La Daronne est la reine des conseils pas si cons enrobés dans une grosse dose d’humour plus ou moins subtil. La voici de retour pour voler au secours d’une lectrice !
La question pour la Daronne
Chère Daronne,
Depuis que je suis enfant, je suis émétophobe. En gros, j’ai la phobie de vomir et de voir les gens vomir. Avec le temps, cette phobie est devenue plus facile à gérer et je pensais presque en être débarrassée… Mais je suis tombée enceinte. La grossesse, impeccable, je n’ai pas eu de nausées ! Aujourd’hui, mon fils a un an et va à la crèche depuis le mois de janvier. L’hiver dernier, il a choppé une gastro et nous l’a refilée. Depuis, ma phobie est revenue en force. Je sais qu’il y a déjà de nouveaux cas à la crèche et je suis dans un état de stress pas possible. Je ne sais pas comment gérer, et je ne sais pas si je peux passer l’hiver dans cet état de stress, mais je n’ose pas en parler autour de moi, même à mon mec.
J’ai tellement peur qu’il tombe malade et qu’il me refile ses maladies ! Au secours !
Jeanne
La réponse de la Daronne
Mon petit sachet de Smecta,
En même temps, c’est normal, personne n’aime vomir.
Je plaisante, même si mes yeux pleurent des larmes de sang (je viens de récurer mon corps tout entier à la javel pure). Heureusement pour toi, et très malheureusement pour moi, tu t’adresses à la bonne personne. Personne n’aime vomir, c’est vrai. Mais pour les Phobia Free, la perspective de s’immoler par le feu ne paraît pas douce en comparaison.
Dans le monde, 10 % de la population souffre de phobies. Étrangement, l’émétophobie fait partie des troubles phobiques les plus répandus. Il est d’ailleurs surreprésenté parmi les daronnes qui écrivent pour Madmoizelle. Ça permet de se tenir les coudes et de s’entre-convaincre que ces deux enfants fiévreux qui vomissent sans discontinuer depuis 24 heures ont seulement contracté la peste noire. De doux fantasmes qui nous soulagent quelques heures. Mais, bien sûr, c’est la gastro. C’est toujours la gastro.
L’émétophobie, une méthode contraceptive naturelle efficace
L’émétophobie désigne la peur panique de vomir, ou de se trouver à proximité de quelqu’un qui vomi. Et par peur panique je ne veux pas dire : « Toto, vas-y mollo sur la picole, sinon je ne monte pas dans le taxi avec toi, je n’ai pas envie de repayer 50 boules de frais nettoyage au chauffeur.«
Je veux dire : « Toto a beau être mon frère jumeau, je l’ai bloqué partout puisque sa simple évocation entraine effroi et tremblements de dégout ». Oui, parfois à ce point-là.
L’intensité de la phobie varie en fonction des individus et des périodes de la vie. Les phobies étant classifiées comme manifestations de l’anxiété, elles adorent venir te tourmenter dans les périodes de stress. Comme on disait dans ma jeunesse, c’est le deuxième effet Kiss Cool.
L’entrée dans la parentalité représente un bouleversement identitaire intense particulièrement propice au retour en force des phobies. Il faut trouver ses marques, affronter la fatigue dévorante, réinventer les dynamiques familiales, soigner son enfant intérieur, identifier les … Bullshit, Gabor Mate.
Si les enfants exacerbent tellement cette émétophobie, c’est que ce sont des petits nids à microbes, voilà la vérité. Venus au monde miro comme des taupes, ils mobilisent leur toucher et leur goût pour explorer le monde qui les entoure, caniveau compris. Une stratégie évolutive inconciliable avec leur système immunitaire défaillant, leur affection postillonnante, et leur mépris total de la moindre notion d’hygiène. Avec des enfants, et leurs virus, les craintes de tomber malades sont justifiées, même si on ne sait jamais vraiment quand ça va tomber. Je laisse les non-phobiques appliquer cette métaphore aux menaces de l’existence.
Vivre avec l’émétophobie
L’émétophobie, c’est l’inverse du fuck boy : elle a beaucoup de mal à te quitter. En revanche, à l’instar du fuck boy, la vie en sa compagnie peut vite devenir insupportable. Heureusement, comme toutes les phobies, l’émétophobie peut se soulager :
Comprendre ses causes : comprendre les causes, c’est identifier l’origine du mal et identifier le meilleur angle d’attaque. Tous les traumatismes ne s’abordent pas de la même façon.
En parler : ce n’est pas un secret honteux. En admettant que ce soit une phobie ridicule (non), je peux t’assurer que parmi les 10 milliards d’humains que compte cette terre, environ 10 milliards d’entre eux cachent aussi des hontes qui le sont tout autant. C’est le moment de libérer la parole, surtout au sein de ton foyer. Un partenaire décent (j’espère que tu possèdes ce modèle à la maison) est aussi là pour te soutenir, confier tes craintes et pouvoir compter sur ton binôme pour affronter la crise, quelle que soit la façon, ce n’est pas seulement précieux, c’est indispensable.
Fermer les yeux, ce n’est pas fuir : l’angoisse se déplace rarement sans l’obsession et les refresh compulsifs sur les pages d’information sanitaire, ou les nouvelles de la crèche font souvent partie du petit manège. Sans compter les copines qui traversent le même automne que toi, mais n’y perçoivent aucune menace et régalent le groupe WhatsApp d’une description imagée de la gastro familiale foudroyante (rien que l’écrire…). Tu as le droit de déconnecter, si l’information à outrance permet de garder le contrôle, elle multiplie aussi les grosses glandes par deux : avant, et pendant, si jamais. Le masochisme a ses limites.
Prévenir plutôt que guérir : Il existe des compléments alimentaires, comme les probiotiques qui permettraient de fortifier le système digestif. Les pratiques habituelles du yoga, de méditation, de sophrologie, fleurs de Bach et huiles essentielles peuvent aider à gérer le stress au quotidien et réduire l’anxiété. Vivre dans une société plus douce aussi, probablement.
Si je ne peux pas garantir l’efficacité de quoi que ce soit, je pense que ces petits rituels existent avant tout pour t’aider à reprendre le contrôle face à la phobie, et ça, on aime.
Naviguer à vue : on n’apprend pas à nager quand on se noie (et pour certains d’entre nous qui n’avons jamais dépassé le stade labrador, jamais). Il ne sert à rien de prendre sur toi si le petit vélo pédale déjà à fond les ballons dans ta caboche. Si tu en as les moyens, il vaut mieux une journée de crèche manquée la veille d’un départ de vacances, que des jours d’angoisse agonisante. Si la catastrophe a lieu, enclenche le mode survie, ne résiste pas, prends cette serpillière et cette bouteille de Javel et frotte-moi ces poignées de porte. Impose tes décisions et ton protocole de sécurité. Ouais, maman est zinzin, et alors ? Il en existe dix milliards, des zinzins comme elle.
Consulter et suivre un traitement : les phobies, c’est comme l’odeur du pipi de chat sur le tapis, c’est dur de s’en débarrasser et il est souvent nécessaire de s’adresser à un professionnel en nettoyage. Même s’il ne s’agit pas du même. Les thérapies cognitives et la pratique de l’EMDR observeraient de très bons résultats. Un traitement médicamenteux est parfois nécessaire, ne le refuse pas. Personne ne mérite de vivre ça.
Allez, je te laisse, je dois accompagner ma fille chez le dentiste. Elle a très peur, mais comme elle me l’a dit tout à l’heure : « Maman, en fait, ça fait toujours beaucoup plus mal quand on imagine dans sa tête que quand ça se passe vraiment ! ». Une phrase de ma création qu’elle semble avoir pourtant bien mieux intégrée que moi. Mais quand c’est elle qui me le dit, j’ai envie d’y croire.
La bisette,
Ta Daronne
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