Quand j’apprends à Anthony, ami fidèle qui me connaissait déjà à douze ans quand je portais des bagues et des mitaines en résille, que je fréquente assidûment une salle de sport depuis quelques mois, il pousse une exclamation incrédule : « Whaaaat ! Mais JPP, t’es une ‘go muscu’ ?! »
Sa surprise m’a poussée à réfléchir aux représentations qui entourent la musculation aujourd’hui, et aux raisons pour lesquelles il semble si incongru que je m’y adonne.
« Go muscu », c’est quoi ?
Vous voyez ce mec baraqué qui exhibe ses bras sculptés, boit des shakers protéinés et renseigne quotidiennement les poids qu’il soulève sur les réseaux sociaux ? Le « go muscu », c’est lui, représentation caricaturale d’un homme pour qui sculpter son corps est un mode de vie.
Depuis quelques années, la « go muscu » peut aussi être une femme, sorte de sous-catégorie de la « fit girl ». Si l’expression se veut moqueuse, beaucoup d’adeptes des salles de sport se l’approprient aujourd’hui avec une touche d’autodérision.
La salle de sport dans l’imaginaire d’une bobo
Je suis une femme de trente ans qui travaille dans l’archéologie, ne mange pas de viande et se déplace à vélo (notamment parce que j’ai raté sept fois le permis de conduire, mais chuuut, c’est un sujet sensible). J’ai pratiqué plusieurs sports depuis l’âge adulte : escalade, danses, roller, des activités que je qualifiais de « ludiques ». Je mettais en avant l’aspect libérateur, artistique ou social de ces sports, pour ne surtout pas me dire que j’aimais leurs bénéfices sur ma silhouette. Tout sauf paraître superficielle.
À l’inverse, je me représentais la musculation comme une pratique fastidieuse entièrement tournée vers la glorification du « moi ». Macho, aussi, car pourquoi un homme voudrait-il développer ses muscles, sinon pour montrer qu’il te domine physiquement ?
Avec le recul, je me rends compte que ces représentations s’accompagnent d’une discrimination de classe. Soulever des poids dans un hangar franchisé, c’est un truc de kéké, non ? À moins que cette étiquette stigmatise une activité très accessible et populaire. En effet, il y a des salles presque partout en France, l’abonnement coûte peu cher par rapport à un équipement d’alpinisme, on peut adapter ses horaires de pratique à un emploi du temps contraignant et aucune compétence particulière n’est requise.
Ma première fois dans le temple du biscoto
Il y a deux ans, je suis tombée amoureuse d’un mec gentil, drôle, doux et futé, qui aime avoir des biceps durs comme des parpaings, même si ça n’a aucune importance pour moi. Pour faire un pas dans son monde, je lui ai proposé de l’accompagner à la salle de sport un dimanche matin, persuadée que ce ne serait que l’expérience d’une journée.
J’avais préparé mes yeux à l’éclairage aux néons et mes narines à l’odeur de transpiration, mais j’ai trouvé un espace lumineux et aéré, parfaitement entretenu, et beaucoup plus propre qu’une salle d’escalade. Chaque sportif·ve nettoie sa machine après utilisation, et un·e employé·e tourne en permanence entre les installations pour un lavage plus poussé.
Je m’attendais à ne voir que des corps jeunes et sculptés, moulés dans des vêtements de marque, toisant avec hostilité les faibles et les enrobé·es… À la place, j’ai vu des personnes de tous genres, tous âges et toutes morphologies, chacune concentrée sur sa pratique, et aucun regard méprisant. Pour preuve, mon sarrouel a été tacitement accepté parmi les shorts et leggings profilés.
Toutes les machines peuvent êtres adaptées au niveau souhaité, très débutant ou très ambitieux. Certaines entraînent le cœur, d’autres des parties du corps plus ciblées. Finalement, en passant de l’une à l’autre pour concevoir ma petite séance personnalisée… Je me suis amusée. Et quand j’ai eu fini, je me suis sentie bien, alors la semaine suivante, j’y suis retournée. Comme beaucoup d’autres gens, j’y ai trouvé une manière facile de rester en forme et de recevoir ce petit shoot d’endorphines qui me met de bonne humeur pour la journée.
Trois mois plus tard, championne d’haltérophilie ?
Quinze séances plus tard, et contrairement à la remarque emphatique de mon ami d’enfance, je ne me considère pas comme une « go muscu ». Je vais à la salle de sport tous les dimanches matins, et je commence généralement par m’échauffer 30 minutes sur le vélo elliptique avant de passer aux exercices de musculation qui s’accordent avec mon humeur du jour, pendant une petite heure. Loin de la championne d’haltérophilie, je n’ai pas d’objectifs autres que la régularité, je ne prends pas de compléments alimentaires, ne gobe pas cinq œufs crus au petit déjeuner et n’enregistre mes exploits sur aucun support. Mes autres activités sportives de la semaine sont la danse moderne et la course à pied.
Pour moi, la musculation n’est qu’une manière parmi d’autres de profiter des bienfaits du sport. J’en vois au moins trois.
- Me concentrer sur les sensations et les capacités de mon corps plutôt que sur son aspect. La musculation ne m’affine pas, elle me rend plus dense, plus massive par endroits, me donne de l’appétit, me permet de me développer et pas de m’effacer.
- Améliorer mon humeur pour la journée. Commencer la matinée par une petite suée me rend fière, me donne l’impression de planer et rend les tracas du quotidien plus faciles à surmonter. Le sport m’éviter aussi des petits bobos auxquels j’étais habituée plus jeunes, notamment le mal de dos.
- Partager des moments agréables avec mon copain, qui aime aussi beaucoup bouger.
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Est-ce que la salle de sport, c’est safe ?
La représentation viriliste de la salle de sport faire craindre aux femmes d’être la cible des mâles en rut, mais j’ai trouvé ce risque peu présent. Des chartes de bonne conduite sont affichées dans les vestiaires et les interactions sont minimales. La drague peut exister, mais ce n’est pas la norme : l’une de mes amies a rencontré le père de ses enfants à la salle de sport et j’ai encore du mal à comprendre comment elle s’est débrouillée. Deux copains m’ont aussi confié que les approches entre hommes peuvent être favorisées dans ces lieux.
Les gens sont en général assez solitaires et respectueux envers les autres, ce qui rend aussi rares les rencontres amicales. Pour quelqu’un qui souhaiterait nouer des amitiés, je conseillerais plutôt de s’inscrire à un cours ou de faire un sport collectif.
Des conseils pour se lancer
Comme dirait Jamie, essayer la salle de sport, c’est pas sorcier. Voici quelques tips si vous voulez vous lancer.
- Regardez les différentes options autour de vous
Il existe des entreprises qui mettent des salles de sport à la disposition des employé·es, ou des associations du personnel qui remboursent une part de l’abonnement à une salle extérieure : renseignez-vous !
- Préparez votre kit de survie
Tout ce dont vous avez besoin, c’est d’une tenue de sport, une gourde pour rester hydraté·e, un cadenas pour fermer votre casier et une serviette pour protéger les installations de votre peau suintante. Vous pouvez aussi vous doucher sur place si vous avez des vêtements de rechange.
- Seul·e ou accompagné·e
À côté de chaque machine se trouve généralement un schéma qui explique comment l’utiliser, avoir un·e mentor pour vous initier n’est donc pas nécessaire, vous pouvez voler de vos propres ailes ! Si vous avez une petite appréhension, vous pouvez aussi demander à un·e proche plus aguerri·e de vous accompagner la première fois, ou même prendre une séance avec un·e coach.
* Le prénom a été modifié.
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Les Commentaires
J'aurai aimé que le mag' dépasse le témoignage pour aborder le registre de la prévention. Et non se "contenter" d'une parole, fort intéressante au demeurant.