La Daronne est la reine des conseils pas si cons enrobés dans une grosse dose d’humour plus ou moins subtil. La voici de retour pour voler au secours d’une lectrice !
La question pour la Daronne
Chère Daronne,
Ce dernier Noël avec ma famille a été très compliqué. Je suis venue avec ma copine pour la première fois, on devait passer une semaine dans ma famille qui n’a pas du tout les mêmes opinions politiques que nous.
Ayant l’habitude de leurs remarques et sachant que je suis absolument la seule à défendre mes idées, j’ai pris l’habitude de me taire et de faire la sourde oreille à certaines remarques pour éviter de passer les repas seule contre tous et de devoir supporter leur mauvaise foi. Cependant, entre la longueur du séjour et le fait que je voulais éviter à ma copine certaines remarques, ça a fini par exploser entre mes parents et moi. Eux m’accusent d’être « fermée d’esprit » car je refuse de m’écraser encore devant certains propos qui sont à mes yeux intolérables et carrément offensants. Par-dessus le marché, ils ont pris ma copine en grippe, l’accusant presque d’être la cause de ce changement de comportement.
Malgré cette situation, ils ont toujours été des parents très présents et aimants, on a toujours été une famille unie. C’est pour ça que ça me blesse encore plus, je ne sais pas comment ouvrir le dialogue et construire une vraie relation d’adulte à adulte dans le respect.
Aurais-tu des conseils à me donner ?
Merci d’avance,
Une Mad Anonyme
La réponse de la Daronne
Ma petite tourterelle,
Ton message me fend le cœur. Mes enfants ne sont pas encore adultes, mais j’espère que le jour venu, ils parleront de leurs Darons comme tu parles des tiens. Tu leur reproches d’avoir des idées de cons de droite, mais ton courrier me révèle surtout en filigrane à quel point tu les aimes et… Ça m’émeut. Les gens ne mesurent pas leur chance, sérieusement.
Heureusement que tu ne m’as pas communiqué leurs coordonnées, sinon je ne t’aurais pas répondu et je me serais directement rendue sur place pour leur tirer les oreilles.
Les gars, ALLO, vous avez une fille qui vous aime, qui est prête à accepter vos divergences et continuer de vous trouver des qualités. Vous savez que votre fille écrit des courriers à une vieille Daronne inconnue tant l’idée de vous perdre est insupportable ? Vous voulez vraiment risquer de perdre quelque chose d’aussi précieux, seulement par orgueil et esprit de contradiction ? Alors qu’en plus de cela, il existe des millions de personnes en France qui seraient, eux, ravis, de pérorer avec vous ?
Vous déconnez, les parents, vous déconnez grave. Ne faites pas ça, putain. Non, je ne chiale pas, je transpire des yeux.
Est-il possible d’aimer quelqu’un de droite ?
Très idéalement, l’intégralité de notre entourage partagerait nos opinions. Nous pourrions nous laisser tenter par un kiné ou un dentiste Macroniste, pour le grand frisson, mais ne nous égarons pas.
L’heure est venue de briser un tabou : Beaucoup de gens de gauches aiment profondément des gens de droite, et vice versa. Ces gens sont leurs parents, leurs frères et sœurs ou leurs amis d’enfance. Ils partagent des goûts communs, peuvent compter les uns sur les autres et rient toujours autant quand ils se voient.
Pour que l’entente perdure, il faut bien entendu que certains sujets soient exclus des conversations et que chacun soit en capacité d’écouter l’autre, sans monter sur son grand cheval. Car je ne visualise pas comment on peut monter deux chevaux à la fois.
Ces rapports à la fois hypocrites et réconfortants contreviennent par définition à nos valeurs, mais c’est comme ça que le monde fonctionne. Si personne ne s’arrangeait discrètement avec sa conscience, l’humanité se serait éteinte avant même d’apprendre à parler.
Il existe pourtant une limite à ne pas dépasser, le niveau de tolérance varie selon les histoires et les phases de la vie. Souvent, un être aimé agit comme catalyseur.
Communiquer avec ses parents
Pour bien avancer, il faut d’abord reculer. Ce proverbe de ma création ne s’applique pas pour toutes les situations (alors, est-ce vraiment un proverbe ?), mais c’est le cas ici. Avant d’envisager de communiquer, je t’invite à prendre un peu de temps pour toi et ta copine, sans contact avec eux. Ils auront peut-être l’occasion de cheminer, quant à toi, tu pourras réfléchir à la façon dont tu aimerais résoudre le problème : raréfier les rapports, tenter d’arranger les relations entre tes parents et ta copine, assumer tes idées sans crainte…
Quand / Si (j’y reviendrais) tu te sentiras prête, tu pourras les contacter par écrit ou leur proposer une rencontre afin de résoudre vos différends de façon raisonnable et satisfaisante, comme des adultes que vous êtes. Vous n’êtes pas là pour relancer la machine à amertume, mais pour trouver des solutions pérennes qui vous permettront de continuer à vous aimer toute votre vie.
N’écoute pas ton orgueil, s’il te souffle d’attendre qu’ils fassent le premier pas. Les journées sont longues, mais les années sont courtes, autant les passer ensemble et heureux de l’être.
Prends soin de ta copine, bichette
Je ne connais pas la nature de leurs propos. Tu me parles de communiquer avec eux et pas d’exiger excuses et réparation sincère de leur part, je suppose donc que les offenses verbales ne sont, par exemple, pas à caractère homophobe.
Tu peux être fière d’avoir trouvé en toi la force de réagir, mais ta copine doit continuer de savoir qu’elle peut compter sur toi. Si vous envisagez un avenir commun, il n’est pas envisageable que ta compagne s’en prenne plein la figure à chaque fois que vous voyez tes parents. Et pour être parfaitement honnête, elle ne mérite pas d’être dans une relation où, même si elle n’est pas présente, sa partenaire laisse ses parents la critiquer. J’imagine à quel point la situation est difficile pour toi, mais il n’est pas toujours possible, ni même souhaitable, de ménager la chèvre et le chou. S’ils ne sont pas capables de réfréner leurs ardeurs, tu devras possiblement faire un choix. Ils prétendront que tu leur auras préféré ta compagne, mais ce sera faux. Tu auras choisi la dignité et le respect de ton prochain.
Je souhaite très sincèrement que tes parents aient l’intelligence de cœur suffisante pour réaliser la chance qu’ils ont d’avoir une fille qui rêve d’une belle relation familiale. Si pour une raison ou une autre, ils ne sont pas capables de mettre leurs égos de côté et s’entêtent, sache une chose : aussi douloureux, pitoyable et regrettable que soit la situation, tu n’en seras pas responsable. Tu as le droit d’exiger de tes parents qu’ils respectent tes idées et ta partenaire. Ce serait même la moindre des choses venant de parents aimants et présents.
Je te laisse, je vais allumer un cierge pour vous, et chercher des mouchoirs. Ils m’ont tué, je te jure.
La bisette
Ta Daronne
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