Mise à jour du 24 octobre — sur l’emploi du terme « hate » dans cet article, voir notre mise à jour à la fin !
Article initialement publié le 22 octobre —
EnjoyPhoenix a encore frappé : la youtubeuse-star beauté/lifestyle a donné une recette de masque pour visage contenant de la cannelle, un allergisant qu’il convient pourtant d’éviter de se tartiner sur le visage.
Une recherche dans Google News sur « enjoyphoenix masque cannelle » -> « 80 autres articles »
J’apprécie énormément qu’on veille à ce que les conseils de la jeune Marie Lopez soient effectivement sans danger pour la santé de ses encore plus jeunes abonné•es, mais je ne peux pas m’empêcher de rester sceptique devant le nombre d’articles consacrés à cet incident, et surtout, devant leur ton.
Et plus j’y réfléchis, plus je réalise que cette forme de critique est de plus en plus récurrente, et surtout, qu’elle semble frapper essentiellement les jeunes femmes qui réussissent. Tiens donc.
Gwyneth Paltrow, gourou malgré elle
Ça partait pourtant d’une intention louable : quand une personne influente se hasarde à donner des conseils hygiène/santé, qui s’avèrent présenter des risques sérieux, j’estime bien entendu qu’il est du devoir du journaliste d’intervenir.
Il est souhaitable de le faire de façon constructive, en expliquant pourquoi telle ou telle technique n’est pas à imiter. Par exemple, lorsqu’en février 2015, l’actrice avait recommandé un procédé de « nettoyage du vagin à la vapeur », il était bon de rappeler que cette cavité n’apprécie pas du tout les agressions extérieures de ce type.
À lire aussi : Gwyneth Paltrow ne veut pas le bien de ton vagin
Aussi, lorsque j’ai vu apparaître dans mes sources d’actualité un nouvel article, intitulé Gwyneth Paltrow donne un (mauvais) conseil santé pour soigner la grippe, je me suis demandé ce qu’elle avait bien pu promouvoir comme ineptie cette fois-ci… Or en réalité, Gwyneth Paltrow ne donne aucun conseil à personne. Elle a simplement posté une photo d’elle sur Instagram, prise dans un sauna, tentant visiblement tout et n’importe quoi pour se débarrasser de sa grippe.
https://instagram.com/p/8bdNqiCPex/
Au diable la contagion… Je vais l’achever à la chaleur #5èmeJourDeGrippe #Sauna #JessaieraisNimporteQuoiÀceStade
Le premier commentaire est excessivement agressif et insultant :
« T’es putain de stupide Gwyneth Paltrow. Arrête de donner des conseils médicaux, connasse psychotique. Tu n’es pas un médecin, juste une actrice de merde »
Mais… Où est « le conseil » ? Comme le souligne un autre internaute, l’actrice n’est pas du tout en train de recommander un remède contre la grippe :
« Où est le « conseil médical »… ? Elle a partagé sur Instagram une photo montrant qu’elle essayait de se soigner, elle indique explicitement qu’elle était en train d’essayer tout et n’importe quoi parce qu’elle traîne la grippe depuis plusieurs jours. Elle n’a conseillé à personne de faire la même chose. Mais bon, hater avant de lire, c’est le sport national par ici… »
Hater avant de lire, hater ouvertement sur toutes les plateformes étaient avant l’apanage des internautes lambda. Mais voilà que cette tendance à la moquerie dénuée de toute bienveillance a envahi les médias, et plus particulièrement la presse web.
Marion Cotillard n’est pas féministe
Autre registre, mais même procédé en ce qui concerne les actrices françaises qui se détachent du féminisme. Après Maïwenn et Lou Doillon, dont les déclarations marquaient une critique et une prise de distance par rapport au féminisme militant, ce fut au tour de Marion Cotillard d’être étrillée dans la presse pour avoir dit qu’elle n’était « pas féministe ».
Voir tant de médias railler le manque d’engagement féministe de personnalités me laisse songeuse. Mais si le féminisme est d’une telle évidence qu’on puisse se contenter de moquer celles qui ne s’en revendiquent pas, expliquez-moi pourquoi je continue de voir passer autant d’articles sexistes dans ces mêmes médias ?
Quand je vois le nombre de publications problématiques partagées par ces mêmes médias, j’ai vraiment le sentiment que c’est l’hôpital qui se moque de la charité.
Bien entendu, il est tout à fait possible – et très professionnel à mon sens – de relever en quoi de telles déclarations peuvent poser souci, mais il est davantage intéressant et productif de s’interroger sur les causes qui amènent des stars françaises à se désolidariser du féminisme, qu’à le leur reprocher. Avec force sarcasmes et condescendance en prime.
Sur madmoiZelle, on avait préféré expliquer en quoi les propos de Lou Doillon sur la vulgarité de certains corps nus témoignaient précisément d’un manque de connaissance des enjeux féministes autour de cette question.
À lire aussi : Amies et alliées féministes, et si on arrêtait de se tirer dans les pattes ?
Par ailleurs, l’actrice critiquait le féminisme de son point de vue, qui occultait totalement les problématiques intersectionnelles. Elle est loin d’être la seule à avoir un angle mort sur le sujet, il nous semble donc inutile de le lui reprocher comme si nous avions toutes le féminisme inclusif infus.
S’appuyer sur une petite phrase regrettable pour expliquer le féminisme au grand public, c’est à mon sens plus pertinent que de s’en servir simplement pour basher son auteure.
Et quand il n’y a tout simplement aucun intérêt pédagogique ou critique à relayer la petite phrase, alors pourquoi le faire ? Pourquoi exhorter encore un peu plus la meute en hurlant au diapason ?
Mélanie Laurent est coupable de tout
En octobre 2014, quelques semaines avant la sortie de son deuxième long métrage derrière la caméra, Respire, une vidéo de Mélanie Laurent est mise en ligne sur YouTube et fait le tour des médias en moins de 48 heures. Il s’agit d’un montage sans aucun intérêt de plusieurs extraits d’interviews, qui fait passer l’actrice pour une illuminée imbue d’elle-même.
C’est juste de la moquerie. Tous les médias en parlent, sans aller interroger la source de cette production malveillante. Un travail de journalisme intéressant aurait été d’investiguer pour retrouver les auteur•es de cette vidéo.
Slate avait justement analysé le phénomène de hate de Mélanie Laurent comme une manifestation du sexisme ordinaire. Extrait :
« Les règles du celebrity bashing sont globalement les mêmes que celles du harcèlement moral : c’est souvent quand elle pense s’être enfin faite oublier que la victime reprend un grand coup derrière la nuque. Concernant la dernière phase en date du dossier Mélanie Laurent, les choses sont simples: qu’a fait récemment fait ou déclaré l’artiste pour faire de nouveau l’objet de moqueries depuis ce début de semaine ? Rien. »
– La suite à lire sur Slate : Laissez Mélanie Laurent tranquille !
Le palmarès de Mélanie Laurent, 32 ans seulement, aurait pourtant de quoi imposer un minimum de respect. Mais depuis qu’elle a déploré le déferlement de haine sur Internet suite à la sortie de son album en 2011, quoiqu’elle fasse, quoiqu’elle dise, l’actrice est systématiquement dénigrée.
Slate compare très justement le bashing de célébrités au harcèlement moral. Et se dire qu’en plus, le harcèlement (scolaire !) était précisément le thème du film Respire donne à cette histoire un relent particulièrement cynique.
À lire aussi : Respire : « rendre le harcèlement comme un non-événement » pour en sortir
Pour en revenir au cas d’EnjoyPhoenix, elle n’a certes pas le pedigree de l’actrice-réalisatrice césarisée, mais ce n’est pas une raison pour s’adonner au harcèlement en ligne au moindre faux pas de la jeune youtubeuse.
EnjoyPhoenix, nouvelle cible du harcèlement en ligne
EnjoyPhoenix a réagi aux multiples articles qui ont dénoncé sa boulette en cuisine d’il y a quelques semaines, et plus récemment, le fail de cette recette de masque à la cannelle. Dans un vlog, elle tacle les journalistes qui semblent passer plus de temps à suivre ses moindres faits et gestes qu’à se préoccuper de problèmes plus importants ; cette sortie a été encore moquée davantage, comparée à « une soirée miss France », comme si c’était là une réponse plus fine et plus constructive que « il y a des problèmes plus graves dans le monde ».
Visiblement touchée par ce qu’elle vit comme un acharnement, EnjoyPhoenix a publié un TwitLonger pour s’expliquer, dans lequel elle fait son mea culpa et reconnait qu’elle aurait dû avertir son public des risques d’utilisation de la cannelle sur la peau.
Notons que ce n’est pas la première fois que cette recette circule sur Internet. Le Figaro Madame l’avait proposé à ses lectrices en avril 2014.
https://twitter.com/_batou_/status/656887837191749633
S’il est vrai que les excuses d’EnjoyPhoenix ont tardé à venir, et que sa première réaction sur son vlog n’a pas été optimale, elle marque plusieurs points dans sa réponse sur TwitLonger :
« Je commence à en avoir marre d’être épiée, et critiquée sur absolument TOUT ! Oui je m’expose, oui c’est mon choix, mais il s’agirait d’être objectif ! »
Touché. Oui, elle aurait dû préciser à son (jeune) auditoire qu’on ne se tartine rien sans l’avoir testé sur sa peau au préalable : cette précaution est souvent indiquée sur l’emballage des cosmétiques qui contiennent les ingrédients les plus irritants.
Mais elle a raison, Marie : c’est surprenant, cette ruée médiatique sur ce manque de diligence de sa part, alors qu’en parallèle, de nombreux produits d’hygiène/cosmétique/santé contiennent des substances dangereuses, pour lesquels les mises en garde ne sont que très peu relayées par les sites d’information.
On en parle, des cosmétiques dangereux ?
Parlons par exemple des perturbateurs endocriniens, qui entrent dans la composition de nombreux produits cosmétiques. Des associations se mobilisent pour que l’Union Européenne adopte une réglementation permettant de protéger la santé des consommateurs, mais le premier round de cette bataille a été gagné par les industriels. Pour en savoir plus sur ce sujet très sérieux, je vous renvoie vers la synthèse qu’en a fait Libération :
« Ces petites bêtes qui sont partout, dans la plupart des produits que fabriquent l’industrie pétrochimique. Elles sont là, elles grignotent notre système hormonal au point d’avoir des conséquences physiologiques, non seulement sur nous mais aussi sur les générations à venir. »
– La suite à lire sur Libération, Perturbateurs endocriniens : comment les lobbys ont gagné
Arrêtons-nous par exemple sur le cas des lubrifiants, dont on ignore la composition, mais qu’on se colle pourtant sur des parties fragiles de notre anatomie. L’association
Générations Cobayes dénonçait l’année dernière le manque de transparence des fabricants de ces produits, ce qui devrait nous préoccuper sérieusement.
À lire aussi : « Protège tes hormones », un questionnaire sexe et santé
Et l’association de jeunes n’est pas la seule à soulever le problème, puisque dans le même temps, une marque de lubrifiants bio faisait la promotion de son produit réputé 100% naturel et organique, à l’aide d’un clip vidéo original et humoristique.
Cette publicité, je l’ai vu relayée par un site d’information en ligne pour lequel j’ai un certain respect. Mais voici la conclusion de l’article :
« Certains bobos ont décidément des combats étonnants dans la vie… »
Une conclusion qui m’avait déjà peinée à l’époque, mais qui m’agace carrément quand je vois qu’on brandit l’argument sanitaire pour enfoncer EnjoyPhoenix. Qu’on se serve de ce fail pour aborder les risques pour la peau que présentent certaines substances utilisées en cosmétique aurait pourtant pu être une façon constructive de rebondir sur cette histoire.
Mais s’en servir pour attiser la haine des internautes, et ridiculiser la jeune femme, quel est l’intérêt de cette manoeuvre ?
Le bullying (harcèlement) n’est jamais cool, vraiment
La conclusion du TwitLonger de la youtubeuse me parle également :
« Que des sites internet racontent ma vie ou la commentent dans les moindres détails, ça ne me plaisait pas beaucoup, mais que des journaux d’informations se servent de leur notoriété pour enfoncer les gens, ça ne me fait pas rire. »
Moi non plus, vraiment. Il y a encore six mois, la sphère médiatique semblait ignorer le monde merveilleux de YouTube et son écosystème de stars. Et puis, lorsque les millions d’abonné•es ont commencé à se matérialiser « dans le monde réel », à travers les ventes de livres, les files d’attente aux dédicaces, la presse s’est intéressée plus largement au phénomène, non sans condescendance, teintée parfois d’un vieuxconisme assez pénible.
Miquette avait déjà largement critiqué cet aspect du traitement médiatique réservé à EnjoyPhoenix dans un article dédié au bashing qu’elle subissait déjà au moment de la promotion de son livre.
Je ne demande à personne d’admirer son travail, ni de lui chanter des louanges. Vous n’aimez pas son livre, parce que vous le trouvez nul et creux. Vous ne voyez pas l’intérêt des vlogs, ni de ses conseils pour se sentir bien dans sa peau, et la beauté vous semble être un sujet indigne d’attention. Vous n’aimez pas, on a compris. Vous n’aimez pas non plus le jeu de Marion Cotillard, ni la voix et les attitudes de Mélanie Laurent. Personnellement, je trouve déjà ça déplacé et vraiment futile de crier sa haine de quelqu’un sur les réseaux sociaux, mais de le faire dans un article de presse, ça me dépasse complètement.
Oui, je suis d’accord avec EnjoyPhoenix sur ce coup-là : je crois qu’il y a effectivement plus grave dans le monde que les brûlures à la cannelle ou les brownies carbonisés. Je ne dis pas qu’il ne fallait pas en parler, mais en parler juste pour se moquer d’elle me semble être effectivement un dessein extrêmement futile, malveillant et superflu.
Les journalistes ne sont pas épargnéEs
Je réagis à l’occasion de cette affaire « EnjoyPhoenix », mais la plume m’avait déjà démangée au moment où Maitena Biraben était sous le feu des critiques pour la rentrée du Grand Journal. J’avais été particulièrement frappée par la vitesse à laquelle de nombreux médias avait repris la fameuse expression « discours de vérité », prononcée en direct à propos du Front National. Les leçons de journalisme pleuvaient, à une vitesse et en nombre véritablement surprenants, et de la part de confrères pas vraiment exemplaires eux-mêmes dans ce domaine (je retrouvais ce sentiment de double standard, et d’hôpital qui se moque de la charité…)
Une fois encore, la présentatrice n’est pas exempte de critique, et nous ne manquons pas de pointer notamment son traitement irrespectueux d’EnjoyPhoenix. Mais l’attention médiatique dont elle a été l’objet pendant les premières semaines de l’émission relevait de l’acharnement.
Elle avait d’ailleurs remercié ses confrères « pour leur vigilance » dès le lendemain, non sans sarcasme. Seul Libération avait remis les pendules à l’heure, en critiquant à la fois le traitement problématique du Front National, et en relativisant ce qui n’était qu’une maladresse de direct :
« L’erreur méritait sans doute un gros coup de gueule dans l’oreillette, un rappel à la prudence et un bad buzz sur les réseaux sociaux. De là à mériter près de 150 «articles», leçons de journalisme et cris d’orfraie recensés pour l’instant sur cette histoire… »
– Merci Johan Hufnagel pour cet article
Maitena Biraben n’est pas la première à être dans le collimateur du dénigrement public généralisé. Dans une même veine similaire, rappelons le bashing qu’avait subi Enora Malagré, suite à une interview de Pharrell Williams qui n’était pas du goût de tout le monde, mais qui n’aurait jamais dû engendrer un tel déferlement de critiques.
À lire aussi : Cyril Hanouna, Enora Malagré et les filles faciles
Toutes ces anecdotes de bashing virant au harcèlement en ligne ont un point commun qui pique un peu : la cible semble être systématiquement une jeune femme qui réussit.
Rémi Gaillard ne relève pas le niveau
Ah oui, j’ai bien une star masculine régulièrement bashée en exemple récent, pour rétablir un peu de mixité dans ce triste palmarès des victimes de la vindicte populaire, entrainée par le bruit médiatique : Rémi Gaillard, bien sûr !
Mais la différence principale qui distingue le cas Gaillard du cas Enjoy, et de toutes les autres histoires d’acharnement public et médiatique envers les jeunes femmes qui réussissent est surtout l’élément déclencheur des polémiques.
- Maitena Biraben a eu une expression maladroite en direct
- L’interview d’Enora Malagré n’a pas plu à tout le monde
- Gwyneth Paltrow s’est prise en photo dans un sauna, en affirmant vouloir se débarrasser de la grippe
- Marion Cotillard se dit « pas féministe »
- EnjoyPheonix a recommandé un masque purifiant pour le visage à la cannelle
- Rémi Gaillard met en scène des agressions sexuelles en caméra cachée.
Ce n’est toujours pas une raison d’insulter les gens sur les réseaux sociaux, et je n’ai jamais souhaité déchaîner la haine des internautes envers Rémi Gaillard. Certaines actions méritent un peu plus de décryptage et d’attention médiatique que d’autres dans cette liste, à mon avis très humble.
À lire aussi : « Femmes contre le féminisme » : décryptage d’un paradoxe
Lorsque j’écris un article sur ses vidéos, ce n’est pas juste pour manifester mon manque d’affinité pour ses productions. C’est parce qu’il répond de façon insultante aux critiques que je prends la plume pour expliquer en quoi le terme « prude » est à proscrire. C’est parce qu’il commet une agression sexuelle et que deux millions d’internautes ayant vu la vidéo au moment où j’en prends connaissance n’ont pas vu le problème que je dénonce la banalisation de ces actes.
Le problème, c’est que lui et tous ces gens ne voient pas le problème. Le sujet, ce n’est donc pas de critiquer sa production en le traitant de « beauf », mais bien d’analyser où ça merde dans notre société pour qu’autant de gens n’aient même pas conscience de voir une séquence pénalement répréhensible.
Mon article sur Dog avait été largement repris et relayé dans la presse web, mais je n’ai pas pu lire, et c’est bien dommage, des éclairages sociologiques sur le fond du problème. En revanche, pour le masque à la cannelle d’EnjoyPhoenix, on fait intervenir une dermatologue pour étoffer l’article de l’avis d’un expert.
Et si on arrêtait vraiment l’acharnement ?
J’aurais pu citer Laure Manoudou et sa phrase sur les jeux vidéo, et tant d’autres jeunes femmes qu’Internet a raillées, insultées. Je ne peux m’empêcher de voir le point commun entre toutes ces vagues de critiques mal fondées et de haine gratuite. Qu’est-ce qui nous défrise tant dans le succès des jeunes, et plus particulièrement celui des jeunes femmes ?
Tout cet acharnement populaire, nourri par les échos médiatiques qui sont donnés à ces déferlements, attaque en réalité la légitimité de ces artistes, entrepreneuses, créatrices. Comme si elles ne méritaient pas leur succès. Mais voilà, Marion Cotillard a un Oscar, Mélanie Laurent un César, et EnjoyPhoenix a battu des records de vente avec son premier livre. Ce sont des indicateurs de leur réussite.
Le traitement qui leur est réservé au moindre écart, à la moindre erreur, est totalement disproportionné. Oui, c’est de l’acharnement. C’est du harcèlement. Et j’avoue ne pas comprendre ce qui nous autorise à déchaîner tant de haine sans réaliser que nous n’avons pas en face de nous des poupées de chiffon, que l’on pourrait maltraiter à loisir. EnjoyPhoenix elle-même le rappelle, en conclusion de son message :
« Stop, je ne suis plus en mesure d’accepter tout ça.[…] Un écran ça ne me protège pas, et je pense avoir pris déjà beaucoup de coups. »
Ironie de l’histoire, c’est notamment à travers sa vidéo sur son expérience du harcèlement scolaire que la jeune youtubeuse a été reconnue par les médias.
Je nous propose d’arrêter ce comportement inutilement violent, une bonne fois pour toutes. Qu’en pensez-vous ?
À lire aussi : John Oliver dénonce le harcèlement misogyne en ligne
Pourquoi « hate » et pas haïr, la haine, en français ?
Voici comment le Larousse définit « la haine » :
« Sentiment qui porte une personne à souhaiter ou à faire du mal à une autre, ou à se réjouir de tout ce qui lui arrive de fâcheux : Vouer à quelqu’un une haine implacable.
Aversion profonde, répulsion éprouvée par quelqu’un à l’égard de quelque chose : Haine des armes et de la violence. »
Or dans tous les exemples de phénomènes de détestation collective cités ci-dessus, on n’est pas uniquement dans « le sentiment » ou l’aversion : on est dans l’action, et c’est bien là le fond du problème.
Détester quelqu’un, qui peut vous en empêcher ? Mais exprimer cette haine, la partager, la répéter, la faire entendre continuellement, la propager, voilà le phénomène auquel on assiste de plus en plus souvent. Et il ne s’agit pas forcément « d’aversion profonde », puisqu’on pourra entendre des phrases comme « j’ai rien contre elle, mais [insérez ici propos exprimant une détestation] ».
The Urban Dictionnary définit le « hater » de la façon suivante :
« Un individu qui ne peut tout simplement pas se réjouir du succès d’une autre personne. Au lieu d’être heureux•se pour elle, il s’applique à démontrer les failles de cette personne.
« Hater », l’activité du « hater », n’est pas exactement de la jalousie. Le « hater » ne veut pas réellement être la personne qu’il « hate », il veut surtout la faire tomber de son piédestal. »
Cette définition décrit plus précisément les phénomènes auxquels on assiste sur Internet, comme ceux qui ont été développés dans cet article.
En 2013, Jack Parker nous expliquait le phénomène du « hate reading », force est de constater que deux ans plus tard, on ne se contente plus de simplement lire des contenus avec lesquels on sait par avance qu’on sera en désaccord.
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Les Commentaires
Je ne dis pas "de quoi elle se plaint ?" je dis que plus on gagne de l'argent, moins on a le sens des réalités. Et surtout, EnjoyPhoenix a merdé, oui, mais c'était vraiment une petite bourde. Les journalistes qui l'enfoncent devraient se regarder avant de parler, regarder comment ils se comportent avec celles et ceux qui contrôlent réellement notre monde : les politiques, les traders et les patrons de grands groupes. Ah j'allais oublier, si déjà on a du mal à reconnaître une erreur donc prendre ses responsabilités, dans le domaine beauté/esthétique (domaine qui ne concerne pas tout le monde directement), alors reconnaître une erreur et prendre ses responsabilités en économie, environnement, social, politique...