Fin 2016 est parue sur le Journal of Consumer Research une étude signée Aaron R. Brough, James E. B. Wilkie, Jingjing Ma, Mathew S. Isaac et David Gal, relayée et décryptée par Scientific American un an plus tard.
Elle se penche sur les liens entre les codes de virilité et les comportements écolos, ou en tout cas « planète-friendly ».
Car, le saviez-vous ? Les femmes recyclent davantage que les hommes, jettent moins d’ordures dans des lieux publics, et pas seulement aux États-Unis ! Pourquoi donc ?
Les scientifiques en question ont mené plusieurs études sur plus de 2000 hommes et femmes, originaires de Chine et des États-Unis, et en concluent qu’il existe « un lien psychologique entre les comportements écolo et une féminité perçue ».
Les hommes, leur masculinité, et l’écologie
Par exemple, une personne munie d’un sac réutilisable pour y ranger ses courses est perçue comme « plus féminine » qu’une personne utilisant les sacs en plastique du supermarché, par les hommes comme par les femmes, peu importe son genre.
Pour un autre test, les scientifiques ont « menacé » (c’est leur terme !) la virilité des participants de genre masculin, en leur demandant de s’imaginer utiliser une carte-cadeau rose et fleurie.
Les hommes devaient l’utiliser, en pensée, pour acheter trois choses : une lampe, un sac à dos, des piles.
Un autre groupe d’hommes était face à la même situation, mais avec une carte-cadeau classique, pas spécialement féminine.
Les premiers, ceux dont la masculinité a été « menacée » par des fleurs et du rose, ont moins choisi les versions écolo de chaque objet ! Et le Scientific American de déduire :
« L’idée que les hommes émasculés tentent de réaffirmer leur masculinité en faisant des choix qui ne sont pas « bons pour la planète » suggère […] qu’il est possible de faire du mal à la planète rien qu’en efféminant des hommes. »
Je veux faire des trucs de mec.
À l’inverse, lors d’un autre test, un groupe d’hommes a été soumis à des commentaires complimentant leur virilité, leurs aspects masculins. Parmi ceux-là, ils étaient au final plus nombreux à dire être intéressés par l’achat d’un produit ménager écolo.
En Chine, une étude menée auprès d’un concessionnaire BMW a montré que les clients s’intéressaient davantage aux véhicules hybrides après avoir vu une pub mettant en avant les attributs masculins de l’égérie.
Comment expliquer aux mecs qu’être écolo, c’est pas être une gonzesse ?
Alors, comment éviter l’idée qu’être écolo, c’est être « féminin », « sensible », et donc pas UN MEC UN VRAI ? Le Scientific American évoque plusieurs pistes.
Le marketing pro-écologie pourrait prendre cette disparité hommes-femmes en compte, et axer des campagnes sur le fait que penser à la planète, c’est masculin, c’est viril, ce n’est pas émasculant.
Je suis là pour sauver une petite chose que j’appelle la Terre.
Même des « détails » comme les couleurs dominantes ou le type de police de caractères utilisé donnent un aspect « masculin » ou « féminin » à un produit !
Toujours parmi les participants, plus d’hommes se sont dit prêts à donner à une ONG écolo avec un logo masculin (aux teintes noires et bleu nuit, avec un loup hurlant et le nom Wilderness Rangers écrit largement) qu’à une autre avec un logo classique (aux teintes vert clair et blanches, un arbre, et une police fine disant Friends of Nature).
Alors le Scientific American conclut :
« Quand le mâle se sent masculin, il a plus de chances de devenir écolo. »
La masculinité et ses mauvais côtés
Vous avez peut-être déjà croisé le concept de « masculinité toxique ».
Il évoque les aspects nocifs des codes genrés généralement rapportés aux hommes : l’incapacité d’exprimer des émotions autres que la colère, une propension aux comportements à risques… ou, comme vu ici, une tendance à davantage polluer.
À terme, ces versants de la masculinité sont en effet toxiques, y compris pour les hommes, puisque le jour où on aura plus de planète, avoir des grosses couilles ne changera rien à l’affaire. (Rapport qu’on sera MOURU.)
Donc, pourquoi ne pas encourager le fait qu’être écolo c’est être viril… Après tout, si foutre des athlètes sur des pubs disant de trier ses déchets ça marche, le résultat reste positif !
Mais ça me chiffonne un peu, au fond…
Faire un truc de gonzesse, pire que de ruiner sa planète ?
Je pars du principe que les hommes ayant participé à l’étude ne sont pas farouchement anti-écologie, puisque beaucoup étaient prêts à envisager l’achat de produits écolo ou le don à des ONG.
Et je suis un peu lasse.
Je sais que leur répulsion pour ce qui est considéré comme « féminin » est largement inconsciente et nourrie par une société genrée dans laquelle ils n’ont pas particulièrement demandé à grandir…
Mais merde, si un arbre et une police « fine » suffisent à menacer leur identité de genre au point qu’ils refusent une bonne action à cause de ça, on est pas sortis du bois !
À lire aussi : Parlons de la masculinité, ce boulet invisible que les hommes traînent
C’est pour ça que je trouve urgent d’interroger les notions de masculinité et de virilité, comme on discute depuis longtemps des codes de féminité.
C’est pour ça qu’une semaine sur deux, un homme vient parler de son genre au micro de mon podcast The Boys Club, et que j’alimente une rubrique masculinité sur madmoiZelle depuis quelques années déjà !
Si à la fin y a « sauver le monde » dans la liste des objectifs, ça vaut le coup, non ?
À lire aussi : Sauvons la planète ! (En toute humilité) — Le dessin de Cy. pour la COP21
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