Le 15 mars 2013
Il y a 3 mois, j’ai découvert que j’avais de l’herpès génital. Pourtant, je me suis toujours protégée pendant mes rapports…
Comment cela est-t-il arrivé ? Comment accepter et pardonner ? Comment vivre avec une IST ?
Les premiers symptômes de l’herpès génital
Un matin, je découvre 3 boutons étranges dans ma culotte. Ça démange, c’est douloureux, et ça m’effraie.
J’en touche un mot à mon amie Chloé, car je sais qu’elle a de l’herpès. Elle me dit que ce n’est pas impossible que ce soit ça…
Je commence à paniquer et appelle de suite une gynéco. J’ai un rendez-vous en urgence pour l’après-midi même.
Toute la journée, on se retourne la tête avec Chloé. Ok, si ce n’est pas de l’herpès, c’est quoi ? Une mycose ?
Si c’est de l’herpès, je l’ai eu comment ?
Comment ai-je attrapé un herpès génital ?
Nous avons envisagé 4 solutions, du haut de notre ignorance crasse :
- La cuvette des toilettes, comme les excuses bidon des nanas infidèles dans les mauvais films…
Une option peu probable mais pas impossible.
- Transmission non sexuelle par Chloé : elle se gratte, elle ne se lave pas les mains, elle me serre la main, je me gratte.
Sauf qu’on ne se serre jamais la main, on se fait des câlins. Et sa dernière poussée remonte à 3 mois. Mais bon, on la compte quand même : option peu probable mais pas impossible.
- Transmission sexuelle par mon premier partenaire.
Sauf que d’une, on a toujours utilisé des capotes, de deux il n’a jamais eu d’herpès et de trois, je ne l’ai pas vu depuis 2 mois : option peu probable mais pas impossible.
- Transmission sexuelle par Kyle, mon actuel partenaire.
On a toujours utilisé des capotes aussi, il n’a jamais eu d’herpès non plus mais d’une, c’est mon partenaire actuel, de deux, depuis une semaine il dit qu’il a mal quand il urine et éjacule, et surtout de trois, il a eu un rapport avec Chloé il y a 2 semaines…
Option moins improbable que les autres.
La gynéco me diagnostique un herpès génital
Arrivée chez la gynéco, elle me confirme en moins de deux le diagnostic. J’ai maintenant quatre boutons qui me démangent comme pas possible, et pour elle, aucun doute : « c’est herpétique ».
Prescription de médicaments, et réponses aux questions.
- L’herpès ne peut pas se transmettre par la cuvette des toilettes.
Car personne ne se colle la vulve contre la cuvette, déjà (enfin j’espère pour vous), et puis parce que le virus ne survit pas assez longtemps à l’extérieur.
Il faut juste être vigilante avec les objets humides comme les serviettes de bain, ou encore les rasoirs, qui peuvent faire des micro-plaies.
- Une personne infectée ne peut pas vraiment transmettre non-sexuellement un herpès génital à quelqu’un, via les mains par exemple.
Le plus grand risque c’est de se le transmettre à soi-même vers la bouche (herpès labial) ou les yeux (herpès oculaire, qui peut rendre aveugle).
Par contre, on PEUT transmettre l’herpès en dehors des poussées. D’ailleurs, certains porteurs n’ont jamais de poussées et sont malgré tout contagieux par moment.
- Et on PEUT transmettre l’herpès malgré un préservatif : il va passer par le contact des muqueuses ou de la peau.
Frotti-frotta ? Ça passe. Les pubis qui se touchent ? Ça passe. Les testicules qui tapent ? Ça passe. Les doigts qui passent d’un organe à l’autre ? Ça passe.
Les langues qui passent d’un organe à l’autre ? Il faut être très souple, mais ça passe.
- L’herpès, on l’a à vie.
Je peux faire une crise à ma primo-infection, puis plus jamais. Ou je peux faire des crises tous les 2 mois jusqu’à la fin de ma vie. Dans tous les cas, je suis constamment susceptible de contaminer quelqu’un, même sans symptômes.
- L’herpès n’est pas dépisté dans les tests classiques.
Beaucoup de porteurs pensent ainsi être clean, confortés par les résultats de leurs tests IST classiques.
Les précautions à prendre en cas d’herpès génital
Après un « De toute façon l’herpès, quand ça veut passer, ça passe, hein ! », la gynéco essaye tout de même de me rassurer :
« Pas de rapports sexuels pendant les poussées, et soyez toujours protégée en dehors, et ça ira. »
Avant de préciser :
« Si vous voulez des enfants, il faudra prévenir votre médecin de votre herpès, parce que si vous avez une poussée au moment de l’accouchement, vous pouvez transmettre au bébé et ça peut être très grave.
C’est pour ça que la plupart du temps, si une femme fait une poussée dans le dernier trimestre, elle doit accoucher par césarienne. »
Super.
Je préviens Kyle. Il prend rendez-vous chez son médecin. Je rentre chez moi et lis la page Wikipédia sur l’herpès. Mauvaise idée.
L’herpès (génital) rime avec tristesse
Wikipédia a l’air de me dire que je ne pourrais jamais faire l’amour sans risque de transmettre mon herpès…
Je suis fatiguée. Mes boutons me grattent. Je suis privée de sexe pendant 2 semaines. Je suis privée de cunnilingus jusqu’à la fin de mes jours, sauf :
- Si j’utilise une digue dentaire (mais ce n’est pas très répandu, j’ai peur que les mecs refusent…)
- Si mon partenaire est prêt à courir le risque d’un herpès labial, mais je ne laisserai pas quelqu’un prendre ce risque pour moi (à moins que ce soit mon conjoint) (auquel cas l’herpès ne sera qu’une chose à partager parmi tant d’autres).
La prise de risque qui m’a fait choper un herpès génital
Je parle avec Chloé : elle n’était pas au courant de tout ça. Son médecin, à l’époque de sa primo-infection, ne lui avait pas dit qu’on pouvait transmettre en dehors des périodes de crise.
Je parle avec Kyle : son médecin lui a dit que c’était impossible qu’il l’ait eu par Chloé, parce qu’on ne peut pas transmettre en dehors des poussées, et que c’était impossible qu’il me l’ait refilé, parce que on ne peut pas transmettre avec préservatif.
Et que lui, il a juste un germe. Et puis d’abord, il n’a pas de boutons.
Je lui ai dit que son médecin racontait des conneries, que mon entrejambe en était la preuve (un peu trop) vivante et qu’on pouvait être porteur sans symptômes. Il refuse de m’écouter.
Malgré tout, quelque chose m’étonne dans son discours, alors j’insiste :
— Attends, tu veux dire que toi et Chloé vous ne vous êtes pas protégés ? — Ben elle m’a dit qu’elle était clean, et moi aussi je le suis. — T’es sérieux, là ? Vous avez tous les deux des partenaires multiples, et vous vous permettez d’avoir un rapport non protégé ? — Mais elle m’a dit qu’elle n’avait rien. Moi j’ai fait des tests il y a pas longtemps.
La colère contre ceux qui m’ont transmis un herpès génital
Ma première grosse colère fut contre Chloé et Kyle.
Ils s’étaient mis en danger, ils m’avaient mise en danger, alors qu’ils sont tous les deux mes amis, et ils ont mis en danger leurs autres partenaires.
Comment avaient-ils pu être aussi négligents ? Tous les deux savent qu’on doit toujours se protéger. Ils se sont permis de faire l’impasse sur leur santé et sur celle de ceux qui leur sont chers, juste pour une baise sans capote.
Puis ma colère se tourna contre les médecins.
Celui de Chloé, qui ne l’a pas renseignée sur les précautions qu’elle devait prendre. Qui l’a laissée être dangereuse pour les autres et pour elle-même.
Celui de Kyle, qui nie l’évidence. Qui préfère affirmer des bêtises à ses patients plutôt que d’assumer le fait qu’il ne sait pas.
Qu’est-ce que cela leur aurait coûté, à l’un comme à l’autre de dire « Je ne suis pas apte à répondre à vos questions et vous donner les informations dont vous avez besoin, mais je peux vous dire à qui vous adresser » ?
Est-ce que la fierté du professionnel passe avant la santé du patient ?
La colère contre les uns est passée. On a joué de malchance : pendant 2 ans, Chloé n’a rien transmis à son ex, mais au premier rapport avec Kyle, il est contaminé.
Kyle n’avait pas de bouton visible, donc pas de plaie, mais m’a quand même contaminée. Ils ont été négligents, mais plus par ignorance que par malveillance.
La colère contre les autres persiste.
La résignation face à l’herpès génital
Ce soir-là, et ceux qui ont suivi, je pensais ne jamais plus pouvoir toucher quelqu’un. Ne pas transmettre : tel était mon seul objectif.
Les jambes écartées comme une grenouille, à lutter contre cette impression de nid d’abeilles dans mon intimité, Wikipédia me tournant dans la tête.
Je me disais que plus jamais je ne pourrai vivre une relation sexuelle saine et sans angoisse.
Pendant les deux mois et demi qui ont suivi, ni Chloé, ni Kyle ni moi n’avons eu de rapports sexuels — ce n’était pas une décision commune, mais c’est venu naturellement.
J’ai bien vu Kyle deux fois, mais toujours pendant mes poussées : nous avons dû rester sages. Puis nous ne nous sommes plus vus, il voulait consacrer tout son temps à préparer ses concours de fin d’année.
Il n’a pas cherché d’autres personnes.
Chloé n’a plus vu son partenaire régulier, et n’en n’a pas vu d’autres non plus. Il se trouve qu’elle a décidé d’arrêter les aventures pour chercher une relation avec plus d’implication émotionnelle.
Quelle est la part de la culpabilité et de la peur de transmettre l’herpès dans cette décision ? Je ne sais pas vraiment. Probablement ne le sait-elle pas non plus.
Moi je n’aurais pas dit non pour voir d’autres personnes, mais je n’étais pas particulièrement motivée à trouver quelqu’un. J’avais beaucoup d’appréhension.
Qui plus est, j’ai fait deux poussées en l’espace d’un mois. Une poussée, pour moi, c’est 10 à 14h de sommeil par jour, de la fatigue constante, de la démotivation, beaucoup de rumination, une incapacité à me concentrer sur quoi que soit.
Et évidemment, une guerre nucléaire sur ma vulve.
Le déni face à l’herpès génital
Dans le même temps, je me suis énormément renseignée sur l’herpès grâce à ce site Internet, qui informe bien, écrit par un médecin et études à l’appui… et me rassure un peu.
Sur un an de suivi de couples avec une personne infectée, seulement 4% des femmes ont transmis à leur conjoint.
J’ai vérifié certaines informations en allant voir une deuxième gynéco au Planning Familial et en appelant à plusieurs reprises le Sida Info Service pour poser des questions.
Tous ces interlocuteurs se sont montrés un peu plus rassurant que Wikipédia, tout en confirmant que la transmission est possible avec préservatif et parfois lors de périodes asymptomatiques.
Comment protéger les autres ?
Je pensais m’être assez renseignée, savoir tout ce qu’il y avait à savoir. Que s’il n’y avait pas de contact entre les muqueuses pendant les préliminaires et qu’on mettait une capote pour la pénétration, tout irait bien.
Je me suis fait des illusions en pensant que je contrôlais la situation.
C’est alors que j’ai décidé de chercher quelqu’un. Je me suis inscrite sur AdopteUnMec, dont je n’aime pas trop la politique de « Les hommes doivent payer pour atteindre les femmes », mais qui est malgré tout un outil rapide et efficace.
J’ai vu deux garçons avec ce site. Je les ai évidemment informés de ma situation, et ai fait tout ce qui me semblait nécessaire pour ne pas leur faire courir de risques.
Je pensais être plus forte que l’infection, qu’il suffisait de quelques précautions pour en faire disparaître l’existence.
Seulement, au lendemain d’une soirée avec l’un de ces jeunes hommes, j’ai eu un bouton. Et j’ai fait une sieste. Deux indices qui ne rassurent pas.
J’ai appelé immédiatement le Planning Familial et j’ai eu un rendez-vous dès le lendemain. Il s’est avéré que c’était juste un poil incarné, mais ce rendez-vous a été salvateur.
Je suis arrivée, c’était un homme, assez âgé, avec un très fort accent (tellement que parfois je rigolais à des blagues que je ne comprenais pas).
Il m’a mise en confiance assez rapidement, et, au lieu des 15 minutes habituellement accordées, j’ai passé plus d’une heure avec lui.
Son discours m’a complètement chamboulée, et je pense que ce qu’il a dit va changer ma vie.
L’acceptation de mon herpès génital
Je suis arrivée en lui disant que j’étais inquiète pour la personne que j’avais vue la veille, que je ne voulais pas faire courir de risque à mes partenaires et que j’avais peur de ne jamais être capable d’avoir une relation sans appréhension.
Voici ce que fut sa réponse :
« Je vous admire de dire ça, c’est très honorable.
Souvent je vois des femmes qui considèrent que comme elles ont été contaminées par un homme, elles doivent faire payer et contaminer les autres hommes qu’elles rencontrent.
Elles se mettent en danger en faisant ça d’ailleurs.
Mais vous savez, les hommes que vous voyez, ce n’est pas vous qui leur faites courir des risques, c’est eux qui prennent des risques en ayant des rapports sexuels avec vous.
Quand on fait le choix de la « multipartenarité » (ce que je respecte totalement, je ne suis pas là pour vous juger), on court des risques, c’est tout.
D’ailleurs, peut-être qu’ils vous en font courir aussi et vous ne le savez pas.
Vous leur faites confiance, mais qui vous dit qu’ils ne sont pas allés voir quelqu’un d’autre juste avant et qu’ils se sont protégés ? Qui vous dit qu’ils n’ont pas une maladie sans le savoir, ou sans l’avouer ?
Alors oui, vous prenez des précautions, c’est bien, mais en réalité, vous ne pouvez pas vous protéger complètement.
La digue dentaire, les préservatifs féminins, cela va réduire considérablement les risques. Mais ils existent, vous devez vivre avec.
Et vos partenaires aussi, quand ils ont des rapports avec vous, quand ils ont des rapports avec n’importe qui, ils acceptent de vivre avec les risques. »
Son discours m’a fortement déculpabilisée.
Je ne suis pas responsable de la maladie, je ne suis pas responsable des risques à courir. Il faut accepter, moi, eux, celles et ceux d’entre vous qui ont des partenaires multiples, que quand on baise, on court des risques.
Cela ne signifie pas que c’est mal, cela ne signifie pas qu’on doit se priver, cela signifie juste que l’on doit se renseigner, informer les autres, et se protéger tant que possible.
Le minimum impératif est évidemment le préservatif. Au-delà, tout le monde ne met pas la limite au même endroit.
Ma nouvelle vie avec mon herpès génital
Aujourd’hui, je ne suis plus effrayée par mon herpès, mais je pense qu’il va encore me falloir du temps pour pouvoir apprécier une relation sexuelle sans ce gros nuage du risque de transmission au-dessus de ma tête.
Combien de semaines, de mois ? Je ne sais pas, l’avenir me le dira.
Quand je discute avec Chloé, elle est impressionnée par ma facilité à parler avec détachement de mon virus à mes partenaires, à mes amies, à ma famille.
Le fait est que les IST sont, dans l’esprit d’énormément de monde, une honte, une infamie. La preuve que l’on est une salope, ou une fille facile.
Personnellement, je considère que je n’ai rien à me reprocher, ni dans la façon dont je l’ai attrapée, ni dans la façon dont je fais cour… non, dont je laisse les autres courir des risques avec moi.
J’ai une IST. Ça arrive. Ce n’est pas sale. Ce n’est pas honteux. C’est juste chiant, parce que je n’aurais pas de sitôt l’occasion de goûter à nouveau au plaisir du cunnilingus.
Mais ça me donne une excuse pour dormir toute la semaine une fois de temps en temps, et ça me force à me laver les mains chaque fois que je sors des toilettes (pour ne pas me le transmettre au visage) ce que je négligeais régulièrement avant.
Qui sait, peut-être que grâce à ça je vais éviter d’attraper une grippe méga dangereuse qui aurait pu me tuer ?
Quelques mots de Laci Green sur l’herpès génital
Pour conclure, mesdemoiZelles (et messieurs, aussi) (et mesdames) (et tous les autres), je me permettrais de citer Laci Green dans sa vidéo sur le sujet…
« C’est marrant comme tout le monde pense être à l’abri des IST, alors qu’en fait des millions de gens en attrapent tous les ans.
Dans notre société, une IST est la chose la plus répugnante du monde. Comme si ça vous souillait à tout jamais. […]
La stigmatisation entraîne la honte. Quand les gens ont honte, ils se sentent merdeux et nuls.
Ça rend le dialogue avec leur partenaire plus difficile, et puisqu’un diagnostic positif serait affreusement grave, les gens ont peur de se faire tester. »
Crois-en ma parole de meuf qui a un herpès génital : tu ne devrais jamais avoir peur de te faire dépister. Jamais !
À lire aussi : Les IST sont 3 fois plus nombreuses qu’il y a 4 ans, et les jeunes sont à risques
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