La série Hilda, par Luke Pearson, est une des plus belles surprises BD que j’ai pu avoir en 2012. Chacun des titres (Hilda et le Troll, Le Géant de la nuit et La Parade des oiseaux) est un délicieux mélange d’humour, de fantastique et de poésie. Hilda pourrait être une série estampillée « jeunesse », mais c’est bien plus que ça. On y retrouve la magie délicate d’un film de Miyazaki, dans un monde merveilleux où humains, animaux et créatures fantastiques vivent côte à côte. Si la plupart des gens ignorent la magie qui les entoure, Hilda, elle, discute volontiers avec les elfes, les géants, les trolls et les animaux de toutes espèces. Et elle a bien raison car grâce à cela, elle vit des aventures incroyables, qui l’enrichissent et la font grandir. Côté dessin, le trait de Luke Pearson est plein de rondeur et de douceur, et des personnages aux décors, tout est très beau. Les couleurs, un peu passées mais pleines d’énergie, un peu rétro mais aussi très modernes, finissent de nous émerveiller.
Ces trois BD, parues chez le joli éditeur Nobrow, sont de vrais petits bijoux et je ne peux que vous recommander très fort de les découvrir. C’est typiquement le genre de titre qui fait passer un bon moment, nous fait voyager et nous recharge en ondes positives. Un vrai bonheur.
Luke Pearson, l’interview
J’ai eu le plaisir de pouvoir rencontrer Luke Pearson à Angoulême pour l’interviewer.
Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis un auteur de BD anglais. Je suis l’auteur de la série Hilda, qui compte trois tomes et qui raconte l’histoire d’une petite fille dans un monde fantastique. Je fais également d’autres BD, des illustrations…
Luke Pearson et un élément de recherches pour une figurine Hilda
Comment résumeriez-vous l’histoire d’Hilda ?
C’est une petite fille qui vit dans un monde imaginaire inspiré du folklore scandinave. Elle vit avec sa mère. Ce n’est pas de la grande fantasy, de la sorcellerie… c’est un genre de fantasy « douce », avec des créatures, et des éléments mythologiques qui se mêlent au quotidien.
Comment est née l’idée d’Hilda ?
C’est un mélange. Je me suis mis à lire des contes norvégiens, à m’intéresser au folklore scandinave. J’ai beaucoup aimé ces histoires, les éléments fantastiques qui interviennent dans la vie de tous les jours. Et il y avait ce personnage que j’avais déjà dessiné plusieurs fois dans un décor d’inspiration norvégienne et je voulais vraiment en faire quelque chose. Alors, quand j’ai eu la chance de faire une bande dessinée pour Nobrow, la première fois, j’ai mélangé tout ça, et construit cet univers. Pas quelque chose d’incroyable. Juste cette petite fille et sa mère dans une petite maison en pleine nature. J’ai juste à la laisser se promener dans ce monde que je construis doucement, au fur et à mesure que je l’invente.
Comment travaillez-vous sur vos histoires ?
Ce n’est pas une approche stricte. Je dessine beaucoup, il y a des éléments dont j’ai envie de faire quelque chose, et je me demande comment les intégrer dans l’histoire. Parfois j’ai une vague idée de mon histoire, j’en écris les grandes lignes, puis je dessine, et je reviens à l’écriture. C’est comme un dialogue entre l’un et l’autre. Même à la toute fin je fais encore des changements.
Quels techniques et outils utilisez-vous ?
Je dessine tout à la main, j’utilise un stylo-pinceau… Puis je colorise sur Photoshop.
Les paysages sont très importants dans vos histoires. Ils sont presque un des personnages principaux. Sont-ils inspirés de lieux réels ?
Oui, en quelques sortes. Il y a longtemps, je suis allé en vacances avec ma famille en Norvège, c’était une sorte de croisière à travers les fjords, et les paysages m’ont beaucoup marqué. Les montagnes, les rochers comme collés entre eux. C’est très mystérieux. J’ai aimé la manière dont ça a stimulé mon imagination, et j’ai gardé ces images en moi. Elles me sont revenues en dessinant Hilda.
Hilda utilise son imagination pour échapper au quotidien, dans des moments un peu difficiles de sa vie. Est-ce pour vous le rôle principal de l’imagination ?
Je crois que oui. Enfant, j’avais beaucoup d’imagination. Je n’avais pas de gros problèmes à fuir, mais c’était simplement une manière de m’évader. C’est un peu pareil pour Hilda, elle n’a pas nécessairement besoin de faire des efforts pour imaginer, il y a toutes ces choses incroyables autour d’elle.
Dans vos livres, les créatures que croisent Hilda sont très amicales. Est-ce qu’elle est chanceuse ou pensez-vous que toutes les créatures magiques sont sympathiques ?
Eh bien, j’aime à penser que ni les créatures, ni les animaux, ni les personnes ne sont foncièrement mauvais. C’est ce que j’ai essayé de mettre dans mon livre. Comme ce qu’on trouve dans les films du studio Ghibli. Il n’y a pas vrais méchants, mais des antagonistes qui ont juste leurs propres problèmes. Comme dans Le Géant de la nuit, où Hilda et sa mère et les elfes se causent des problèmes les uns aux autres, mais ce n’est pas méchamment, c’est juste leur manière de régler leurs propres problèmes. J’aime cette idée, plutôt que d’avoir un vrai méchant. Ça ne renvoie pas un bon message, quand le seul moyen de résoudre des problèmes passe par un combat. J’essaie de faire en sorte qu’il n’y ait pas de combat, de violence si ça n’est pas nécessaire. Il ne devrait pas y en avoir dans les contes, dans les histoires pour enfants, les histoires d’amour. Hilda vit dans un monde fantastique mais elle se retrouve face à des problèmes du quotidien qu’elle doit résoudre.
Les histoires d’Hilda sont très poétique, et ont vraiment un univers particulier. Mais quelles sont vos influences pour cette série ?
Mes influences ne sont pas structurées, je m’intéresse à tous les styles de bandes dessinées. Et je dois dire qu’avant Hilda, je voulais faire des bandes dessinées destinées aux adultes. C’est un peu un accident si je me suis retrouvé à faire cette BD, et j’ai eu envie d’y mettre la même sensibilité que je l’aurais fait dans une oeuvre pour adultes. Je pense que mon influence principale, c’est l’œuvre de Tove Jannson, les histoires des Moomins. C’est presque l’inspiration-clé. Je voulais faire quelque chose comme ça. Je me souviens de ce que j’ai ressenti en regardant les dessins animés des Moomins lorsque j’étais enfant. Cette émotion est ancrée en moi, plus encore que lorsque j’ai lu les livres ensuite. Je les adore, mais ils sont plus orientés vers les adultes. Et je voulais faire quelque chose qui provoque ce que j’ai ressenti enfant. Les films de Ghibli sont aussi une influence importante. Il y a des BD que j’ai lues quand j’étais tout jeune, Tintin, Astérix, qui ont influencé la forme de mon livre. En fait tout ce que j’ai pu lire m’a influencé d’une certaine manière.
Hilda est une série pour enfant, mais il y a beaucoup d’adultes qui lisent et apprécient ses histoires. Vous attendiez-vous à toucher ce lectorat ?
Je me doutais qu’il y aurait des lecteurs adultes, car en Angleterre, les enfants ne sont pas vraiment exposés aux bandes dessinées. Je m’attendais donc à ce que ce soient des lecteurs de mes précédentes BD, pour adultes, qui aiment mon travail et achèteraient ma BD pour leurs enfants, mais aussi pour eux. Et je pense que c’est ce qui s’est passé. Puis au fur et à mesure que Nobrow a commencé à être connu, la série s’est également retrouvée dans des boutiques pour enfants. Et je suis content d’avoir ces différents lectorats.
Est-ce que vous ressembliez à Hilda enfant ?
Peut-être… Pas vraiment. Hilda est plutôt aventureuse, ce que je n’étais clairement pas lorsque j’étais enfant. J’étais plutôt timide, calme… Non en fait je n’ai définitivement rien en commun avec Hilda, elle est plutôt le genre d’enfant que j’aurais aimé avoir été.
Quel était votre livre préféré enfant ?
Je ne sais pas… Je n’ai pas lu beaucoup de BD pour enfants quand j’étais petit, plutôt des bandes dessinées pour adulte. Mon oncle en avait. En fait je lisais vraiment tous les genres de livres. Et je lisais énormément de non-fictions, ça me passionnait. En particulier les livres d’Histoire, et ceux sur la nature. J’aimais les châteaux et les vikings. Je pense que cela vient de mon père, et de mon grand-père qui est un expert sur le sujet. Je viens d’ailleurs d’illustrer la couverture d’un livre qu’il a écrit sur Erik Bloodaxe. Tous les enfants aiment les dinosaures mais je lisais beaucoup de choses à propos d’eux. J’aimais les livres scientifiques aussi. J’étais un enfant plutôt intelligent et je prenais beaucoup de plaisir rien qu’en apprenant des trucs. Au fur et à mesure, je deviens idiot et tout ce dont je suis capable, c’est d’inventer des choses.
Un grand merci à Luke Pearson, ainsi qu’à Judith, pour l’organisation de cette interview.
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