La Daronne est la reine des conseils pas si cons enrobés dans une grosse dose d’humour plus ou moins subtil. La voici de retour pour voler au secours d’une lectrice !
La question pour la Daronne
Chère Daronne,
Je suis l’heureuse maman (du moins, pensais-je) d’une adolescente de 13 ans, et j’en ai la garde principale. Je pensais que, mis à part les chamailleries habituelles, nous avions de bons rapports, sauf que j’ai récemment entendu quelque chose qui m’a brisé le cœur.
La semaine dernière, ma fille a invité deux de ses amies de collège à dormir à la maison. La porte de sa chambre était entrouverte et elles faisaient beaucoup de bruit, je me suis relevée pour leur dire de parler moins fort… Sauf que j’ai surpris leur conversation, ou plutôt ce que ma fille disait. Elle parlait de moi. Elle disait, je cite, que « j’étais trop chiante », que « ça la soulait quand on passait du temps ensemble », que « je voulais la jouer cool et que c’était super gênant ». Tu aurais dû entendre ses copines… Mortes de rire ! Je sais bien qu’elles n’étaient pas là pour me défendre, mais quand même…
Comment j’ai pu rater ça, à ce point ? Je pensais qu’elle était heureuse avec moi ? Et quand elle me fait des câlins alors, c’est pour de faux ? Je ne veux pas perdre ma puce.
Sonia
La réponse de la Daronne
Ma petite grenouille,
Nous sommes désormais de vieilles croûtes et il va falloir s’y faire. Si mes chers petits n’ont pas encore atteint l’adolescence, ma fille me gratifie déjà de « T’es plus ma mère préférée« , avant de claquer la porte. Oublions l’absurdité du propos (et de sa cause : « Non chérie, tu ne peux pas sortir sans manteau par – 10 degrés« ), pour nous concentrer sur l’essentiel. Nos enfants ont besoin de se révolter contre l’ordre établi afin de devenir autonomes. Comme ce sont des humains comme les autres, ils sont assez pleutres par nature. Se révolter, d’accord, mais il ne faudrait pas prendre trop de risques non plus. Une maman aimante et stable, c’est pas mal : même si on tape fort, ça n’arrête jamais de nous aimer.
Ton enfant te déteste-t-elle ?
Très heureusement, je ne vis pas avec mes lecteurs et vos courriers ne me livrent que ce que vous voulez bien me dire, ou du moins ce que vous conscientisez. Il n’est pas exclu que tu aies vécu dans un déni gênant, alors que tous les signaux étaient au rouge depuis des mois. Ceci dit, de ce que tu me racontes, je pencherai plutôt pour une petite meuf qui veut faire la maligne devant ses copines.
Personnellement, je me souviens très bien de mes 13 ans. Si j’ai depuis connu l’enfer de l’openspace, de la collocation et des sites de rencontre, rien n’a jamais égalé le début de l’adolescence en matière de marche ou crève et de bouffe avant d’être bouffée. Nous, parents, croyons naïvement que le sujet de la violence infantile est définitivement enterré, le jour où nos petits cessent de se taper dessus à coup de pelles en plastique.
Nous passons les dix années suivantes à nous croire à l’abri d’une rechute. Ce déni aura eu l’avantage de nous permettre de prendre des forces pour le moment où l’adolescence va débarquer.
Ta petite est probablement entrée dans cette phase horrible pour tout le monde, et sûrement aussi pour elle, où le moindre signe de gentillesse devient un aveu de faiblesse passible d’ostracisation. Ça passera, cette phase ingrate est aussi violente que courte.
Que peut-on tirer de tout cela
Jeune âge oblige, ta petite peste n’a pas encore intégré la règle de base d’un cassage de sucre en bonne et due forme. Lorsque l’on crache sur les gens qu’on aime, on s’assure d’abord qu’ils ne peuvent pas nous entendre.
Tu n’as pas lu son journal intime, elle a braillé la porte ouverte. Cette erreur de débutante va te permettre de la confronter. Il ne s’agit en aucun cas de la disputer, ni même de l’humilier. Dans d’autres circonstances, j’aurais utilisé le terme « mettre mal à l’aise », mais elle a 13 ans. Je suppose que lui demander d’enlever ses chaussures en rentrant le soir, ou de ne pas parler la bouche pleine, constitue déjà une humiliation.
Dis-lui simplement que tu as entendu ce qu’elle a dit. Tu n’es pas fâchée, mais cela t’a fait de la peine et tu voudrais saisir l’occasion pour mettre les choses à plat et améliorer ce qui peut l’être dans votre relation.
Je pense que cet événement peut te permettre de lui apprendre quelque chose qui est, à mon sens, essentiel : raconter des horreurs dans le dos des gens, c’est moche. Ça arrive à tout le monde, et même aux adultes, mais c’est moche. Ça fait rire ceux qui reçoivent la confidence, mais ça leur suggère aussi qu’on ne peut pas nous faire confiance.
Si on a quelque chose à régler avec quelqu’un, il vaut mieux le faire en face. Ne lui demande pas de jouer les bonnes Samaritaines, défenseuse des plus faibles. Elle risque la mort sociale. Rappelle-lui simplement que dans la vie, c’est toujours plus facile de se regarder dans le miroir quand on est droite dans ses bottes. Peut-être pas à 13 ans, tu me diras, mais ça lui servira pour la suite, quand elle ne sera plus tenue d’être absolument infecte pour se blinder et que son environnement l’autorisera à faire preuve d’un peu plus de bonté.
Je te laisse, je vais me coucher, je dois prendre des forces, il ne me reste plus beaucoup de temps avant l’adolescence.
La bisette,
Ta Daronne
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