Lectorat, ne panique pas, respire un grand coup et mets tes mains sur la tête, car ceci n’est pas un exercice : le métro londonien est en grève depuis presque une semaine. Je répète : le métro londonien est en grève depuis presque une semaine. Si. Je ne sais pas si tu réalises l’ampleur de cette nouvelle. J’apprécierais que tu ne prennes pas autant les choses à la légère, lectorat.
Je la refais pour toi : d’une, des Anglais font grève. ANGLAIS + GRÈVE dans la même phrase. Mais genre, pas grève « je dis, nous ne sommes pas satisfaits, bonté divine, nous allons être en retard pour le tea time », non : grève à la française « ON VA TOUT BLOQUER ET ON VOUS EMMERDE TOUS ». (Et je verse dans le gros cliché facile si je veux.) De deux, ils bloquent le métro de Londres. Rien que ça.
En gros.
Ce qu’il te faut réaliser, lectorat, c’est que Londres est une très, très grande ville plutôt active, qui, même si elle a un bon réseau de bus, vélos et des taxis kamikazes (ceci est une autre histoire), repose énormément sur son double souterrain. Oui, parce qu’à ce stade, on peut parler de double. Allez viens, on va y faire un tour, rien que toi et moi.
Le métro londonien, ma plus grande aventure
Quand je suis partie m’exiler à Londres il y a maintenant presque deux ans, je connaissais un peu l’Angleterre pour avoir vécu notamment dans le (grand) Nord, mais je n’avais jamais mis les pieds dans la capitale — pardon, la Capitale de douce Albion.
Je débarquai comme la provinciale que j’étais, pleine d’appréhension au vu de mon expérience passée de touriste occasionnelle et claustrophobe dans le métro de Paris. D’autant que laisser des ami-e-s nous guider dans les couloirs obscurs, et se pointer devant une carte du métro en traînant derrière soi sa maison sous la forme d’une valise de deux fois et demi sa taille et cinquante fois son poids, ce n’est pas exactement la même chose. Je l’appris assez vite à mes dépends.
Wait, what?
Londres, les enfants, c’est grand. Et le London Tube couvre tout le territoire londonien, de la zone 1 à la zone 9. Moi qui suis un peu fascinée par les cartes, j’ai commencé à collectionner de manière compulsive celles du métro de Londres, juste pour re-suivre des parcours, en préparer d’autres ou me promener virtuellement rien qu’en suivant des stations dont le nom m’interpellait et que je connaissais pas encore — de Shepherd’s Bush à Baker Street, de Knightsbridge à Angel.
Puis, très vite, et parce que j’étais là pour travailler juste assez pour soutenir financièrement mon exploration de la ville de fond en comble le reste du temps, je suis partie à l’aventure pour de vrai. Je ne me suis jamais vraiment expliqué la fin de mes crises d’angoisse dans un espace souterrain confiné, odorant et trop plein de gens, une expérience qui avait pourtant marqué la plupart de mes passages par les souterrains parisiens…
Le manque d’odeur ? La propreté ? Une bonne aération des souterrains ? Des gens plus courtois et moins énervés ? On ressort souvent ces arguments, et c’est peut-être un peu tout ça à la fois ; le transport à Londres coûte un bras, une rate et un poumon, mais au moins on s’y retrouve au niveau du service.
Reste poli 007, on laisse descendre avant de monter.
Alors, ok, il y aura toujours des endroits un peu crades, mais même si aujourd’hui je vis plutôt bien le fait d’avoir emménagé à Paris, ce n’est clairement pas comparable. Mais en ce qui me concerne, il y avait autre chose, qui peut avoir un rapport
avec cet article : j’étais bien trop occupée à me prendre pour un ninja ou Indiana Jones en arpentant les couloirs dans tous les sens pour penser que je pouvais mourir écrasée sous terre. Sans rire, l’endroit a quelque chose de mystique.
Si on passe les noms parfois intrigants, souvent chargés d’Histoire et qu’il m’arrivait de faire résonner autrement dans ma tête (par exemple, je n’aimais pas prendre la Northern Line en direction de Morden, parce qu’elle est noire sur le plan, que Morden ça sonne comme Mordor, et que je suis un peu con), les stations se suivent et ne se ressemblent pas.
Un long couloir étroit, presque vide et éclairé à une lumière jaune vacillante, et c’est le couloir de la mort. Une ligne creusée très profond, et l’escalator qui y mène file le vertige. C’est un chaos organisé qui nous mène partout et nulle part, nous fait tellement tourner dans tous les sens qu’on finit par faire confiance à 100% aux panneaux indicatifs qui semblent savoir exactement où et quand apparaître.
Les sous-sols de Londres sont troués comme un gruyère, et je suis sûre que des trucs se planquent dans les trous.Le « Londres d’en Bas »
Or, ce qu’il y a de bien, c’est que je suis très loin d’être la seule à me faire des films avec le fameux tube. Si la ville a fasciné pléthore d’écrivains en tous genres, il est rare que cela aille sans son fidèle doppelganger, ne serait-ce que parce les stations de métro sont les meilleurs points de repère. Et la fiction n’a fait qu’accentuer le côté un peu secret du réseau souterrain.
Le meilleur exemple reste, à mon sens, le roman de Neil Gaiman que vous connaissez peut-être, Neverwhere. Une jolie histoire fantastique, poétique et un peu mélancolique… Neverwhere explore les recoins de Londres autrement : en jetant son héros dans un autre monde, le « London Below » (ou « Londres d’en Bas ») — un autre monde qui a toujours été là, comme une sorte de Londres parallèle qu’on ne rejoint vraiment que si on prend le temps de regarder.
Il s’agit également d’une métaphore pour tous les laissés pour compte et les oubliés de la société, ce monde d’En Bas où les mendiants conversent avec les rats… et où les noms des stations de métro prennent tout leur sens ! Vous voyez Black Friars ? Faites attention, ces « moines noirs » sont un peu suspects. Et devinez ce qu’il se cache à Baron’s Court et Angel ?
Si vous avez envie de (re)découvrir Londres autrement, ce type de roman est pour vous ! Pas que je vous enjoigne à passer votre temps sous terre… mais reconsidérez le nom des lieux, parce que, sans nécessairement partir dans la fantasy urbaine, ils ont une signification historique.Et puis, savez-vous combien il y a de stations là-dessous, et combien sont vraiment utilisées ? Qu’il y a des tunnels cachés ? Que Lara Croft a tué des rats dans une de ces stations ? Qu’on appelle certaines stations abandonnées des « stations fantômes », et qu’il y en a d’autres qu’on dit hantées ? (De rien.)
Retour à la réalité
Bon, alors qu’est-ce qui cloche dans ce fascinant petit monde glauque ? Juste un détail, déjà : on pourrait croire que c’est vide les trois quarts du temps quand on m’écoute délirer sur les couloirs fantômes, mais en fait, il y a entre 3 et 4 millions de personnes par jour qui passent par là. Voilà-voilà. De suite, je pense que vous comprenez mieux mon délire apocalyptique au début de cet article.
4 millions de londoniens et un seul Sherlock. Ça se complique.
On parle vraiment de millions de gens bloqués aux portes des bouches de métro de la métropole en ce jour de grève reconduite. Nos amis britons ne faisant pas grève souvent, on peut supposer qu’ils ne déconnent pas ; les syndicats attendent vraiment d’obtenir gain de cause concernant la suppression de centaines de postes prévue dans le cadre d’un projet de modernisation de notre bon vieux métro.
Or il faut savoir que si tout est impeccable la plupart du temps, en période de travaux (et le machin étant, comme je vous le disais plus haut, assez vieux, les travaux fréquents restent indispensables pour des raisons de sécurité) (et pour virer les fantômes), il faut penser à consulter le statut des lignes quand on veut sortir le week-end. Sinon, tu es bon-ne pour prendre un bus de remplacement, et selon la distance à parcourir et le nombre d’individus intéressés par le même trajet, ce n’est pas forcément la même histoire. Mais alors pas du tout.
Alors prenez cette situation en pleine semaine, avec la majorité de la population qui se jette dans les souterrains pour parcourir les veines de la Capitale comme autant de petits globules rouges ! Oui, il y a le bus, le vélo, la voiture… Mais on parle de 3 à 4 millions de passagers qui reviennent à la surface (et qui ne le vivent pas forcément avec philosophie). À côté de ça, une invasion de zombies, c’est Candy au pays des bonbons gentils.
Tu vois, lectorat : on ne déconne pas avec le métro de Londres. On va tous mourir, c’est tout. Sur ce, je te laisse, c’est bientôt le Tea Time.
Pour témoigner sur Madmoizelle, écrivez-nous à :
[email protected]
On a hâte de vous lire !
Vous aimez nos articles ? Vous adorerez nos newsletters ! Abonnez-vous gratuitement sur cette page.
Les Commentaires
Personnellement ça ne me réjouirait pas d'imaginer une fois sur place, toutes les stations abandonnées et les "trous" surtout après avoir vu The Tunnel et Creep
Je suis loin d'être une flippette mais The Tunnel m'a fait faire des cauchemars pendant deux jours... just saying