Hero Corp est une série de super-héros vraiment cool, écrite et réalisée par Simon Astier. Il y joue aussi le personnage principal. La série, qui raconte l’histoire d’une bande de super-héros un peu pourris, qui vivent une retraite paisible dans un trou perdu, et qui se voient obligés de retrousser leurs manches pour sauver le monde, avait été arrêtée après deux saisons… mais la mobilisation des fans a payé et le tournage de la saison 3 vient de s’achever, pour une diffusion d’ici fin 2013 sur France 4. En parallèle, en janvier dernier est paru le premier tome de la bande dessinée Hero Corp, elle aussi scénarisée par Simon Astier, et dessinée par Marco Failla.
Loin d’être un vague produit dérivé, la BD Hero Corp est un vrai bon comics, plutôt sombre, et très prenant. Elle peut se lire indépendamment de la série (et a une ambiance très différente) mais apportera de nombreuses réponses aux fans. La BD se déroule en fait au moment de la naissance de John (le héros de la série, interprété par Simon Astier) et nous en apprend plus sur les origines du personnage…
Simon Astier, l’interview
J’ai eu la chance de pouvoir interviewer Simon Astier à l’occasion du Salon du Livre, et de lui poser quelques questions sur Hero Corp – Les origines, mais aussi sur la saison 3 de la série.
Pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Simon Astier, j’ai 29 ans. Et j’écris des séries, des films et des BD.
Comment raconteriez-vous Hero Corp, la série et la BD ?
En fait c’est un univers, Hero Corp. C’est comme ça que j’aime la série. Créer une sorte de mythologie. On sait d’où viennent les choses, où elles vont. Après on se situe dans le récit et on raconte une partie de la grande histoire. C’est un univers que j’ai bâti autour des super-héros. Les thématiques sont très classiques ; la plus importante, c’est le poids de l’appartenance. Ça pourrait se passer n’importe où ailleurs, chez un couple qui habite à Bordeaux, qui va avoir un enfant, et ça pose des problèmes parce qu’il n’a pas eu de père ou je ne sais pas quoi. Mais là ça se passe chez les super-héros. Ça raconte des choses très humaines, mais j’ai besoin d’un exotisme dans le contexte. Que ce soit loin de ma réalité à moi.
Et donc Hero Corp raconte l’histoire de super-héros qui ont arrêté d’être des super-héros, et qui doivent en redevenir des grands pour sauver le monde. Et la BD raconte l’avant, d’où viennent les choses… Les origines du personnage principal, qui est un peu compliqué, à la frontière entre le bien et le mal. Les infos arrivent très tard sur lui. La saison 3 montrera qu’il est vraiment tourmenté ce garçon. Voilà, c’est un gros univers, où j’ai mis tout ce que j’aime. Du fantastique, des super-héros, de la comédie… Et je navigue là-dedans. Le premier tome de la BD parle du passé, mais la suite ne se déroulera pas forcément immédiatement après, ça pourra être un épisode plus loin en arrière, ou même pendant… un truc qu’on a pas vu. La BD amène un éclairage important sur un moment important.
Justement, dans la deuxième saison, il y a un moment où une partie des archives a disparu. Est-ce que c’est ce qu’on retrouve dans la BD ?
Non. En fait la BD pourrait être un livre d’histoire dans la série. Dans la série, l’écrit est remplacé par l’image. Les journaux, les bouquins d’histoire, les archives sont du dessin. La BD raconte une partie de l’histoire, d’où viennent les choses. Ça amène un éclairage plus grand sur ce que peuvent être les antagonistes. Il y en a plusieurs. Nous on parle de The Lord dans la saison 1, et même dans la saison 2, comme étant le plus grand méchant, mais en fait en lisant la BD, on se rend compte que ça n’est pas du tout le pire vilain de l’histoire… C’est un morceau de vérité. Nous, on a le point de vue de nos personnages sur l’histoire, et la BD permet de voir que ça n’est pas vraiment ça. Que les dangers viennent d’un peu partout. Même de l’intérieur, et même carrément dans le domaine de la magie et du surnaturel.
Quand vous avez commencé le projet, aviez-vous déjà l’idée de faire quelque chose comme ça, avec la série, les BD… ?
À la base on devait raconter l’histoire dans la série, le passé dans la BD, et faire des webséries entre les saisons qui auraient amené d’autres éclairages, passer au point de vue d’autres personnages, pour faire vivre la série entre les saisons. Sauf qu’à l’époque où on voulait faire ça, tout le monde nous a dit non. Et aujourd’hui bizarrement Internet c’est devenu un truc à exploiter donc il sont ravis. Chez France Télévisions, chez France 4, ils ont une division dédiée à ça, qui s’appelle Nouvelles écritures. Il y aura un gros dispositif Internet. On a tourné la série, et aussi beaucoup de choses pour le Web. Parce qu’enfin, ça devient à la mode, le transmédia. Nous, à l’époque on voulait vraiment faire ça.
J’ai plein d’autres projets où je n’ai pas envie de le faire, mais sur Hero Corp, l’univers est vraiment très vaste. Et comme je sais vraiment d’où viennent les choses et où elles vont, on peut se placer à n’importe quel moment du récit, et raconter une petite histoire dessus. Maintenant ils sont preneurs. Mais c’est pareil, la BD on a mis du temps à trouver un éditeur. Ils ont eu raison de la sortir parce qu’elle marche très bien. C’est un peu comme à chaque fois. On a des partenaires qui se lancent parce qu’ils aiment bien, mais ils ont peur. Et puis ils sortent et ça marche. Donc on va faire la suite.
Justement, comment s’est passée la rencontre avec l’éditeur et le dessinateur ?
L’éditeur c’est Jean-Luc Istin. C’est l’éditeur d’Olivier Péru (qui a dessiné les illustrations que l’on retrouve dans la série, du générique aux archives) sur plein de livres. Il est fan de la série, ses enfants aussi, donc il voulait le faire à l’époque où Hero Corp n’était pas une belle franchise pour les éditeurs BD. Mais il l’a défendue, et c’est devenu un bouquin. Et Marco [Failla, le dessinateur], on l’a rencontré par lui. C’est un gars qui parle italien, et très peu d’anglais. Et moi je parle un petit peu anglais. Et on a fait une BD, pendant deux ans, juste par mail, et j’essayais d’écrire ce que je voulais en anglais. C’était un bel exercice linguistique…
Mais j’aime beaucoup son travail. Je trouve qu’il n’est feignant de rien, avare de rien. C’est vraiment ce que je voulais, faire un bel album de qualité, joli. Le seul défaut c’est qu’il est un peu cher. Je me suis battu avec Universal pour que le DVD ne soit pas cher, et j’ai eu gain de cause. Sur la BD je pense qu’il faut encore baisser le prix. Parce qu’on a un public qu’on essaye d’éduquer en disant que si on pirate les choses, ça tue les gens comme nous, ça va uniformiser la culture avec des trucs à la mode, très mainstream, avec tout ce qu’on voit aujourd’hui, et que pour des étincelles en train de prendre l’attention, dans deux semaines, c’est fini. Et je pense qu’il ne faut pas perdre de vue que la culture il faut l’entretenir, il faut acheter. Donc du coup il faut essayer de faire des prix qui sont en cohérence avec les gens, avec notre public. Sinon ça va être la mort des moyens, et il n’y aura que des très petits sans blé, et des très gros avec beaucoup de blé. Mais il n’y aura plus ce qu’il y a au milieu, et c’est ce qui est au milieu qu’on aime bien en général. Même si on aime bien voir le gros film bien spectaculaire le dimanche soir en bouffant des pizzas, on aime aussi aller chercher le petit truc, le trouver et le partager. C’est important. Du coup on se doit aussi de faire un effort sur le prix… Après ça coûte cher de faire une BD, mais j’espère qu’on pourra faire une suite moins coûteuse.
Il se passe énormément de choses dans ce premier tome, qui nous en apprend plus sur les énigmes laissées à la fin de la deuxième saison. Tout à l’heure on parlait de transmédia : est-ce que pour comprendre la troisième saison il faut avoir lu la BD ?
Ce sont des compléments en fait. Tu auras plus d’outils, plus d’infos. Tu profiteras peut-être un peu plus de la saison 3 mais tu peux tout consommer à part. J’avais peur que la BD soit trop pour les fans, mais en fait plein de gens qui m’ont dit qu’ils avaient trouvé ça beau et intéressant, donc je suis assez content. Mais la saison 3 tu peux la consommer telle quelle. Je me suis même servi de la partie Web pour qu’on puisse attirer de nouvelles personnes. La saison 3 n’est pas tellement liée à la 2 : ce qui est lié à la 2 c’est ce qu’il y aura sur le Web. Une grosse part de ce qui est laissé en suspens va être expliquée sur Internet. Mais si tu vois tout, que tu lis tout, forcément tu profiteras encore plus des petits détails, des petits indices. Quand tu verras la saison 3, il y a des trucs qui vont te venir avant les autres, c’est sûr. Mais non, rendre tout dépendant les uns des autres, c’est un peu casse-gueule.
Est-ce que ça a été difficile de passer de l’écriture d’un scénario de série à un scénario de BD ?
Franchement… ouais. Parce que quand tu écris un scénario de série, que tu le tournes derrière, ça va. T’écris le scénar, tu explique brièvement ce que tu vas faire. Mais il ya l’énergie de l’écriture, celle du tournage et celle du montage derrière. Ça évolue et ça ne fait que monter en puissance. Là le découpage est très différent. Quand j’ai posé des questions aux auteurs de BD, sur la structure, etc., eh bien… on n’a pas le même langage en fait. Je l’ai quand même construit comme une histoire comme je sais faire moi, mais on essaie de rentrer dans ces codes-là. Bizarrement, ce qui m’a le plus aidé, c’est Walking Dead, parce que je trouve le rythme de lecture vraiment intéressant, et c’est le même format… En tout cas dans les premiers tomes, le rythme est intéressant.
C’est vrai que tu écris un truc, et tu dois décrire ta case comme si tu parlais à ton chef op’, à ton décorateur… à tout le monde en même temps. Sauf que tu parles à un dessinateur, donc les termes moi je ne les connais pas. Moi au début, je lui disais quasiment « C’est telle focale ». J’avais un langage de découpage, de grammaire de l’image. On m’a demandé si je voulais le faire, parce qu’il y aurait aussi eu l’option de filer la franchise à des mecs qui font de la BD, ils auraient fait des sketchs et tout. Mais moi je voulais vraiment raconter une histoire, mais sans maîtriser la BD. Donc j’ai essayé de me fondre là-dedans. J’avais très très peur. Pour l’instant j’ai eu de bons retours, mais je sais que je peux aller encore beaucoup plus loin, et que je serai beaucoup plus libre après. Parce que là j’avais peur en fait, d’entrer là-dedans avec des trop gros sabots, et de faire de raccourcis bizarres ou autre. Parfois, dans la première partie, il y a des trucs qui sont longs, en 8-9 pages, et après j’ai pris le réflexe de me dire « En une page je peux raconter un truc ». C’est le découpage, c’est le rythme. Sur une page tu peux dessiner la case qui va être importante. Il faut l’aménager. C’est de la mise en scène aussi, mais c’est une autre forme. Il faut s’y adapter, prendre ça comme un vrai junior, tâtonner un peu, et je pense que j’irai de plus en plus loin si on fait des suites. Mais ce n’est pas du tout la même énergie.
Quels sont les comics qui vous ont influencé ?
En fait ce ne sont pas les comics qui m’ont influencé. Pour être très franc, j’ai rencontré les super-héros avec les Batman de Burton. Pour moi la référence des super-héros c’est ça. Il doit y avoir ce ton-là, cette ambiance-là, le côté onirique de Burton. Mais ça n’est pas le même que dans ses autres films. Il est très spécial là-dedans. Il y a un côté légende, petit conte de fée un peu sombre, mais très esthétique, très stylisé, avec une ambiance très forte, la musique, la direction artistique… Moi, ma référence en terme de super-héros c’est ça. Les Batman de Nolan par exemple, je ne peux pas les regarder. Il y a trop de testostérone pour moi là-dedans. Ce que j’aime chez Keaton, c’est que c’est un vrai gars, comme je me l’imagine moi. Un gars qui peut avoir un sourire en coin, à un moment donné, parce qu’il a de l’humour. Ça n’est pas drôle ce qu’il fait, mais on sent qu’il a de l’humour, qu’il y a de la profondeur, de la sensibilité. Des enjeux humains qui sont forts et qui existent. C’est ce qui me manque dans le trucs un peu trop couillus.
C’est pour ça que j’aime Lost, et pas 24 Heures Chrono. 24 c’est QUE des mecs qui ont des couilles de trois kilos, et je n’arrive pas à me projeter là-dedans en fait. Il y a un côté adolescent je trouve. Dans ce que je fais, il y a aussi un vrai côté ado, mais ce n’est pas le même. C’est pas le côté « Je mets des gros fusils, et les gonzesses on les prend », etc. Donc j’accroche pas à ça. Je me fais conspuer quand je dis que je n’aime pas les trucs de Nolan, mais je ne marche pas à ça. Et donc c’est vraiment ça la référence de super-héros pour moi. Parce qu’après j’ai lu beaucoup de comics. Des petites histoires, des très longues séries, où c’est quand même rarement dingue. Moore par exemple ça m’a plus intéressé… Mais j’ai pas de vraies références comics. J’ai lu beaucoup de BD. Ce que j’aime c’est l’atmosphère en général, le ton. Il y a ma BD-fantasme qui existe, qui est Batman vs Predator. Ça j’avoue que c’est quand même l’ultime kiff pour moi. Mais sinon, des vraies références, j’en ai pas assez je crois. Pour moi, faut que ça soit exotique, et que je me sente bien dans l’ambiance, que j’ai envie de me foutre sur mon fauteuil avec mon plaid et mes bonbecs. C’est ça mon point de départ, je recherche ça.
À propos de la saison 3, vous pouvez déjà en parler un peu ?
Ça va être diffusé, je pense, vers la rentrée. Avant la fin 2013, ça c’est sûr. Là on est en montage, on a fini il y a un mois et demi. Je me suis servi de ce que j’ai vécu pendant trois ans, et c’est une saison qui bizarrement est vachement axée sur les personnages, et où le thème d’Hero Corp est utilisé de manière complète et profonde. On est vraiment sur les persos, ce qu’ils vivent, et sur l’influence que peut avoir leur appartenance dans leur vie. Le moteur que ça peut être. Savoir d’où tu viens, avec qui tu es bien. Avec toujours de la comédie et du fantastique. Plus de fantastique qu’avant, puisqu’il commence à y avoir diverses créatures par exemple. Il y a le même souffle qu’avant, mais on est vachement plus centrés sur les personnages. Je ne sais pas pourquoi, mais dans cette saison ils vivent des trucs très forts, qui leur font faire des vrais choix, qui changent leur destin. Voilà c’est ce que je peux dire. J’ai pas été avare de mouvement, il y aura des grands bouleversements dans l’histoires, des changements de cap parfois brusques mais, je pense, utiles. Parce qu’il ne fallait pas faire comme si on avait arrêté trois semaines avant et qu’on reprenait. Non. On a arrêté il y a trois ans et on reprend aujourd’hui.
Donc ça ne recommencera pas à la fin de la saison 2 ?
Si, parce qu’il faut quand même faire gaffe au public. C’est le Seb qui va traiter ça, et un peu la saison 3 quand même. Mais voilà on y va, on avance.
Et au niveau de la BD, on en parlait tout à l’heure… ça ne va donc pas être une série qui se suit ?
Voilà. J’ai envie de sortir un album souple, un truc plus comics, avec des petits bouts d’histoire qui donneraient des éclairages sur des personnages qu’on aime bien, entrecoupés de jeux, etc. Puis refaire un tome plus classique, plus classe, sur une autre partie importante. Peut-être avant ça, après. Même carrément après après après, avec John qui a cinquante piges, je sais pas. L’avantage c’est que la BD, c’est très libre. On peut faire ce qu’on veut, raconter ce qu’on veut et ça fonctionne. Les possibilités sont vraiment infinies.
Un grand merci à Simon Astier, ainsi qu’à Bénédicte pour l’organisation de cette interview !
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Les Commentaires
Mais bon je finirais bien par craquer, Hero Corp quoi!