La Daronne est la reine des conseils pas si cons enrobés dans une grosse dose d’humour plus ou moins subtil. La voici de retour pour voler au secours d’une lectrice !
La question pour la Daronne
Chère Daronne,
Il y a quelques semaines, j’ai rencontré un mec sur une application. J’ai craqué direct, et après un premier rendez-vous génial, nous sommes sortis ensemble. Depuis, à la fois je suis en plein rêve, et en plein stress. Je me demande comment un type comme ça peut vouloir sortir avec une fille comme moi : il a un super job bien payé, j’ai un boulot alimentaire (j’ai des hobbies à côté) et du mal à finir le mois. Il est propriétaire, moi en colocation, il a une culture générale de fou, moi euh … Bon. (Alexei Navalny est mort !, moi : C’est qui ?).
Le problème, c’est que je me sens si nulle à côté de lui que je n’ose souvent pas me lâcher, où je regrette tout ce que je dis. S’il ne répond pas à mes messages dans l’heure, je me dis que ça y est, il s’est lassé, et je passe mon temps à angoisser. Je n’ose pas lui dire que je suis serrée niveau budget. J’ai peur de lui parler de mes anciennes histoires ou de mon passé, car j’ai l’impression qu’à côté de lui, je suis une perdante absolue et qu’il va prendre peur.
Mes amis me disent que c’est dans ma tête et c’est certainement le cas, et qu’à force de ne pas être moi-même, je vais faire foirer cette relation. Comment sortir de cette prophétie autoréalisatrice ? Pour info, j’ai toujours manqué cruellement de confiance en moi, mais c’est le mec le plus cool que j’ai rencontré et c’est vraiment exacerbé.
Help,
Lulu
La réponse de la Daronne
Mon petit osselet,
Avant de développer ce courrier, j’aimerais te rappeler que tu es actuellement en phase d’aveuglement amoureux absolu. Si tu avais « un super job » et lui un boulot alimentaire et des hobbies, tu regretterais ton manque de créativité et de spontanéité en questionnant le monde corporate. Tu te ferais l’effet d’une adulte soporifique et considèrerais cette colocation comme le summum de la bohème, quelle que soit la définition que tu donnes à ce terme.
Tu passerais quand même des heures à implorer ton portable, et serais dégoûtée tout pareil en réalisant que le message que tu viens de recevoir provient de ta sœur qui t’annonce la naissance de son premier enfant.
L’état amoureux nous rend cinglés et nous ne devrions jamais, sous aucun prétexte, accorder le moindre crédit à notre appréciation. Sois tout de même consciente que si votre relation se pérennise, l’élu de ton cœur deviendra, à terme, ce partenaire aimé, mais chiant, qui décale quatre fois le réveil le matin, et monopolise le téléviseur pour visionner des programmes Netflix nuls. Je me souviens d’une époque de ma vie où je pouvais écouter des heures le Daron me parler de théories scientifiques vulgarisées par un Youtubeur vivant dans la cave maternelle. Autant te dire que le temps a passé, et c’est peut-être mieux ainsi.
Bref, je suis certaine que ton nouvel amoureux est un type épatant, mais probablement pas plus épatant qu’un autre mec décent.
Les contraires s’attirent
Selon une constatation purement empirique, mais non négligeable, beaucoup de couples sont composés d’individus aux trajectoires de vies différentes. L’un est calme, l’autre exubérant, l’un scolaire, l’autre autodidacte, l’un se concentre sur sa passion, l’autre sur un travail qui lui plaît. Quant aux différences de revenus, tu seras loin d’être la première à gagner moins que son conjoint.
Cela dit, je pense également que le proverbe que j’ai choisi en sous-titre est le fruit d’un malentendu. Je crois que la ressemblance est souvent plus évidente qu’il n’y parait au premier abord. Pendant que tu crois tomber amoureuse de ton opposé, ton inconscient a déjà repéré celui qui va raisonner avec son enfant intérieur. N’en déplaise à monsieur Freud, cet inconscient ne fait pas toujours preuve d’une grande clairvoyance et ses choix se basent parfois sur des raisons stupides. Il n’empêche, toute cette histoire ne se joue ni au salaire, ni à la stabilité, ni … à la confiance en soi. (Ceci est une transition).
On nous les brise avec la confiance en soi
Loi de l’attraction, pensée positive, aime-toi et le ciel t’aimera et tous ces autres préceptes issus du développement personnel me gonflent. Je ne réfute pas la présence d’un certain sens logique, nous sommes probablement plus séduisants les jours de forme, et moins attrayant quand un niveau de cafard sous les abysses océaniques nous colle au canapé.
Maintenant, soyons sérieux deux secondes. On nous assène que pour vivre de belles choses et être aimé, il faut avoir confiance en soi. Les personnes en couple heureux ne manquent pas, pourtant les gens qui ont confiance en eux, c’est comme le Yéti, si on en a croisé un, c’est certainement qu’on était saoul. Et d’ailleurs, l’alcool, voilà, pourquoi tu crois qu’on l’a inventé ? Pas pour le goût, crois-moi.
Il y a de très bons menteurs, mais eux-mêmes t’avouent après trois verres (tiens tiens) qu’ils ont quand même un syndrome de l’imposteur taille cosmos.
C’est normal de manquer de confiance en soi au début d’une relation prometteuse. C’est normal d’être encore plus malaisante que d’habitude et c’est normal de ne pas oser aborder les détails peu reluisants de notre existence. Tu crois qu’il te dit tout, lui ? Si ton insécurité le fait fuir, tu n’as rien perdu, il aurait eu peur de n’importe quoi. Et un trouillard, c’est épuisant.
Écoute ta petite voix
Bien-sûr, mes deux premiers paragraphes concernent une relation qui t’apporte de la joie avec un partenaire qui te témoigne l’intérêt que tu mérites. Accuser le manque de confiance en soi pour toutes les déconvenues futures, c’est aussi une bonne excuse pour ne pas avoir à affronter des signes flagrants de dysfonctionnement. Par exemple, si ton copain sait que tu as besoin de nouvelles, mais qu’il ne te répond pas pendant deux jours. Ou qu’il décommande régulièrement vos rendez-vous à la dernière minute. Autant de petits événements de facto suspicieux, qui contrarieraient même une personne dotée d’une confiance d’acier.
Pour finir, et ce sera certainement la partie la plus triste de cette réponse : c’est possible qu’en théorie, l’union fonctionne merveilleusement, mais qu’en pratique une incompatibilité non identifiable empêche la fluidité et le sentiment de sécurité essentiel à une relation. Le pire, c’est que ce n’est même pas forcément parce que tu découvriras plus tard que cet homme était en fait un salaud, ni que ta confiance en toi t’avait auto sabotée. C’est seulement que vous n’étiez pas compatibles. L’amour, c’est comme les macarons : si tu ne suis pas rigoureusement la recette et la liste des ingrédients, au gramme prêt, tu te retrouves avec un truc caoutchouteux dégueu alors que tout était là, et qu’il ne manquait que sept grammes de sucre.
Je te laisse, je vais dire au Daron que s’il veut, il peut me raconter ses trucs de sciences et de chiffres,
La bisette,
Ta Daronne
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