Le 21 juin 2021
Sein ou biberon ? Quelle question ! Parmi les nombreuses injonctions qui gravitent autour de la maternité, celle de l’allaitement occupe une place de choix. Nourrir son enfant au sein serait la meilleure manière d’assurer le bien-être de sa progéniture et, cerise sur le gâteau, offrirait à la mère une expérience épanouissante.
L’Organisation mondiale de la santé préconise l’allaitement exclusif les six premiers mois puis de manière partielle au moins jusqu’à deux ans. Pourtant, un tiers des femmes françaises n’allaitent pas leurs enfants à la naissance et plus de 80% d’entre elles arrêtent avant les six mois, selon une étude de la Drees sortie en 2016.
La santé de leur bébé est-elle à risque pour autant ? On a épluché les études scientifiques sur le sujet pour faire le point.
Les avantages du lait maternel en matière de santé
Contenant essentiellement de l’eau, des protéines, des lipides, des glucides et des minéraux, le lait maternel possède toutes les qualités nutritionnelles pour répondre aux besoins d’un nouveau-né.
« C’est un liquide assez extraordinaire dont la composition évolue et s’adapte en fonction des circonstances. Par exemple, mes patientes ont un lait plus riche en eau en ce moment, car il fait très chaud », commente Anna Roy, sage-femme contactée par Madmoizelle.
La composition du lait industriel est aujourd’hui très contrôlée et son utilisation dans les pays occidentaux où l’accès à l’eau n’est pas un enjeu ne pose aucun problème en termes de santé.
Toutefois, le lait maternel possède un avantage : il s’agit d’un aliment vivant qui contient des anticorps favorisant le système immunitaire du bébé et le protégeant de maladies courantes comme la diarrhée. Une étude récente a d’ailleurs recommandé aux mères atteintes de la Covid-19 de poursuivre l’allaitement pour transmettre leurs anticorps à leurs enfants.
Par ailleurs, les bébés nourris au sein seraient aussi moins sujets aux rhumes, anémies et allergies, selon des données du Programme national nutrition santé.
Lorsqu’un enfant naît prématurément, il a d’autant plus besoin de lait maternel (pas forcément celui de sa mère). Celui-ci est mieux adapté à son système digestif, plus immature qu’un bébé né à terme et donc plus vulnérable aux infections. Les très grands prématurés allaités seraient également moins touchés par une complication très grave appelée entérocolite nécrosante (ECN).
Enfin, l’allaitement réduirait le risque de mort subite, à condition d’être pratiqué au moins deux mois, mais pas forcément de manière exclusive, selon une méta-analyse internationale parue en 2017.
Donner le sein présente aussi des aspects bénéfiques pour celles qui le font (ah, quand même). L’allaitement permettrait à l’utérus de retrouver sa forme normale plus rapidement (via la sécrétion d’une hormone, l’ocytocine), de réduire les risques de diabète et il retarderait le retour des règles.
Attention toutefois, allaiter ne se substitue pas à une méthode de contraception en cas de reprise d’activité sexuelle.
Selon une vaste étude publiée dans la revue médicale The Lancet en 2016, l’allaitement maternel permettrait par ailleurs d’éviter près de 20 000 décès annuels par cancer du sein et de protéger les mères contre le cancer de l’ovaire.
Le lait maternel, un élixir miracle qui rend intelligent ?
En plus d’être bon pour la santé, certains scientifiques affirment que l’allaitement rendrait intelligent. Une méta-analyse parue en 2015 dans Acta Paediatrica a ainsi montré l’existence de liens positifs entre l’allaitement maternel et le développement du QI (Quotient Intellectuel) des enfants.
Cette publication recoupait les résultats de plusieurs études qui rapportaient toutes cet effet. En moyenne, il était question d’une augmentation de deux points de QI. Pas vraiment de quoi garantir un 20/20 à toutes les épreuves du bac, on en convient.
En 2016, l’UNICEF affirmait dans une campagne polémique que l’allaitement « stimule le QI, les performances scolaires et le revenu à l’âge adulte » d’un enfant.
Comme si le lait maternel était le nouvel ascenseur social… Raté !
De nombreuses personnes avaient alors dénoncé l’occultation d’autres variables pouvant expliquer ces résultats et l’aspect culpabilisant de ces propos, face à ce qui reste un choix complexe et intime pour les mères. La journaliste Béatrice Kammerer appuyait cette évidence dans un article pour Slate :
« Choisir l’allaitement maternel pour une mère, ce n’est pas qu’une question rationnelle d’optimisation cognitive. Car en dehors du cas particulier des enfants prématurés, il est bien rare que l’allaitement maternel soit une question vitale ».
Allaiter ou pas ? L’essentiel reste de s’écouter
Soyez en paix, votre enfant ne sera pas idiot si vous ne lui donnez pas le sein et les arguments pro-allaitement ne sauraient faire oublier les contraintes liées à cette pratique.
Comment allaiter deux ans si le congé maternité dure trois mois ? Vivre au rythme de la tireuse à lait, ça ne fait rêver personne. Et si on galère à faire prendre suffisamment de lait à son enfant ? Et si l’allaitement nous épuise ? Et si donner le sein devient un moment désagréable et crée de la souffrance ?
Comme le rappelle la sage-femme Anna Roy, allaiter n’a rien d’inné :
« Les mères ont besoin de soutien et de transmission pour mener à bien cette pratique. Je les invite à avoir recours aux visites remboursées de sages-femmes ou à l’aide des associations ».
D’autant que les expériences sont propres à chacune, abonde la sage-femme et autrice de La vie rêvée du Post-partum :
« J’accompagne et je soutiens des femmes qui allaitent pendant trois ans et à l’inverse, j’accompagne aussi les décisions d’arrêt en leur permettant de ne pas se sentir coupables. Ce serait dommage de se flinguer la santé et de compromettre les premiers liens avec son bébé »
Aussi naturel soit-il selon ses défenseurs, l’allaitement n’est pas possible ou souhaitable pour toutes les femmes. Et ce n’est pas grave : « L’essentiel est de se faire confiance, s’écouter, sans se laisser juger », rapporte Anna Roy.
En 2016, plusieurs féministes dont Lauren Bastide et Titiou Lecoq avaient dénoncé l’injonction à l’allaitement faite aux femmes dans une tribune publiée dans Libération :
« L’allaitement au sein ou au biberon doit rester un choix personnel. Chaque femme mérite un respect égal dans ses choix. Nous demandons de conserver notre droit à décider sans devoir affronter une culpabilisation permanente. »
Lait en poudre ou pas, on en a assez d’être biberonnées au patriarcat.
Crédit photo : Sarah Chai / Pexels
Les Commentaires
Bref, tiraillée entre deux courants en permanence... qui ne s'excluent pas pour autant, mais qui chez moi sont aux antipodes l'un de l'autre.
Voici ce que je retire de ma propre expérience,le deuxième allaitement ayant été mieux mis en place que le premier (4 mois exclusifs suivis d'un allaitement partiel aujourd'hui encore, contre 3 mois et demi en mixte la première fois):
Points positifs :
- ça y est, j'ai compris que mon corps est capable de fournir naturellement du lait à mon bébé en quantité suffisante, et qu'une fois la lactation mise en place,je peux la faire baisser puis la réactiver quand je veux,
- les tétées groupées du soir avec un bébé qui ne semble jamais satisfait, ça finit par s'arranger avec de la superalternance, en buvant bien et en"déconnectant" mon esprit. Inutile de céder à la pression de mes proches inquiets qui veulent"donner un biberon" à mon bébé,
- ces petits picottements qui se répondent d'un sein à l'autre, c'est bien chouette et ça annonce une bonne giclée (),
- c'est très agréable de tenir mon bébé comme ça. Il sent bon il est tout chaud et tout doux, ses petites mains me caressent et je peux le calmer instantanément,
- je suis contente d'un point de vue écologique car je contribue (très modestement) à limiter la demande mondiale en produits laitiers.
Les points négatifs :
- mon bébé demande beaucoup la nuit et avec le cododo je ne dors quasiment pas ou de façon ultra fractionnée. Certes je m'adapte, ça se supporte,mon sommeil a changé et devient plus profond et qualitatif... mais je suis angoissée quand même et en colère qu'on ne parle pas de cet aspect aux mères ayant le projet d'allaiter,
- tiens,le papa a mis plus de temps à nouer un lien fort avec son deuxième enfant. L'allaitement créé du déséquilibre dans le couple concernant les soins apportés à l'enfant,
- si tu veux coller aux recommandations de l'OMS, t'as intérêt à prendre un congé parental ou à ce que ton congé de maternité soit prolongé d'une manière ou d'une autre... et ça m'énerve que l'OMS encourage implicitement cette répartition inégalitaire du travail domestique entre parents,
- je peux pas sortir faire du sport ou prendre du temps pour moi seule trop longtemps... J'aime mon indépendance, aïe ?
- je voudrais bien que mes proches prennent un peu le bébé. Genre, vraiment. Longtemps. Vous savez, c'est pas parce que je l'allaite que je dois le garder avec moi tout le temps,hein. Les repas complets au calme, j'aime bien vous savez.
- ah et puis tiens,ce serait cool qu'il y ait des auxiliaires de vie dédié.e.s aux jeunes parents. Dans un monde idéal.
- on m'avait pas dit non plus que parfois ton bébé,tu lui donnes une longue tétée,tu le posés délicatement pour aller faire autre chose... et il se réveille. Frustration ? Bonjour !
Bref. Les sage femmes sont indispensables et formidables,mais elles ne peuvent rien faire de plus que conseiller. Moi, j'avais besoin d'un soutien quotidien, d'une présence pour m'aider à m'occuper de mes enfants.
Dans les deux cas, j'ai kiffé allaiter, mais le passage au biberon m'a soulagée.