés : on a envie de les aimer. Mais derrière leur image de parfaits boute-en-train se cachent des individus aux desseins bien plus vils et répréhensibles.
Les desseins d’hommes misogynes.
Ni plus ni moins.
On en veut pour preuve les nombreux épisodes où ils se vexent suite au refus d’une candidate de céder à leurs avances — on se rappelle notamment du harcèlement que Greg a fait subir à Maeva pour que celle-ci sorte avec lui.
Bien sûr, on ne sait de ces comportement infects que ce que la chaîne veut bien nous montrer.
Difficile de savoir à quel point ces agissements sont encouragés ou non par la production, et lesquels sont le fruit d’une toxicité intrinsèque à ces individus.
Brigitte Grésy nuance :
« Je ne pense pas qu’il y ait des décisions délibérées de recruter des candidats toxiques. Mais les ressorts mêmes de l’émission renforcent en effet les stéréotypes de genre. »
Action délibérée ou non de mettre en avant des candidats problématiques, il n’en demeure pas moins que des épisodes sont diffusés quotidiennement, banalisant la toxicité, le harcèlement et le sexisme.
Même les candidats à qui l’on donnerait le bon dieu sans confession de prime abord s’avèrent vite se répandre dans une misogynie vile et primaire, qui n’a plus sa place dans un programme télévisé de 2020.
Il n’y a qu’à voir Bastos, ancien candidat de Secret Story et aujourd’hui au casting des Princes et des Princesses de l’amour
, qui déclare, dans le premier épisode de la saison actuelle, au sujet d’une jeune femme venue trouver l’amour :
« Cheveux décolorés, robe sexy : celle-ci elle est pas venue pour enfiler des perles. »
Un jugement fondé, en somme, sur l’apparence de la candidate. Réduire une femme à son physique, et accoler à celui-ci un cliché de mœurs, voilà qui est monnaie courante dans le programme.
Et s’il n’y avait que ça…
Le cas Mujdat Saglam, candidat des Princes et Princesses de l’amour
L’exemple le plus criant de masculinité toxique récent est sans aucun doute celui de Mujdat Saglam. L’entrepreneur turc est, au regard des autres, un petit nouveau dans le très étroit milieu de la télé-réalité française.
Arrivé en 2019 dans la villa des Marseillais vs le Reste du monde 5 en tant que « mec à Milla », il n’a pas tardé à faire montre de toute sa toxicité.
Pour rappel, Milla s’était mise en couple avec un autre homme, après avoir appris que son Mujdat lui mentait depuis des mois sur son statut familial.
En effet, et contrairement à ce qu’il lui avait dit, Mujdat était toujours marié et… papa de deux enfants.
Un mensonge que le candidat essaie de glamouriser, scandant sur YouTube qu’il a tu ce détail pour « avoir ses chances » avec la jeune femme.
Mentir « par amour », un grand classique !
Une fois arrivé dans l’aventure et apprenant que sa compagne était avec un autre homme, il a tenté par des techniques classiques de manipulation d’accabler la jeune femme, jusqu’à la rendre coupable de ses agissements à lui.
Et ça n’était que le début.
Dans l’édition 2020, l’entrepreneur est rentré dans la villa des Marseillais vs le Reste du monde en tant que célibataire et s’est livré une nouvelle fois à de nombreux conflits avec son ancienne fiancée (partie de l’aventure pour lui, puis revenue pour régler ses comptes).
Dès lors, il a fait preuve, sous le regard médusé d’autres candidats, d’une capacité à mentir qui défiait les lois du bon sens.
Les candidats, chaque jour surpris par la capacité de Mujdat à déformer les propos, l’ont rapidement qualifié de mythomane.
Ce dont le principal intéressé s’est défendu en recourant à sa technique préférée : accabler les autres.
Mujdat aurait dû, si l’on fait preuve de sens commun, être tenu le plus loin possible de programmes que regardent des centaines de milliers de jeunes quotidiennement.
Car la télévision a un impact sur le comportement de ses consommateurs, c’est indéniable.
Brigitte Ségry explique d’ailleurs :
« Quand on présente comme naturel des comportements humiliants et disqualifiants à la télé, on est tenté de les reproduire. L’apprentissage de la vie se fait par le mimétisme, par l’identification à des modèles […]. Quand dans des émissions avec des concours, avec des compétitions, vous avez des ressorts d’action qui infériorisent et disqualifient les femmes, il y a un effet délétère sur les spectateurs. »
Et de continuer :
« Ça n’est toutefois pas automatique, bien sûr. On ne peut pas dire que ces modèles vont forcément avoir un impact néfaste. Cela dépend aussi de l’esprit critique des consommateurs et du contexte dans lequel cette émission st regardée. »
Mais si l’on part du principe qu’il y a des risques de mimétisme de la part des téléspectateurs, il relève de la responsabilité des émissions de tenir hors de portée de son public des individus qui encouragent la toxicité et en sont même les parangons.
Il aurait donc été logique qu’on ne revoit plus Mujdat Saglam, au même titre qu’on ne voit plus Julien Guirado à la télévision. À leur place, il aurait été judicieux, d’un point de vue éducatif, de valoriser des hommes déconstruits qui prônent la masculinité positive.
Pourtant, Mujdat Saglam est la nouvelle figure de proue de la nouvelle saison des Princes et Princesses de l’amour.
Des jeunes femmes vont donc se battre pour remporter le cœur de cet homme. De là à dire que le programme jette les jeunes femmes dans la gueule du loup, il n’y a qu’un pas…
Les femmes victimes de la masculinité toxique des candidats de télé-réalité
En effet, en ligne de front de la toxicité masculine évoluent les femmes, douces ou tempétueuses, victimes d’un système auquel elles sont strictement indispensables.
Elles sont les petites-amies trompées, les mères dans l’abnégation, les victimes d’un système patriarcal qui refuse de céder au progressisme.
Force est de constater que les années passent et que les problématiques demeurent inlassablement les mêmes, que ce soit dans Les Marseillais, dans Les Princes et les Princesses de l’amour ou dans Les Anges de la télé-réalité : les hommes se marrent, font la loi et réifient chaque femme qui croisent leur route.
Les femmes à l’inverse se démènent pour gagner quelques points de crédit toutefois perdus d’avance puisqu’on dit d’elles qu’elles sont :
« Très fortes pour retourner le cerveau. »
Ou qu’elles sont :
« Folles, frère ! »
Les candidats masculins, proprement incapables — pour la plupart — de sortir de leur carcan de virilité éternel, accusent depuis des années leurs compagnes ou leurs adversaires d’être des manipulatrices ou des sorcières.
Prenons l’exemple de Greg Yega et Maeva Ghennam.
Alors que Greg vouait un culte à sa belle, elle l’éconduisait en permanence, parfois en se jouant clairement de ses sentiments. Un comportement d’ordinaire strictement masculin si l’on en croit la logique de ces programmes.
Oui mais voilà : ce qui passe chez les hommes ne passe pas chez les femmes.
Le comportement qu’a eu Maeva est le comportement classique qu’adoptent les hommes du programme.
Mais les femmes n’ont manifestement pas le droit, dans la télé-réalité, de faire des choix conscients et de déjouer les pièges de leurs potentiels bourreaux.
Elles se doivent d’être irréprochables, d’avoir « des principes et des valeurs », deux termes employés à tort et à travers par les candidats.
Chaque femme qui déroge aux règles manifestement induites par son genre se voit harcelée, comme ça a été le cas d’Océane El Himer, qui pour avoir embrassé un homme déjà en couple a été fustigé par l’ensemble des Marseillais et de la Toile.
Quand les hommes peuvent tout se permettre, les femmes n’ont pas le droit à la moindre incartade à la morale instiguée par leurs courtisans et détracteurs.
Ainsi, elles sont soit des jeunes femmes « bien sous tout rapport » soit des « filles qui ne se respectent pas ».
On constate donc que la dichotomie éternelle de la vierge ou la putain, qui régit les rôles des femmes au cinéma, à la télévision et parfois même dans la vraie vie, et les prive de toute nuance, est toujours de mise.
Inquiétant, n’est-ce pas ?
Oui mais alors comment renverser la vapeur ?
Les hommes de la télé-réalité, de purs produits de nos sociétés modernes
Les hommes toxiques et dangereux qui s’en sortent indemnes, on en a toutes en tête. Pas besoin de les connaître intimement d’ailleurs car ils occupent beaucoup d’espace dans les médias.
En réalité, ces individus qui font les beaux jours des programmes « poubelle » ne sont eux-aussi que le fruit d’une société patriarcale où les femmes sont acculées, ou leurs paroles sont remises en question, et où les hommes sont glorifiés (cf. le César de la meilleure réalisation remis à Polanski).
Les Marseillais, Les Princes et les Princesses de l’amour ou encore Les Anges de la télé-réalité se font ainsi le miroir terrible, désolant et effrayant d’une société française au sexisme toujours très tenace.
Peut-être que si demain nos politiques se mettaient à plus d’exemplarité, au même titre que nos entreprises et nos médias, les émissions de divertissement changeraient leur fusil d’épaule et décideraient d’éduquer plutôt que de se servir de la toxicité et des stéréotypes de genre comme de leviers de succès.
Peut-être qu’un jour les discours féministes, progressistes et l’empowering offriront à W9 autant d’audiences que les clashs, tromperies, les mensonges et la manipulation, aujourd’hui piliers de leur succès.
Mais Brigitte Ségry explique :
« Le propos de ce type d’émission est tout de même de créer des modèles ringards dont ils pensent que ça va faire le buzz plus que des émissions où les femmes et les hommes sont égaux. Il faudrait inventer des choses qui ne renforcent pas les stéréotypes. »
Il s’agirait désormais de penser de nouveaux formats qui feraient davantage le jeu de leur époque.
Cessons donc cet archaïsme dangereux et jouons enfin la carte du progressisme à la télévision, notamment en valorisant la masculinité positive au travers de candidats déconstruits, et en rendant ces programmes plus inclusifs pour les minorités ethniques et les personnes LGBTQ.
Il est temps.
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Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
En revanche, étant plutôt éloignée du mode de fonctionnement social des participants, je trouve que c'est presque intéressant à regarder, à décortiquer, à analyser.
Et du coup, je ne suis pas convaincue qu'il faille manquer d'esprit critique pour regarder.
En fait, ça dépend de ce sur quoi tu portes ton esprit critique.
Si c'est sur la qualité des programmes et la diversité de l'offre télévisuelle qu'il porte, effectivement, ne pas regarder est une forme de résistance.
Si en revanche - et c'est mon cas je crois - tu exerces ton esprit critique sur le programme en lui même, les comportements qu'il montre et met en avant, je ne vois pas comment l'exercer légitimement sans regarder le programme en question.
Ne me cachant pas vraiment de regarder les Marseillais, il m'arrive souvent d'en parler avec des personnes qui ne regardent pas et finalement, ils ont une image très générale, très faussée de ce qu'il s'y passe et du coup je crois que je préfère analyser le programme avec des gens qui regardent puisqu'ils connaissent et ont donc une idée plus juste des problématiques réelles qui s'y trouvent (comme le montre l'article de Kalindi d'ailleurs).