Pour résumer, sachez que j’ai toujours voulu croire en des trucs. Quels trucs ? Vous savez bien, de ceux qui rendent la vie plus « coolos » comme dirait ma copine Bérengère Krief, parce qu’il nous charge d’un espoir un peu mystique.
[rightquote]J’ai toujours voulu croire en des trucs. Ces trucs qui, d’une façon générale, font des humains autre chose qu’un simple hasard scientifique.[/rightquote]De ces trucs qui, les jours pluvieux de novembre, font plus de bien qu’un bain moussant ou qu’un film avec Ryan Gosling. Et peut-être même qu’ils font plus de bien qu’un bain AVEC Ryan Gosling. Mais ça je n’en serai jamais sûre (malheureusement). Ces trucs qui, d’une façon générale, font des humains autre chose qu’un simple hasard scientifique. Ça s’appelle les dieu(x), le paranormal, le karma ou encore « la Force » si l’on est un Jedï (mais ça c’est rare). Et moi j’appelle ça des « trucs ». C’est juste que, jusqu’ici, en matière de trucs, j’avais été très déçue.
Première déception : j’ai 7 ans. Une bonne sœur, une de celles qui m’enseignent alors la catéchèse, m’annonce sans ménagement que je ne retrouverai pas ma chienne Bibi au paradis. Selon elle, les animaux n’ont pas d’âme. Mais comment peut-elle en être si sûre ? Et surtout : peut-on accorder du crédit à une femme qui porte la même robe depuis le débarquement de Normandie ? Ce soir-là je décide de ne plus croire en Dieu mais de croire en Jeanne et Serge. Ma communion, 5 ans plus tard, ne veut pas dire que j’ai la foi mais juste que j’ai envie d’avoir un vélo, 200 francs et un walkman.
Deuxième déception : j’ai 13 ans. Et je regarde Mystère sur TF1. Les dames blanches et les démons éveillent chez moi d’étranges frissons que la puberté n’arrangent pas. Leurs reconstitutions ont beau amuser les adultes autour de moi, moi jusqu’à pas d’heure, planquée sous ma couette, je flippe. C’est à cette époque qu’avec mes camarades de collège nous décidons, masochistes, de créer dans nos boums des « instants spiritismes ». Aucun verre n’a jamais bougé, nos « esprits es-tu là ?» n’ont jamais précédé que de décevants silences. De fils blancs en aiguille, un jour Mystère ne m’a plus fait peur et j’ai décidé que sur TF1, il n’y avait que des conneries. Je n’ai d’ailleurs pas changé d’avis depuis.
Troisième déception : j’ai 20 ans. Au lycée je viens de connaître une grosse période hippie. Ma meilleure amie Émilie et moi venons de nous bercer trois ans durant de « The Mamas and the Papas », des « Beatles » et de « Monkees » (les « Monkees », musique d’initiés, c’est pas à la portée de tout le monde, je vous préviens). Et malgré tous les râteaux successif que me mettent les garçons de mon âge, moi je crois… en l’Amour. Je tire les cartes. Et ça marche ! Enfin… Disons qu’aujourd’hui je sais qu’inconsciemment j’avais trouvé trois phrases qui marchaient à tous les coups et qui me permettaient de percer tout le monde à jour (en apparence), c’étaient celles-ci :
– Vous n’avez pas confiance en vous. – Vous avez toujours rêvé de faire un métier un artistique. – Vous avez connu plusieurs amours mais un a plus compté que les autres.
Essayez pour voir, vous pouvez vous aussi être cartomancien.
BREF (salut Kyan !), farouchement convaincue qu’il existe un karma, à l’époque je bois les romans de Bernard Werber et certaine qu’un inconscient collectif nous balade de vies en vies, je m’inscris en archéologie pour m’approcher du passé.
[rightquote]Certaine qu’un inconscient collectif nous balade de vies en vies, je m’inscris en archéologie pour m’approcher du passé.[/rightquote]Un été 2002 je me retrouve à exhumer des ossements gaulois dans un chantier des Ardennes où j’expose mes idéaux : « Tu comprends, Yvonne ? Je veux ressusciter ces gens, savoir ce qu’ils ont fait de leurs vies et pourquoi ! ». On me répond « Ouais, creuse et pousse la brouette, ce sera déjà pas mal ». Gothique sur les bords, j’attends des signes. Et bien devinez quoi ? Les gaulois ne répondront jamais. J’arrête alors de croire aux Schtroumpfs et en mon ange-gardien et j’arrête surtout de croire que l’archéologie m’offrira des débouchés professionnels. Je m’inscris en journalisme. Voilà que je vais vivre avec mon temps.
Ces dix dernières années n’ont fait que confirmer mon pessimisme spirituel. Je n’ai jamais eu, il me semble, de « signes » divins, tout m’est venu par le travail et l’action. Pas de dames blanches, pas de bruit de chaînes venant du grenier. Quand mon amie Émilie est décédée brusquement (car même si on en fait des chroniques humoristiques, la vie n’est pas toujours marrante) , j’ai presque attendu, comme une ado le « signe », son « signe ».
Celui qui était censé me dire « Il y a un au-delà, j’y suis et j’y suis bien ». Non. Rien. Même en étant conciliante, rien. Bernard Werber est devenu un ami, un jour il m’a dit « Je crois en ce que j’écris un jour sur deux ». Et j’ai trouvé que c’était déjà bien beau, j’en aurais été presque jalouse.
Mon père, croyant et scientifique avait beau s’entêter à me dire « le miracle c’est le fait que l’on existe et que l’on discute du fait que l’on existe ». Mouais. Je m’étais faite à l’idée d’une existence mortelle et sans magie. Distractions aidant (Sex and the City, Nintendo, flirts divers et variés, soldes, copines, Milka, Sudoku…), l’athéisme était supportable. Il l’est toujours quand on sait s’amuser.
Et puis il y a eu cette histoire de tableau. Ne vous attendez pas à un truc énorme mais juste à une histoire vraie. Une histoire sans trucage et vérifiable, contée par une athée convaincue.
J’ai toujours vu ce tableau chez ma grand-mère, elle-même l’avait de sa mère. Mon arrière grand-mère louait des chambres dans une commune de la jungle bretonne. Trente ans après l’essor de l’école de Pont-Aven, on pouvait miser sans rougir sur les jeunes peintres. L’un d’entre eux, encore anonyme aujourd’hui et je pense pour toujours, fit un jour de l’œuvre en question son loyer. « La Tour Carré de Penmarch’ » au couteau, un entrelacs réfléchi de gris et de beige. La Bretagne sans surprise. Un tableau quoi.
Quand ma grand-mère est née, le tableau était déjà chez elle et, celui-ci l’ayant suivi après son mariage, toute sa vie elle l’aura eu sous ses yeux. Et moi aussi. La toile faisait partie du décor de mon enfance comme quelques autres œuvres chères à ma famille, chez nous on aime bien la peinture. Un jour, Mamie est partie en maison de repos, on a pris quelques toiles pour chez nous. Dont celle-ci. Forcément. D’où l’anecdote.
Et puis un jour Mamie est partie pour toujours. Évènement douloureux. Dois-je préciser que je l’aimais beaucoup ? Je l’aimais beaucoup. Et puis l’enterrement. Pluie de septembre, vent, souvenirs, pen baz (« déprime » en breton), somme toute la norme en matière d’obsèques, ni plus ni moins. Et chacun rentre chez soi. Mais à la maison, une surprise nous attend : sur la table de la cuisine un post-it de la femme de ménage ! C’est pas le post-it la surprise (même si j’adore trouver des post-it), la surprise c’est que dessus il était écrit noir sur jaune fluo entre quelques blablas de rigueurs : « Un tableau est tombé, le cadre est cassé… ».
Un romancier dirait que la tour carrée s’était effondrée sous le poids du chagrin. Moi j’ai dit « Ho putain ! ». Le lendemain, on a su que « l’incident » avait eu lieu vers seize heures. L’heure pile de l’enterrement. Mamie s’est offert non pas un instant spiritisme dans sa boum mais un boum dans son instant spirituel. Classe.
J’ai dit à mon père que c’était sûrement un hasard. « Même si on a quinze tableaux et cadres dans la maison et qu’il y a 365 jours dans une année, chacun comptant 24 heures, ça reste un hasard, évidemment Papa ! Tu vas pas croire au Père-Noël non plus !». Mais secrètement, j’avoue avoir pensé : « Ça y est, j’ai enfin un vécu paranormal que je pourrai raconter dans les soirées où on parlera de paranormal. Je vais enfin être une fille « coolos » comme dirait Bérengère ».
Symboliquement, on n’a pas réparé le cadre. La tour carrée est toujours cassée et est toujours accrochée (plus solidement) dans notre couloir. Qu’est-ce que ça a changé concrètement pour moi ? Et bien quand je suis chez mes parents et que la nuit je me lève pour aller chercher quelque chose dans le frigo, j’ai peur de la regarder. Et d’ailleurs je dois vous avouer que, quand je suis chez mes parents, je ne vais plus rien chercher dans le frigo (Les maisons hantées sont excellentes pour les régimes). Je flippe comme une gosse qui aurait regardé Mystère. En même temps, de quoi j’ai peur ? D’un fantôme ? Ma grand-mère était tellement gentille que le sien serait foutu de me donner 20 francs. C’est juste que… on sait jamais. Il y a des « trucs » quand même. Ouais, il y a des trucs… Qu’est-ce que vous en pensez ? Vous avez déjà vu « des trucs » ?
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Les Commentaires
j'avais 12 ou 13 ans et ma soeur 9 ou 10, on a pas fait nos maligne....
après à pars ça d'autre appartitions (des tas, donc un cadavre couché à côté de moi au réveil, bonne ambiance), des portes qui s'ouvrent et se ferment, des objets qui changent de place ou disparaissent, des souffle sur le visage pendant que je dors, des caresses dans les cheveux, un coup de pied sur le canapé sur lequel j'était assise une fois, des odeurs (horrible parfois) qui apparaissent et disparaissent aussi vite, des bruits de pas, des voix et d'autre trucs que j'oublie surement, j'ai même des photos d'orbes !