Harry Potter, Twilight et Hunger Games : trois grandes sagas qui ont ravi les adolescents du monde entier. Leurs points communs ? Des héros réalistes avec leurs forces et leurs faiblesses, un monde semi-réel, et une vision de la sexualité, disons… bien étrange. Petit tour d’horizon des choses du corps dans la littérature pour ados.
Publié initialement le 26 avril 2012
Dans les années 2000, le cœur de la jeunesse mondiale battait au rythme des aventures d’Harry Potter. À partir de 2005, un drôle de couple, Bella et Edward, reprenait le flambeau et connaissait un succès international. Depuis 2008, c’est Katniss et Peeta, luttant pour sortir vainqueurs des Hunger Games, qui s’attirent les faveurs des adolescents. Trois sagas de teen-lit dont la notoriété fut explosive, et un point commun : une bien étrange vision de la sexualité.
Attention : bien que j’aie essayé de réduire leur nombre au maximum, quelques spoilers concernant ces trois sagas sont présents dans l’article.
Bella exprimant son intense désir
Le sexe, cette dangereuse inconnue
Le monde fantastique d’Harry Potter est tout simplement dénué de sexe. Jamais, au cours des sept tomes, n’évoque-t-on le désir ou le plaisir physique ni la façon dont on fait les bébés. Si cet « oubli » peut, par certains côtés, se justifier (dortoirs communs, jeunesse des personnages), ces explications perdent rapidement leur crédibilité au fur et à mesure que la saga avance. On peut comprendre que Ron ne rejoigne pas Lavande dans la salle commune pour une petite partie de jambes en l’air à minuit, mais il ne serait pas si étonnant d’imaginer Fred et Angelina Johnson sécher les cours pour fricoter dans une certaine Salle sur Demande… Si J. K. Rowling a fait évoluer la saga de façon assez cohérente, rendant l’histoire et les évènements de plus en plus sombres au fur et à mesure que les personnages (et les lecteurs s’y identifiant) gagnaient en âge et en maturité, la sexualité a été totalement occultée de ces livres « pour enfants » qui, à partir de La Coupe de Feu, n’hésitent pourtant pas à aborder des thèmes très adultes comme la mort, la trahison, la maladie. Mises à part les références phalliques bien rigolotes (si vous n’avez jamais joué à « Remplace « baguette » par « pénis » dans Harry Potter », je vous y invite, c’est hilarant), les héros de J. K. Rowling semblent bel et bien dépourvus de libido.
La saga Twilight a changé la donne. Dès le premier tome, Bella, alors âgée de dix-sept ans (bien plus vieille, donc, que les héros de Harry Potter au début de l’histoire), ressent pour Edward un désir physique brûlant et partagé. Cette tension, cette frustration permanente (le second tome, New Moon, ayant carrément été intitulé Tentation en France) sous-tend l’intrigue, et si elle s’explique chez notre scintillant monsieur Cullen par sa soif insatiable de sang humain, il ne peut s’agir chez sa dulcinée bien humaine que de désir pur et dur, renforcé par l’amour qu’elle éprouve. Mais lorsque le couple, enfin marié (condition sine qua non pour copuler), passe à l’acte après trois volumes de retenue, Stephenie Meyer joue la sécurité et remplace chaque scène de sexe par une ellipse totale, s’étendant par contre longuement sur la culpabilité qui s’empare d’Edward le lendemain. Sa « soif » de vampire contenue et son désir hors normes le poussent en effet à se montrer très fougueux pendant l’amour, du genre à déchirer les oreillers, à détruire les têtes de lit et à laisser des bleus partout sur le corps de Bella. Qui, elle, n’en a rien à foutre, kiffe grave et doit développer des trésors de patience pour convaincre son nouvel époux de bien vouloir lui refaire l’amour… jusqu’à ce qu’elle tombe enceinte. Évidemment. Car si, dans Twilight, on a des relations sexuelles, c’est une fois marié(e) et sans protection (et l’avortement, n’en parlons pas).
Hunger Games se situe dans une sorte de « juste milieu » entre la sexualité inexistante d’Harry Potter et la frustration perpétuelle et procréatrice de Twilight. Son héroïne, Katniss, âgée de 16 ans, en plus de se taper des jeux meurtriers et de se retrouver au cœur d’une révolte, doit se dépatouiller dans un triangle amoureux qui la lie à Gale, son meilleur ami, et à Peeta, son compagnon des Hunger Games. Entre l’arène meurtrière du premier tome et le chaos politique du troisième (Hunger Games : La Révolte), il n’y a que le deuxième volume (Hunger Games : L’embrasement) qui puisse donner un peu de place aux relations physiques entre les héros. Or, qu’y apprend-on ? Que Katniss dort avec Peeta quasiment une nuit sur deux, dans un vrai lit, dans une vraie chambre, sans que rien de sexuel ne se passe, même si lorsqu’elle l’embrasse pour « jouer » à nouveau l’amoureuse transie, elle « découvre un appétit d’un genre nouveau« . Mais ces moments de désir n’ont lieu que dans l’arène, où de dangereux évènements viennent bien opportunément les interrompre, et rien ne sera jamais concrétisé, Peeta restant un compagnon d’infortune à l’amour dévorant, et Gale un « très bon ami » qui voudrait bien être un peu plus. Les brefs moments de désir connus par Katniss s’effaceront rapidement.
Des héros réalistes dans une réalité déformée
Ces trois grandes sagas de teen-lit ont également le point commun de se passer dans un univers semi-réel. Harry Potter vit dans un monde parallèle au nôtre où se mêlent réalité et fiction, tout comme les vampires de Twilight, héros surnaturels dans notre univers. Katniss, Peeta et consorts vivent à Panem, le nouveau nom de l’Amérique du Nord, ou du moins de ce qu’il en reste après une série de catastrophes naturelles. Il devient de plus en plus clair que l’alliance entre réel et surnaturel parvient à capter l’attention de notre belle jeunesse.
Cependant, impossible de mettre cette étrange vision (ou absence) de la sexualité sur le dos de l’aspect fictionnel de Harry Potter, Twilight ou Hunger Games. La force de ces sagas, ce qui leur a permis de se vendre comme des petits pains, d’être adaptées en films et de voir des communautés de fans s’étendre à travers le monde, est précisément le réalisme des personnages principaux. Si Harry sauve le monde des sorciers, si Bella fait succomber Edward et si Katniss fomente une révolte contre le Capitole, ce sont leurs faiblesses, leur humanité qui permettent aux lecteurs de s’y identifier et de s’immerger efficacement dans l’histoire. On voit donc que les trois auteurs (toutes des femmes, yay !) mettent l’accent sur les doutes et la modestie de ces héros qui, jamais, ne se sentent réellement à la hauteur de la situation, mais s’en sortent à force de persévérance et grâce à l’aide de leurs amis.
Adolescence et sexualité : le tabou a la vie dure
Alors pourquoi cette sexualité si soigneusement éludée, suggérée du bout des lèvres ? Il semble que les parents d’adolescents, surtout aux États-Unis, ne voient pas d’un bon œil la présence de frotti-frotta dans les livres destinés à leur progéniture. Sans parler des catholiques un peu too much qui considèrent que Harry Potter est sataniste et que Pokémon fait l’apologie de la théorie de l’évolution, la frontière entre teen-lit et littérature « normale » se joue bien souvent entre les draps. Ainsi, les morts de la bataille de Poudlard, les combats de Twilight ou les tueries de Hunger Games ne posent que peu de problèmes tant que nos héros et héroïnes gardent leurs sous-vêtements et leur virginité.
Évoquer plus clairement le sexe, voire la contraception ou l’avortement (grands Dieux !!), ce serait le risque de voir les livres passer du rayon « Jeunesse » à la section « Adultes », et donc de se priver d’une potentielle fanbase plus concernée par les turpitudes adolescentes que les grandes personnes que nous sommes. C’est le paradoxe de la teen-lit : pour être lu par des ados, il faut éviter de parler directement d’un des sujets qui les intéressent le plus, à savoir le sexe. Si le lectorat de Harry Potter a commencé à se pencher sous les jupes des filles (ou dans les baggys des garçons) aux alentours de la sortie du Prince de Sang-Mêlé, aucune chance de trouver une aide ou des informations dans les aventures de leur sorcier favori. Les fans de Twilight seront, eux, ravis d’apprendre que le sexe, c’est une frustration jusqu’à la nuit de noces, et que ça fait mal, en plus après on tombe enceinte mais ça fait plaisir. Et les aficionados de Hunger Games sauront à coup sûr qu’il est parfaitement courant de dormir dans les bras d’un garçon qui nous aime, sans jamais rien faire (qui a dit « Katniss, allumeuse » ?! Je vous ai entendues dans le fond !).
Les auteurs, frileux leaders d’opinion
Mais est-ce que cette « surprotection » des adolescents est vraiment bénéfique ? Si on entend des adultes se plaindre de l’omniprésence du porno, maintenant accessible de façon quasi illimitée, des mauvais exemples transmis par certaines œuvres comme Skins ou Projet X, ou de la violence des jeux vidéos, je n’ai jamais entendu de parent déplorer le fait que les héros préférés des adolescents, qui sont honnêtes, bons et « fréquentables », n’aient aucune vie sexuelle, bien au contraire. Ne serait-il pas plus prudent, plus bénéfique et plus utile que J. K. Rowling, Stephenie Meyer et Suzanne Collins profitent de leur « force de frappe » dans l’esprit de millions de teenagers pour faire passer de simples messages d’information, d’éducation, de prévention ? Selon moi, refuser d’évoquer la sexualité est une frilosité décevante, voire dangereuse de leur part. Il est clair que Skins ou Youporn ne sont pas de bons outils pour que les adolescents en apprennent davantage sur le sujet, mais on ne leur simplifie pas la tâche en faisant tout simplement comme si cela n’existait pas, en occultant l’intérêt que cela peut représenter pour une jeunesse en pleine puberté, bombardée d’images plus ou moins pornographiques au quotidien (que celui qui n’a jamais levé les yeux dans un bureau de tabac parle maintenant ou se taise à jamais !).
Auteurs, parents et éditeurs sont responsables de cette étrange sexualité inhérente à la teen-lit. Tant que chacun campera sur ses positions, il sera difficile pour les livres « jeunesse » d’aborder franchement le sujet sans se voir cataloguer comme « pour adultes » et perdre leur lectorat adolescent. Un état de fait paradoxal lorsqu’on voit toutes les fan fictions, bien plus érotiques (voire très crues), qui fleurissent sur Internet pour mettre un peu de piquant dans les relations édulcorées entre des personnages pourtant pensés comme très réalistes !
Et toi, qu’en penses-tu ? Estimes-tu qu’il est normal d’occulter la sexualité des héros de teen-lit, ou préfèrerais-tu voir Hermione bécoter Ron un peu plus franchement ?
Les Commentaires
On va commencer par les faciles : Twilight : je ne saurais même pas décrire ma tête ou mes pensées quand j'ai vu que Edward réclamait un mariage avant de faire quoi que ce soit : dans le genre "vampire vieux jeu", incapable de s'actualiser, on fait difficilement pire Et je n'ai pas pu m'empêcher de me dire que ça ressemblait fort au genre de papier qu'on fait signer à des gens pour "décliner toute responsabilité" avant un truc dangereux... et ça ressemblait aussi, accessoirement, à une belle paire de menottes dorées (qui a dit 50 nuances ?), à croire qu'il veut s'assurer qu'elle ne puisse pas s'enfuir après qu'il ait basiquement ravagé son corps (et pas dans le sens sexy :ninja. Je ne parlerai même pas du fait qu'elle décide de garder un monstre en train de la tuer de l'intérieur (ni du fait que ledit monstre grandisse en 3 chapitres pour pouvoir le caser avec Jacob).
Pour Hunger Games, ça ne m'a jamais choqué, parce que comme d'autres l'ont dit, elle a un peu d'autres choses à penser, et sa relation avec Peeta n'était déjà pas toujours des plus claires, donc je ne me suis jamais attendue à ce qu'elle lui saute dessus. (Par contre, je n'avais jamais remarqué le Peeta+Katniss, mais je ne risque pas de l'oublier :yawn La première fois que j'avais lu, leur relation m'avait un peu déboussolé, parce que je n'arrivais jamais à comprendre comment elle voyait Peeta, au juste... j'ai toujours du mal, d'ailleurs. Mais du coup, non, je n'ai jamais pensé "tiens, ils ne font rien ?"
Enfin, pour Harry Potter... Je suis un peu mitigée. Ma première réaction, c'est de me dire que c'était franchement pas nécessaire, la série me semblait très bien comme ça et j'aurais mal vu une scène de sexe au milieu du machin. Puis j'ai lu les commentaires, notamment ceux qui relèvent les sous-entendus et allusions à des moments auxquels on n'assiste pas, mais qui se seraient bien passés... et je me suis dit qu'en fait, c'est peut-être juste moi qui ai raté le coche. Il faut dire, j'ai lu Harry Potter quand j'étais "enfant" puis "jeune adolescente" (bien à cheval entre la partie "jeunesse" et la tranche basse de la partie "adolescence" pour le coup), et j'ai fini le tome 7 à une époque où moi-même, je ne pensais pas du tout à ça. Du coup, forcément, je n'ai jamais pris les sous-entendus pour ce qu'ils auraient pu (dû ?) être... et de même, je n'ai pas eu l'impression qu'il manquait quelque chose. Et pourtant, j'ai relu les livres depuis, mais rien à faire, je les ai toujours lu "de la même façon"... je me comprends.
Mais en lisant certains commentaires, j'étais effectivement d'accord, que ce soit pour les sous-entendus (une fois qu'on me le dit, je me sens tellement biesse :yawn ou en ce qui concerne Harry, qu'il est vraiment empoté avec les filles... et cette histoire de "monstre dans sa poitrine" ou je ne sais plus quoi dans le tome 6 m'avait effectivement toujours semblé étrange, parce que je n'avais jamais vraiment compris ce que c'était x) (je crois que ma meilleure explication, c'était qu'il devenait un peu schizo le petit Ryry :lunette
Je suis actuellement en train de relire le tome 6, je sens que ça va être drôle maintenant que le filtre a été levé Perso, j'ai toujours considéré que "Viktor n'est pas très loquace" parce qu'ils passaient leur temps à s'embrasser, et rien de plus, je n'y avais jamais pensé ; idem pour Ron et Lavande qui disparaissent on ne sait où, ou Harry et Ginny et leurs "moments volés" J'étais jeune et innocente, moi ^^
(Pour la petite histoire, je suis en train de re-regarder Buffy, et c'est DINGUE le nombre de sous-entendus ou autres allusions qui m'étaient passés royalement au-dessus de la tête : forcément, j'avais 12-13 ans la dernière fois que j'avais regardé la série, et j'étais loiiin de penser à tout ça :yawn
Bref, un dernier mot : je ne pense franchement pas que ça soit nécessaire ; mais j'ai du mal à dire si je pense ça parce que je n'ai personnellement jamais ressenti le besoin ou l'envie d'en lire dans ces séries, ou pour une autre raison plus objective.
Dans tous les cas, je pense qu'en parler, sans forcément le décrire en détail ou le traiter comme un truc cucul (sans mauvais jeu de mots :lalala ou tordu (Twilight, c'est de toi qu'on parle), ça ne peut pas faire de tort... (J'ai aussi lu des livres avec des scènes de sexe, un peu après HP, et ça ne m'a pas traumatisé pour autant. Ça ne m'a pas non plus donné envie d'en lire partout, d'ailleurs.)