Souvent, les scientifiques s’emparent de nos préoccupations pour les disséquer et publient des rapports sur à peu près tout ce qui touche à nos petites personnes. Certaines de ces études sont plus faciles à vulgariser que d’autres, plus attractives pour les lecteurs éventuels et font le tour des médias : c’est le cas pour une étude publiée récemment dans le Journal of Personnality and Social Psychology.
Cette fois, Justin Hepler et Dolores Albarracin, des Universités de l’Illinois et de Pennsylvanie, se sont penchés sur les « haters » (les « haineux »). Dans un papier intitulé « Attitudes sans objets », les psychologues expliquent que les personnes ayant des perceptions négatives à propos de choses qu’ils connaissent déjà auraient plus facilement tendance à réagir négativement à des nouveaux stimuli.
Autrement dit, comme dirait l’autre « selon une étude américaine », haters gonna hate, les haineux vont haïr — il existerait une disposition à l’appréciation ou à la non-appréciation des choses. Allons bon ?
Le déroulement de l’étude
Pour tester leur idée, Helper et Albarracin (et al., aussi) ont présenté aux participant-e-s une liste de 16 sujets n’ayant rien à voir les uns avec les autres (l’architecture, le système de santé, les mots fléchés, le Japon, la taxidermie, les t-shirts…), et leur ont demandé de noter ces choses sur une échelle allant de 1 (extrêmement défavorable) à 7 (extrêmement favorable).
La liste d’items a été élaborée en plusieurs étapes (dans un premier temps, les chercheurs-es ont présenté à des participants une liste de 200 items, puis de 100… jusqu’à réduire la liste à 16 items) et, en parallèle, les participant-e-s ont également rempli des questionnaires sur différents traits de personnalité (par exemple sur la tendance à l’optimisme/pessimisme, sur l’extraversion/l’introversion…) qui auraient pu faire interférence avec la « disposition au hating ».
L’équipe de recherche prend note des réponses de participant-e-s et garde en tête les volontaires ayant évalué de façon négative un nombre important d’items (les haters potentiels).
Un mois plus tard, les chercheurs-es demandent à chaque participant-e de recommencer l’exercice – afin de s’assurer que les volontaires ayant donné de nombreuses mauvaises notes n’étaient pas simplement dans un mauvais jour lors de la première expérience.
À ce moment-là, les haters potentiels sont identifiés. L’équipe de psychologues propose alors un nouvel exercice aux participant-e-s : ils leur présentent un nouveau produit, en l’occurrence un four à micro-ondes (qu’ils appellent le « Monahan LPI-800 Compact 2/3 Cubic-Foot 700-Watt Microwave Oven »), qui est en réalité un produit fictif, et fournissent également trois fausses critiques positives et trois fausses critiques négatives du produit. Une fois de plus, les participant-e-s doivent donner leur avis sur ce produit.
Patatras : les haters ont transformé le questionnaire en festival du hating, tandis que les ravis de la crèche (ceux qui ont kiffé l’architecture, les t-shirts, la taxidermie, le Japon et tout le toutim) ont été tout à fait satisfaits de ce nouveau four à micro-ondes.
Et donc ?
Ce que les auteur-e-s souhaitaient analyser, c’était l’existence d’une potentielle disposition générale à aimer ou ne pas aimer, hors traits de personnalité.
Selon leur expérience, en effet, les personnes « optimistes » n’ont pas forcément tendance à aimer les 16 items de la liste, et les personnes « pessimistes » n’ont pas forcément tendance à les détester…
En d’autres termes, selon Helper et Albarracin, nous pourrions tou-te-s avoir une « disposition » à aimer ou ne pas aimer – qui serait une facette de notre personnalité. Comme certains sont introvertis, nous pourrions être un « lover » ou un « hater ».
Helper explique ainsi que « l’attitude de quelqu’un à propos de l’architecture pourrait en fait nous dire quelque chose sur son attitude à propos du système de santé, parce que ces deux attitudes seraient biaisées par une disposition à aimer ou ne pas aimer les stimuli ».
Cette découverte ne semble pas révolutionnaire, mais parfois, on avance à petits pas : en poussant l’étude de cette tendance au hating/non-hating plus loin, nous pourrions mieux comprendre la « psychologie des attitudes » — par exemple pour aider les haters ou ceux qui ne hate justement pas assez à prendre conscience de leur rôle dans leurs attitudes à propos des choses. Comment apprendre à apprécier quelque chose lorsqu’on a tendance à tout évaluer négativement ?
La plus-value de l’étude peut sembler limitée, mais que voulez-vous que je vous dise ? Les chercheurs vont chercher, les haters vont haïr.
Ce que l’on peut garder à l’esprit, c’est aussi que parfois, tout est une question de moment et d’environnement : notre personnalité, nos dispositions sont changeantes. Nous n’avons pas « une » personnalité, pas « un » caractère » ; en fonction des périodes que nous vivons, de gens qui nous entourent, de nos souhaits, nous changeons.
Lorsque vous remplissez un test de personnalité, il est fort probable qu’en le remplissant à un autre moment de votre vie, les réponses auraient été différentes. Ainsi, nous pourrons tou-te-s un jour être un hater, ou un lover ?
Pour aller plus loin :
- L’étude d’Helper et Albarracin (en anglais) – toute la méthodologie y est détaillée, n’hésitez pas à y jeter un oeil !
- Les articles de LiveScience et de Slate sur le sujet
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Les Commentaires
J'avais pas perçu cette notion d'intolérance (ou rejet) de la nouveauté, mais c'est vrai que vu sous cet angle l'étude ouvre sur pleins d'autres questions comme par exemple : est-ce que l'age a une incidence sur ce filtre négatif ?