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Helena Costa quitte le Clermont Foot et son président qui « ne comprend pas les femmes »

Helena Costa a renoncé à entraîner l’équipe masculine de Clermont-Ferrand. À entendre les propos hallucinants du président du club en conférence de presse, sa décision peut se comprendre…

Sa nomination à la tête de l’équipe de foot masculine de Clermont-Ferrand avait été annoncée en grande pompe, et largement reprise dans la presse, y compris à l’étranger. Pensez-vous : une femme, coach d’une équipe d’hommes, une première ! Un scoop !

De son côté, la Portugaise avait souhaité « être une entraîneur normale », pas impressionnée par l’attention médiatique, ni par l’écharpe de « première femme coach d’une équipe de foot masculine en France ».

Helena Costa, une femme et une tête pour entraîner Clermont, sur SoFoot

« Le président du club sait exactement pourquoi je démissionne »

Le 23 juin, soit la veille de la reprise, Helena Costa a annoncé sa démission. En conférence de presse, elle est restée extrêmement laconique, citant « des raisons personnelles ». Elle souligne seulement que le président du club sait pourquoi elle démissionne, et qu’elle ne doit d’explications à personne sinon à lui :

« Je ne suis pas le premier à être trahi par une femme »

À son tour, le président de Clermont Foot s’est présenté en conférence de presse. Claude Michy juge la décision d’Helena Costa « irrationnelle ». Selon lui, les raisons qu’elle a invoquées sont « futiles ».

Et il avance une analyse hallucinante de sexisme :

« C’est une femme. Donc euh…Une femme, elle peut faire croire aux hommes un certain nombre de choses. Moi, j’ai cru. Comme j’ai dit aux joueurs également, c’est pas la première fois qu’un homme est abandonné par une femme, donc je suis à égalité avec beaucoup.

Parmi vous, je pense qu’il y en a pas mal qui ne comprennent pas les femmes de temps en temps, donc si vous voulez, c’est aussi rassurant, parce que ce n’est pas un cas d’espèce.

Elle a démissionné. C’est d’une clarté extrême. Elle a signé une démission, sans indemnités, pour repartir au Portugal. C’est une décision qui est étonnante, surprenante, incompréhensible, vous l’appelez comme vous voulez. On est surpris et on a un problème de compréhension de la décision.

Elle a été déstabilisée par quoi, je ne sais pas, elle a un problème de confiance qui s’est installé, de manque de confiance, et elle n’a pas voulu nous faire confiance.

On a eu une longue décision encore hier avec Sonia Souid [son agent] et Patrick Esteves, et Helena pour essayer de la ramener à une bonne décision. On n’y est pas arrivé. Mais on n’a pas – ce qui peut vous étonner – on n’a pas d’explication rationnelle. Y a des raisons futiles, entre guillemets, mais il n’y a rien de sérieux. Elle part avec son secret, entre guillemets. »

Non vraiment, on se demande bien quelles ont pu être les raisons qui ont poussé Helena Costa à démissionner… On sent bien toute la confiance que son président a dans ses compétences et ses capacités.

Celle qui voulait être « une entraîneur comme les autres » reste avant tout « une femme », secrète, irrationnelle, qui abandonne et « fait croire » des choses aux hommes. On rajoute « futile » et on a un beau bingo misogyne en à peine une minute vingt.

Passons rapidement sur le déferlement de commentaires sexistes lus sur les réseaux sociaux : voilà ce qui arrive quand on nomme une femme à un poste de mec, n’est-ce pas !

« La salope, elle se casse la veille du mariage », « elle allait rater le début des soldes »… c’est un véritable festival.

Avalanche de tweets sexistes après la défection d’Helena Costa, Le Nouvel Obs

La décision que personne ne comprend et les explications que personne n’écoute

Cette conférence de presse hallucinante a été largement reprise par les médias, et le sujet a également été discuté au Grand Journal du 24 juin. Mais on continue de s’étonner de la décision d’Helena Costa, et de l’absence d’explications.

Or dans l’après midi, la coach a publié un communiqué de presse

 (certes, en portugais, mais ça n’est pas du Klingon non plus) où elle explique largement sa démission.

Elle détaille très précisément (et très rationnellement, monsieur Michy) le manque de communication au sein du club, et les obstacles qu’elle a rencontrés dans la préparation de la saison…

  • Aucune consultation quant au recrutement des joueurs : elle relève qu’il est inacceptable pour un entraîneur d’apprendre les transferts en découvrant le nom des nouveaux joueurs sur le planning des tests médicaux.
  • Aucune consultation ni communication du planning des matchs amicaux : elle découvrait que des matchs étaient programmés sans avoir été informée par le club, ce qui, avouez-le, complique son travail de préparation de l’équipe…
  • Manque de respect, amateurisme, réunions annulées par manque d’information, elle n’avait pas la main sur les plannings d’entraînement (ce qui, quand on est entraîneur, peut effectivement être problématique).

Ces différends et bien d’autres ont aggravé ses relations avec le directeur sportif, lequel ne répondait pas à ses sollicitations. Il a fini par lui répondre un email laconique, que la Portugaise cite : « Tu me fatigues avec tes emails, je ne suis pas à ta disposition ». Bonne ambiance.

« On m’a manqué de respect, aucun entraîneur n’accepterait ces conditions », a déclaré la coach.

Incompréhensible, vraiment ?

Étrangement, ce communiqué n’a pas été cité au Grand Journal, où Helena Costa aurait dû se rendre pour s’expliquer publiquement. Hervé Matoux, journaliste sportif au Canal Football Club, a excusé Claude Michy à demi-mot, avançant que les propos misogynes du président n’étaient qu’« une façon de dédramatiser ce qui arrive à son club ».

Personnellement, j’y vois plutôt l’illustration du « manque de respect » avancé par Helena Costa dans son communiqué de presse, mais chacun son analyse :

« C’est assez opaque pour être honnête », selon Hervé Matoux. « C’est un faisceau de raisons » ajoute-t-il, sans entrer dans le détail.

Pourtant, la coach va jusqu’à justifier la publication de son communiqué de presse, la raison pour laquelle être sortie du silence dans l’après-midi : elle avait accepté, d’un commun accord avec le président, d’assumer sa décision, sans entrer dans le détail de ses motivations.

Mais c’est en entendant les déclarations du président du club qu’Helena Costa a décidé d’en dire plus sur les raisons de son départ, en publiant son communiqué :

« J’ai seulement écrit ce communiqué après avoir lu les déclarations du président (avec qui j’ai toujours eu les meilleures relations), déclarations qui ne sont pas en accord avec ce que mes conseillers, moi et supposément le club avions décidé d’exposer lors de la conférence de presse, pour le bien du club et de son président, qui a eu le courage de parier sur moi.»

Hôpital, charité…

Résumons.

D’un côté, un président de club qui cherche des explications dans le tempérament « des femmes », que « pas mal d’entre [nous] ne comprennent pas de temps en temps ». Ah, les gonzesses, ces créatures irrationnelles au comportement secret et futile…

D’un autre, une professionnelle qui est restée sobre dans un premier temps, puis s’est expliquée rationnellement, détaillant méthodiquement les événements survenus depuis sa prise de poste il y a deux mois, le manque de respect de ses collaborateurs et de sa hiérarchie, le fait qu’elle ne disposait pas des conditions ni des moyens nécessaires à l’exercice de ses missions.

Laquelle de ces deux personnes a un comportement « surprenant, étonnant, incompréhensible » ? J’hésite. (Pas vraiment.)

Laissons le mot de la fin au Gorafi, qui nous offre sans doute la meilleure analyse de toute cette affaire, avec une interview fictive de la coach portugaise :

« Les hommes que j’ai rencontrés ne font que parler cheveux entre eux. C’est insupportable. Ce sont de vraies princesses très loin de l’esprit de rusticité que je souhaitais apporter. Je n’avais pas envie d’entraîner cette bande de pisseuses, pour tout vous dire. »

tweet-gorafi-costa

Le Gorafi est un site parodique.

Souhaitons un beau rebond professionnel à cette coach de caractère, qui n’avait aucune intention de jouer les potiches sur le bord du terrain. Ce qui est tout à son honneur.

Pour aller plus loin…


Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.

Les Commentaires

12
Avatar de Hibourisson
26 juin 2014 à 20h06
Hibourisson
C'est le coté tout blanc tout noir qui me dérange voir même caricaturale.
Qu'elle soit homme ou femme, elle a commis des erreurs.
Je sais qu'elle n'est pas responsable de l'espoir que les gens placent en elle mais quand même.
Elle représentait une grande avancée et beaucoup d'espoir. Elle a claqué la porte sans un véritable mot sans une explication pour tous les gens qui croyaient en elle.
(Non un mot en portugais n'est pas suffisant).
Ba moi je trouve ça très triste.

Donc qu'une personne choisisse, dans un premier temps, de ne pas revenir sur les raisons de son départ pour ne pas accabler son ancien employeur (et sûrement leur éviter des problèmes dans le recrutement d'un remplaçant), ce n'est pas professionnel ?
Donc une lettre ouverte argumentée et publiée dans les médias, bien que dans une langue étrangère, ne vaut pas plus que "un mot en portugais" ? D'autant qu'il est clair qu'elle a discuté avec son employeur avant de prendre sa décision et a exposé à ce moment les raisons de son départ (en français ou au moins en anglais j'imagine) ?
Certes elle n'avait pas à démissionner à la veille de la saison et cela pose de véritables problèmes pour l'employeur et l'équipe. Mais mérite-t-elle pour autant le déchainement sexiste, dont son ancien employeur est le premier à le faire ? Peut-on réellement juger son professionnalisme quand on sait tellement peu de ce qu'elle a vécu et de ce qui l'a amenée à prendre cette décision ?
Aurais-tu eu la même réaction s'il s'agissait d'un entraîneur masculin, ne portant pas "une grande avancée et beaucoup d'espoir" ? Pourquoi devrait-on être plus durs avec elle parce que sa nomination, malgré elle ("je veux être une entraîneur normale", portait ces espoirs ?
Parce que là j'ai du mal à comprendre.

Mais mérite-t-elle pour autant le déchainement sexiste, dont son ancien employeur est le premier à le faire ?
Ai-je dit cela ? il me semble que non. Sur chaque post, il me semble que j'essaie de donner mon opinion en apportant de la nuance. Ce que j'essaie de dire depuis le début c'est que dans cette situation rien n'est ni tout blanc ou tout noir contrairement à ce que laisse penser l'article. J'essaie vraiment de rédiger mes propos de manière mesurée. J'aimerai que tu en tienne compte si tu souhaites régir à ce que je poste stp.
Par ailleurs, tu demandes :
Donc une lettre ouverte argumentée et publiée dans les médias, bien que dans une langue étrangère, ne vaut pas plus que "un mot en portugais" ?
tu prends la peine de bien surligné le mot "argumentée"
et après tu dis:
"Peut-on réellement juger son professionnalisme quand on sait tellement peu de ce qu'elle a vécu et de ce qui l'a amenée à prendre cette décision ? "
N'est-ce pas un peu contradictoire ?
On a pas le droit de la critiquer car elle a donné des explications et on a pas le droit de la critiquer parce qu'on a pas d'explications.
Pour ce qui est de ta phrase:
Aurais-tu eu la même réaction s'il s'agissait d'un entraîneur masculin, ne portant pas "une grande avancée et beaucoup d'espoir" ?
Je ne comprends pas le sens de ta question.
Je comprend bien l'exercice qui consiste à dire : si c'était un garçon quelle aurait été ta réaction?
Or pour cela il faut comparer ce qui est comparable:
- un entraineur masculin qui ne porte pas une grande avancée et beaucoup d'espoir avec un entraineur féminin qui ne porte pas une grande avancée et beaucoup d'espoir.
- un entraineur masculin qui porte beaucoup d'espoir et un entraineur féminin qui porte beaucoup d'espoir.
En ce qui concerne tes dernières phrases:
"Pourquoi devrait-on être plus durs avec elle parce que sa nomination, malgré elle ("je veux être une entraîneur normale", portait ces espoirs ?
Parce que là j'ai du mal à comprendre. "
Je t'invite à relire ce que j'ai deja écrit.
"Je sais qu'elle n'est pas responsable de l'espoir que les gens placent en elle mais quand même.
Elle représentait une grande avancée et beaucoup d'espoir. Elle a claqué la porte sans un véritable mot sans une explication pour tous les gens qui croyaient en elle. Ba moi je trouve ça très triste."
Je ne répéterai pas une seconde fois ce que j'ai dit plus haut.
 Je trouve ça triste. Je ne dis pas qu'il faut lui taper dessus 
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