C’était cet été. Je sortais depuis quelques mois d’une rupture assez compliquée. Au bout de plusieurs années de relation, c’est toujours assez difficile de retrouver un équilibre émotionnel.
Il y avait les moments d’euphorie, ceux où je pouvais croiser le regard d’un mec dans les transports en m’imaginant le plaquer contre la vitre avant la prochaine sortie.
Et puis, il y avait ces jours où même les murs blancs de mon nouveau 30m² refait à neuf me paraissaient humides et fissurés, un peu comme mon moi tout entier.
Je ne cherchais absolument pas à retrouver une relation durable, dans l’immédiat. J’avais envie de laisser faire le temps, rencontrer des gens, voir mes ami•es plus régulièrement, développer certains aspects de ma vie.
Pour autant, je ne voulais pas m’installer dans ce statut de meuf célibataire, refusant tout contact durant plus de deux nuits et vingt SMS.
Je suis persuadée et super heureuse que cette situation convient à certain•es mais ce n’est pas mon cas. Les soirées en tête à tête avec moi-même ne me font pas peur, mais celles autour d’un Pad Thaï et d’une paire de bras dans lesquels se nicher, sourire niais au bord des lèvres non plus.
Jusqu’alors, je n’avais jamais eu l’occasion de tester Tinder. J’avais un profil, pour « voir à quoi ça ressemble quand même, c’est marrant ce truc, et puis regarde, j’ai pris une capture d’écran de son profil, mais lol il fait de la flûte de pan, trop la classe tu trouves pas ? Bon bref ».
Mais comme j’étais en couple, j’avais très vite laissé tomber l’appli une fois ma jauge de curiosité remplie au maximum.
Célibataire et à face aux « faut que t’arrêtes de te prendre la tête » de mes amies s’arrachant la frange devant mon teint de troglodyte, je suis retournée dans l’Apple Store.
Une fois Tinder réinstallé, j’ai swipé, swipé. La nuit, le jour, en attendant mes rendez-vous et dans la file du McCafé.
J’ai rencontré un mec, sympa. Puis deux. Puis quatre. Je les ai revus. Ou pas. J’ai regretté. Ou pas. Et puis un jour, j’enchaînais les débuts de discussion sans saveur et les mouvements de doigt vers la gauche quand il est apparu.
Moi face à ce sosie de Benjamin Siksou
Il était brun, les cheveux mi-longs, une clope glissée dans la commissure droite et un regard à te dézinguer le fond de la culotte avant d’avoir eu le temps de reprendre une pinte.
J’ai swipé à droite, étant persuadée qu’il n’en ferait jamais de même. Impossible qu’un mec portant si bien la chemise à fleurs puisse s’intéresser à moi, mon mètre cinquante-huit et mon air de toujours n’en avoir rien à foutre.
Le lendemain matin, nous matchions.
En plus d’être fondamentalement beau, ce garçon était tout ce qu’il y a de plus charmant. Il me faisait des compliments sur mes tatouages (comme 99% de mes rencontres) et des blagues sur ce que les gens achètent chez Picard (comme personne).
Très vite, nous avons convenu de nous voir.
Il était 18h30, le rendez-vous était prévu dans mon quartier (qu’il connaissait apparemment bien mieux que moi). À première vue, sur le trottoir d’en face, regard mi-sur lui, mi-sur un faux message reçu sur mon iPhone, il était petit. Petit ouais, mais beau comme pas permis.
Nous avons très vite été sur la même longueur d’onde et nous avons discuté très longtemps. Cette chaise de bar qui laissait des marques sur mes cuisses et au dossier tordu me paraissait l’endroit le plus confortable au monde.
À lire aussi : Le premier rendez-vous et ses travers — Le dessin de Mr.Q
Nous nous sommes revus. Je voulais voir ses yeux noirs, une nouvelle fois et une autre encore.
Un soir, il est venu chez moi. Nous avons regardé mon film d’horreur préféré. À un moment, il s’est levé, il est allé chercher une bouteille d’eau et il m’a embrassée. C’était pas le premier baiser le plus sexy du monde mais, dans ses yeux, j’avais l’impression d’être Satine face à Ewan McGregor.
Plus ou moins littéralement.
Le lendemain matin, quand il est parti au travail habillé comme la veille, je me suis dit que ce mec était vraiment cool. Deux minutes plus tard, je recevais un smiley cœur : « on se revoit ce soir » ?
Alors on s’est revus, assez régulièrement pendant trois semaines, souvent à sa demande. Pourtant, il y avait un truc qui clochait. Il n’était jamais à l’heure, jamais au rendez-vous.
Une fois, il m’avait promis de me retrouver en début de soirée et je l’avais attendu quatre heures et demie, sapée comme jamais, mascara coulant, en semi-hibernation sur mon canapé.
Il avait toujours une bonne excuse. Il habitait loin, il avait un travail prenant. Et j’entendais, je pouvais comprendre.
Je ne mettais aucune attente particulière dans cette relation. Il aurait pu me dire qu’il voyait d’autres gens, je le faisais moi-même. Il aurait pu me dire que c’était cool entre nous, mais bon voilà.
Au lieu de ça, un soir, il m’a demandé clairement si on pouvait se lancer dans un truc un peu plus sérieux, retirer l’application et rester fidèles l’un à l’autre. Je me suis dit oui, pourquoi pas, on verra bien.
À partir de là, j’ai commencé à ne plus bien comprendre le sens de cette relation.
Les retards devenaient de plus en plus fréquents, si bien que je calais toujours des « solutions de secours » au cas où il aurait plusieurs heures de délai. Et il y a eu cette fois où il n’est pas venu.
J’ai attendu, sans aucune nouvelle, les yeux brillants. Je suis rentrée chez moi, les poings serrés, je me suis jetée sur le lit, de rage, encore toute habillée. Je me suis réveillée, le matin, avec quarante messages.
À lire aussi : Six situations horribles quand on est toujours en retard
Des excuses, des « je comprends que tu sois super vénère mais c’est pas ma faute ». Après son dernier message de la soirée, qui insinuait qu’il allait bientôt partir de chez lui, il s’était endormi. Le pire, c’est que je crois que c’était vrai.
Quand on se voyait, il était très présent. On discutait beaucoup, on allait au restau et on s’embrassait dans la rue. C’était vraiment cool entre nous… enfin, lorsqu’il était là.
Et, pour la deuxième fois, il n’est pas venu. Même scène, même excuse. Je ne savais plus quoi penser. Une partie de moi le plaignait, une autre avait envie d’aller le chercher par la peau du cul pour avoir le plaisir de le balancer du septième étage.
Finalement je lui ai simplement dit que je ne voulais plus le voir…
… jusqu’à la semaine suivante. Il me manquait et c’était vraiment con de passer à côté d’un truc cool.
J’ai décidé de revoir les règles : plus de « on voit personne d’autre, on est en couple, machin », mais juste du « on se voit quand on peut, dans de bonnes conditions ».
Il a approuvé, je lui ai dit que je voyais quelqu’un d’autre, ça l’a attristé mais il a compris.
On s’est revus quelques fois, même s’il n’était toujours pas à l’heure, me posait des lapins et rivalisait d’excuses de plus en plus bidons. Un jour, j’ai annulé un plan assez cool avec une amie car il m’avait promis être là. On devait passer une soirée ensemble, j’avais hâte.
À 23h30, j’avais une jolie robe, mais il n’était pas là. Il ne répondait pas à mes SMS, à mes appels et à mes messages sur Facebook. Vers minuit et demi, il m’a enfin dit qu’il était désolé, qu’il était crevé, que c’était mort pour ce soir-là.
Comme j’étais transformée en nuage noir de haine et que j’avais envie de comprendre le sens de toute cette histoire, je lui ai lancé un ultimatum.
Comme ça, tel un personnage de mauvaise comédie romantique, j’ai dit : « tu viens ce soir, tu prouves que tu tiens à moi, ou je ne veux plus jamais te revoir de ma vie ». Je pensais qu’il ne viendrait pas.
Je me confortais d’ailleurs un peu dans cette idée. Il m’avait prise pour une idiote, il avait joué avec moi. Maintenant il ne savait plus comment s’en sortir, pensant qu’il me briserait le cœur et il faisait tout pour m’éviter. Mais voilà sa porte de secours, enfin il était libre !
Deux heures plus tard, il sonnait en bas de chez moi.
ARE YOU FUCKING KIDDING ME ?
D’un air désinvolte, comme toujours, celui du mec qui se sent excusable pour tout, tout le temps, il a lancé : « tu vois, je suis venu ». Nous n’avons pas échangé trois phrases. Nous n’avons pas fait l’amour. Il s’est glissé sous la couette jusqu’au lendemain matin.
Et je ne l’ai plus jamais revu de ma vie.
Il a essayé de me revoir, me lançant des appels mous sur Facebook. Et quoi de neuf toi ? Ah bah moi rien non plus. Sinon ça va ? Ouais moi aussi, la routine.
T’as revu un mec ? Cool pour toi. Tu sais tu me manques un peu. Nos soirées étaient cool non ? Bah pourquoi tu réponds plus ? Puis le dernier message et plus rien depuis cinq mois.
Je n’ai jamais réellement réussi à comprendre. Pourquoi s’obstiner à vouloir construire à tout prix une relation forte et directe quand on n’est pas prêt•e ?
Pourquoi entretenir une flamme quand on n’a pas envie de veiller le feu toute la nuit comme dans Koh Lanta ? Pourquoi cette histoire a-t-elle commencé de manière si éclatante pour terminer comme une vieille grenouille sèche et aplatie au bord de l’autoroute du soleil ?
Pourquoi je n’ai pas fui dès le début, comme me le conseillait mon entourage ?
Tant de questions sans réponses. Mais je crois que ça valait le coup d’essayer.
À lire aussi : L’histoire du garçon que j’aimais, mais qui m’a poussée à le quitter
Vous aimez nos articles ? Vous adorerez nos newsletters ! Abonnez-vous gratuitement sur cette page.
Les Commentaires