Le harcèlement de rue, cette épuisante banalité dont on se passerait bien, se décline également dans les transports en commun, avec cette angoissante variante : on ne peut pas « s’échapper » de l’espace, on est obligé-e-s de rester dans la rame/le wagon/le bus au moins jusqu’à l’arrêt suivant.
Mais à la différence d’une rue déserte à 4 heures du matin, dans les transports on n’est généralement pas seule. Pour autant, les témoins d’agression ou de harcèlement sexuel ne sont pas nécessairement prompts à intervenir. Déjà, parce qu’il peut être difficile de repérer une situation de harcèlement, lorsqu’elle est très discrète.
Ensuite, parce que la situation n’est pas forcément évidente, et qu’on n’est pas forcément à l’aise pour « choisir un camp ». (Une personne qui a le culot de te mettre une main aux fesses aura parfois aussi le culot de le nier avec véhémence si jamais tu l’affiches à toute la rame).
On peut ne pas intervenir parce qu’on ne se sent pas soi-même en sécurité, en confiance, que l’on soit un homme ou une femme. Le courage n’est pas génétique, il n’est pas plus présent dans les chromosomes Y que dans les chromosomes X. Et pourtant, réagir peut faire la différence entre un incident et un drame. Ce court-métrage en compétition en festival Nikon a glacé le sang de plus d’un•e d’entre nous. Entre la victime ou le témoin passif, je ne sais quelle situation me terrorise le plus.
Réagir, ça s’apprend
Une conscience collective autour des problématiques de harcèlement dans l’espace public commence à émerger, même si la route semble encore longue tant le déni et l’ignorance de certain•e•s sont manifestes. Pour preuve, ces vidéos censées jouer sur « la drague », moquer « les relous » ou encore qui méconnaissent complètement la réalité des actes dont les femmes peuvent être victimes dans la rue ou les transports. Certains développent carrément des techniques, qu’ils enseignent aux hommes, pour aborder les femmes dans la rue. (lire ci-dessous).
À lire aussi : Guillaume Pley, l’agresseur aux millions de vues (màj – sa réponse)
Plus la parole se libère, plus les témoignages de harcèlement sont nombreux à émerger, et l’on réalise à quel point ce fléau est ordinaire, commun. Même en ayant conscience de ce phénomène, même en ayant été soi-même victime de harcèlement, réagir n’est pas une évidence, et c’est absence de réflexe est bien humaine. On appelle ça l’effet témoin.
À lire aussi : Réagir en tant que témoins de harcèlement, par Projet Crocodile
Un groupe de travail en cours
La Secrétaire d’État chargée des Droits des femmes, Pascale Boistard, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve et le Secrétaire d’Etat chargé des Transports, Alain Vidalies, ont lancé conjointement un groupe de travail sur la sécurité dans les transports.
La question du harcèlement subi par les femmes dans les transports en commun fera l’objet d’une attention particulière :
« Un groupe de travail contre les violences faites aux femmes et les comportements sexistes dans les transports est créé. Il est chargé d’élaborer des propositions concrètes pour prévenir et lutter contre ces violences, pour une large sensibilisation du public, et que chacun sache réagir face à ces situations inacceptables. Il rendra ses conclusions à la fin du premier semestre 2015, lors du prochain comité. »
Et il était temps, car comme l’avait pertinemment souligné Osez Le Féminisme dans une récente action dans le métro parisien, les voyageurs sont largement sensibilisés contre tout un tas d’incivilités du quotidien, mais contre les attouchements sur les femmes ? Non.
À lire aussi : #TakeBackTheMetro encourage les femmes à se réapproprier les transports en commun
Ainsi, un petit lapin vous invite à ne pas laisser vos mains trainer sur les portes ( « tu risques de te faire pincer très fort ! »), on sait comment réagir si on repère un bagage abandonné, mais une femme seule n’est pas un colis suspect qu’il convient de manipuler avec précaution… ! De ce côté, les syndicats de transports restent muets. Des conseils pour aider à réagir, qu’on soit victime ou témoin de harcèlement dans les transports ont déjà été synthétisés et illustrés par Thomas Mathieu, l’auteur de Projet Crocodiles. Mais il n’y a pas de campagne de sensibilisation publique officielle à ce jour.
Diglee nous avait également confié son témoignage, dans lequel elle racontait son cheminement personnel, de la prise de conscience du harcèlement de rue, à sa réaction, un jour qu’elle était prise à partie par un homme en plein métro.
À lire aussi : Diglee, les harceleurs et les passagères du métro
Passons à l’action !
De notre côté, nous avons contacté le Secrétariat d’État aux Droits des femmes pour leur proposer notre concours, étant donné que c’est un sujet qui nous touche directement, qui vous touche directement, et sur lequel nous prenons régulièrement la parole, comme en témoigne la longue liste de nos articles sur le harcèlement de rue.
Et justement, toi, qu’est-ce que tu attends comme action concrète pour lutter contre le harcèlement dans les transports en commun ? Quelles sont les situations auxquelles tu as déjà été confrontée, qu’est-ce qui t’aurait aidée à réagir ? Viens partager ton expérience et réfléchir à des pistes de solution dans les commentaires !
Pour témoigner sur Madmoizelle, écrivez-nous à :
[email protected]
On a hâte de vous lire !
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
Les Commentaires
@Skjaldmö Je m'apprêtais à répondre à ton dernier message mais en fait je me rends compte que j'ai du mal à comprendre ce que tu dis. Tu parles de quels mouvements ? De quels résultats ? Personnellement j'ai l'impression que tous les mouvements féministes visent un seul et même but donc je vois mal comment tu peux dire que c'est l'un plus que l'autre qui fait avancer le shmilblick, mais soit.
Oui l'égalité va se construire avec les hommes. On cherche pas à créer un matriarcat à l'opposé de ce qu'on a aujourd'hui, on cherche un monde égal. Là on est d'accord. Mais tel qu'il est aujourd'hui, le monde fait que les hommes ont des privilèges que les femmes n'ont pas. On subit des injustices, nous sommes victimes (n'ayons pas peur du mot, ce n'est pas une tare, c'est pas un truc écrit sur le front, oui nous sommes des victimes d'un système, victimes des hommes qui profitent de ce système, c'est un fait) donc nous nous battons pour renverser ce système. Aujourd'hui, se battre, c'est faire disparaître les privilèges des hommes. On peut pas gagner une course si ceux qu'on veut rattraper ont un tour d'avance. Le seul moyen c'est qu'ils ralentissent. Donc oui on fait chier, oui, on leur met leurs injustices, leurs privilèges sous le nez et c'est pas super agréable pour eux. En effet ce serait plus sympa de dégenrer ce genre de campagne, parce que, oui, certains hommes sont victimes de dingues, homme ou femme, qui abusent d'eux. Sauf que faire ça, c'est nier que les milliers de femmes victimes d'hommes chaque jour sont la conséquence de toute une éducation sexiste, à tous les niveaux de la société depuis des millénaires. Oui quand on parle de racisme, ça me semble normal qu'on donne la parole à ceux qui le subissent chaque jour. Pareil pour le sexisme. Mais clairement on va pas fermer nos gueules parce qu'ils en ont marre de nous entendre, tu pourras passer des heures sur ce topic à débattre avec qui tu veux, on va pas te dire "ah oui peut être qu'on les emmerde, on devrait être plus gentilles". J'ai pas honte de me dire victime du patriarcat, j'ai pas honte de le combattre, et c'est pas à ceulles qui se battent pour l'égalité de baisser d'un ton.