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Vie quotidienne

Victime de harcèlement scolaire, j’ai transformé mon expérience

Cléo était victime de harcèlement à l’école. En grandissant, elle a lié son vécu et son travail en montant une pièce de théâtre sur le harcèlement scolaire qu’elle joue dans les écoles et les collèges.

Cléo a 26 ans, elle bosse dans le monde du théâtre depuis plusieurs années, et il y a quelques mois elle a monté un spectacle nommé La Traversée.

La Traversée c’est une pièce de théâtre à visée éducative pour les enfants et les adolescents. L’objectif : leur donner les armes pour prévenir et réagir face au harcèlement à l’école.

Et pour écrire cette pièce, Cléo s’est appuyée sur son expérience personnelle.

Capture d’écran 2019-06-20 à 16.10.09

Le harcèlement à l’école, une problématique autrefois banalisée

Avant d’en venir à écrire cette pièce avec l’appui de Noémie la co-metteuse en scène, il a fallu à Cléo un long cheminement pour réaliser que ce qu’elle avait vécu dans son enfance était du harcèlement.

À lire aussi : J’ai été victime de harcèlement scolaire… et je ne l’ai compris que très tard

À l’époque où elle le vivait, c’était un sujet très peu connu et très peu abordé, et elle avait la sensation qu’être la « tête de Turc » ou la victime à l’école était un passage obligé pour pleins d’enfants :

« Je ne me suis pas rendue compte avant mes 20 ou 21 ans que ce que j’avais vécu était du harcèlement.

Ma mère et moi on est un jour tombées sur un reportage complètement par hasard d’une femme qui allait dans les écoles parler de son expérience, suite à laquelle elle avait fait une tentative de suicide.

Et même si moi ce n’est pas allé jusque-là, à ce moment-là ma mère et moi on s’est spontanément dit… en fait, c’est ça. »

Cléo se décrit comme une petite fille « intello », celle qui s’entendait très bien avec les professeurs, qui était à l’aise en classe et se réfugiait facilement dans les bouquins.

Entre le CE2 et la quatrième ça n’a pas été du harcèlement quotidien, mais il y a eu plusieurs phases, plus ou moins violentes et difficiles à vivre :

« Pour moi c’est passé par pas mal d’insultes sur le physique ou sur mon côté intello. J’ai été la moche pendant un petit moment quand même…

Après il y a eu des hauts et des bas, des moments plus durs que d’autres.

C’était un sentiment latent d’être mise de côté, d’avoir l’impression de toujours chercher l’attention et l’amitié des bonnes personnes — qui étaient en fait celles qui me faisaient du mal.

Toujours essayer de faire ce qu’on attendait de moi sans que ça ne marche jamais.

Et puis l’année de la cinquième, ça a été un enfer. C’est allé jusqu’à des lettres anonymes d’insultes écrites à la main.

Moi je ne le voyais pas comme un truc grave, parce que c’était l’adolescence et que je me disais qu’il fallait bien qu’il y est quelqu’un sur qui ça tombe. Je ne le prenais pas du tout comme un truc sur lequel on pouvait agir. »

Alexis raconte ici sa propre expérience de harcèlement scolaire.

Harcèlement à l’école : des adultes peu formés

À l’époque où elle vit cette situation de harcèlement, Cléo en parle au CPE, preuves à l’appui et sachant bien qui sont les auteurs et autrices des lettres et des insultes.

Mais elle se souvient d’adultes démunis face à un phénomène banalisé et sur lequel ils n’étaient pas formés :

« Tu te rends compte que les profs sont démunis parce qu’ils ne voient pas tout, ils ne peuvent pas toujours mesurer l’ampleur du phénomène.

Par exemple moi je n’ai jamais été l’élève compliquée, en cours ça se passait très bien, j’avais toujours des gens autour de moi, des copains et des copines…

Je ne m’isolais pas au point que ce soit visible.

Je m’en suis bien sortie surtout parce que ça se passait très bien à la maison, que j’ai toujours eu un relation très complice avec mes parents et que j’ai toujours entendu que c’était eux les cons et que tout allait aller mieux plus tard. »

La plus grande chance de Cléo a été d’être toujours soutenue par ses parents et son grand frère de 10 ans son aîné, avec qui elle s’est toujours sentie à l’aise y compris pour parler de ce qu’elle vivait.

Maintenant qu’elle arpente des écoles et collèges pour jouer sa pièce de théâtre éducative, elle se rend compte qu’aujourd’hui les enfants et les adultes sont beaucoup plus sensibilisés au harcèlement à l’école :

« L’énorme changement que j’observe c’est que les enseignants sont formés à ce qu’est le harcèlement scolaire.

Parfois ils sont même « trop » formés, ils anticipent, ils parlent tout de suite d’exemple assez graves. Ils pensent tout de suite aux agressions sexuelles, aux suicides…

En tout cas, les victimes, elles, se rendent bien compte de ce que c’est, surtout les plus jeunes autour du CE2/CM1.

Avec les adolescents, ça devient plus difficile : avec la pudeur, la peur de parler de soi et d’être différents, ils ont des réactions un peu plus rigolardes et dans la distance.

La chose qui n’a pas changé par contre c’est que ça arrive encore très fréquemment parce que c’est l’âge où on apprend la vie en société.

Le fait d’être en groupe rassure, donc il y a rapidement des engrenages et des personnes qui se sentent isolées, seules contre tous.

Le harcèlement scolaire naît souvent de phénomènes de groupes, c’est rarement un enfant contre un enfant. »

La Traversée, une pièce de théâtre éducative contre le harcèlement à l’école

Depuis novembre 2018, Cléo et Noémie (co-metteuses en scène), et Yvon (comédien) contactent des écoles et collèges et proposent de jouer leur pièce de la façon la plus minimaliste possible.

Pas besoin de matériel ou de grands locaux : ils s’adaptent à tout type d’établissements et tout type de budget.

« On propose aussi des ateliers théâtres pour apprendre à reconnaître les mécaniques du harcèlement, apprendre comment faire pour en parler, comment se parler sans s’agresser, etc.

Le théâtre permet de donner des clés dans la gestion des émotions.

Dans mon cheminement artistique il y a eu un moment où j’ai eu besoin de me sentir utile. J’ai écrit petit à petit des bouts de la pièce qui ont fait ressortir des épisodes de mon vécu que j’avais complètement oublié.

Ce projet c’est beaucoup d’émotions parce que les premières fois où on a joué, quand j’avais des enfants en face de moi qui me racontaient leur relation aux autres et qui me disaient « merci maintenant je sais un peu mieux quoi faire dans telle ou telle situation »…

C’était beaucoup d’émotions qui ressortaient.

Ça me permet de faire le lien avec ce que j’ai vécu, sans le transformer en drame. C’est très agréable comme travail. »

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À lire aussi : Harcèlement scolaire : parole aux « harceleuses »

Face au harcèlement à l’école, comment réagir ?

Ce que Cléo essaye de transmettre aux élèves qu’elle croise et qui sont susceptibles d’être victimes ou acteurs de harcèlement, c’est le dialogue, et l’importance de se souvenir qu’ils sont légitimes en tant que victimes :

« Il n’y a pas de mauvaise façon de réagir face au harcèlement, c’est important de le dire. Souvent on a l’impression de rater un peu notre réponse, on se dit qu’on aurait dû dire telle ou telle chose, mais ce n’est pas grave.

La première chose c’est d’en parler, c’est ce qu’on essaye de leur apprendre : on fait la liste des personnes à qui ils peuvent en parler, que ce soit des adultes ou d’autres enfants.

On parle notamment des gens qui ne sont pas les parents et pas les enseignants : des amies, des oncles et tantes, des cousins, des parents de copains…

Des gens qui peuvent avoir un peu de recul et qui ne sont pas trop proches d’eux.

Il faut aussi se souvenir que le harcèlement est puni par la loi, qu’on n’a pas le droit de harceler quelqu’un.

Il y a aussi quelque chose qu’on oublie souvent : encourager les enfants et les ados à avoir une vie intérieure et extérieure à l’école. Il faut qu’ils aient la sensation que l’école n’est pas toute leur vie.

Quand on a 12 ans on est à l’école depuis 8 ou 9 ans et on a l’impression qu’on ne va jamais en sortir…

C’est important de se rappeler que ça va s’arrêter, qu’après l’école on fait le choix de garder contact avec qui on veut, et qu’on choisit qui on a envie de voir ou pas.

Dans mon cas le fait de faire du théâtre, de la danse, de partir en vacances, ça me permettait d’avoir une vie extérieure qui m’apportait du bonheur en dehors de l’école. »

À lire aussi : Le droit à une scolarité sans harcèlement entre dans la loi

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Les Commentaires

2
Avatar de Oceane
21 juin 2019 à 11h06
Oceane
Petite coquille ici "Depuis novembre 2018, Cléo et Noémie (menteuses en scène) ". Même si j'ai trouvé ça plutôt mignon! ça fait très sujet de philo : "Est-ce que jouer, c'est mentir?"
Bonne initiative en tout cas, la résilience passe par plein de chemins différents, mais si sur sa route on contribue à sortir les gens de situations difficiles et potentiellement dangereuses, c'est encore mieux!

Ahahaha merci !
Mon Mac n'aime pas le terme metteuse en scène il me le corrige systématiquement en "menteuse" !

Encore du chemin à faire pour la féminisation de la langue française
4
Voir les 2 commentaires

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