Publié initialement le 12 février 2013
En France, le harcèlement scolaire concernerait environ 10 à 15% des enfants et adolescents scolarisés. Selon le site du Ministère de l’Education Nationale, 15% des collégien-ne-s ne se sentiraient pas en sécurité au sein même de leur établissement scolaire. Mais les chiffres ne représentent pas une exactitude, et ils sont rares, faute d’études sur le sujet : d’une part parce qu’il y a une certaine honte chez la plupart des personnes victimes de harcèlement scolaire d’en parler, d’autre part car quand elles le font, elles ne sont bien souvent pas prises au sérieux.
Qu’est-ce que le harcèlement scolaire (ou bullying) ?
Le harcèlement scolaire est un problème sérieux qui peut arriver n’importe où, à n’importe qui, à n’importe quel moment. Il peut prendre plusieurs formes : verbal (insultes, moqueries), social (rumeurs répandues, tentative d’isoler la victime de ses pairs, humiliation), et physiques (là je pense que tout le monde voit ce que c’est). Le tout à répétition. En bref, c’est une volonté délibérée de la part de ou des agresseur(s) de nuire et de faire souffrir.
La montée des réseaux sociaux a également fait fleurir le cyberharcèlement (ou cyberbulllying), c’est-à-dire la publication de messages ou de photos diffamatoires ou dégradants sur la toile, le harcèlement par SMS, par mail… Les méthodes employées par les harceleurs sont nombreuses, mais la relation entre la/les victime(s) et l(es) agresseur(s) est toujours la même : celle d’un-e dominant-e, et d’un-e dominé-e.
Harcèlement scolaire : au commencement…
J’étais arrivée deux semaines après la rentrée dans un collège privé. Je rentrai alors en 4ème. J’ai très vite capté l’ambiance de ma nouvelle classe : une grande gueule (S.) qui n’avait plus l’âge d’être au collège depuis longtemps et qui dirigeait d’une main de maître les faits et gestes de ses bestaaahs, de quatre autres filles, et d’une quinzaine de garçons. J’ai toujours eu un tempérament d’insoumise (et encore plus à l’adolescence, période true-rebel oblige), et je voyais tout cela d’un mauvais œil.
Les choses éclatèrent vraiment deux semaines après ma venue : on était en cours de sport, et S. me cria d’une façon si détestable et autoritaire de ramasser son ballon situé à deux mètres de moi que je lui répondis sur le même ton, alors elle me gifla et je ripostai de plus belle avant d’atterrir dans le bureau de la CPE. Jusque là, rien de grave. Certain-e-s diront que, me défendre contre une fille prétentieuse, méchante et hargneuse qui ose donner des ordres à n’importe qui alors qu’elle n’a pas à le faire me rend coupable et responsable de ce qui m’est arrivé par la suite. Mais même si j’avais mal agi, c’est n’est pas normal que les choses aient pris une telle ampleur.
Le lendemain et les deux ans qui suivirent
Le lendemain, quand j’arrivai au collège, certaines personnes me regardaient de travers. Les gens de ma classe évitèrent de me parler (parce qu’être contre l’autorité de S., c’était tellement MAL). Je ne comprenais pas ce qui se passait, tout d’abord. Je ne l’avais pas vu venir. C’est dur à expliquer, parce que
c’était tellement insidieux au début. Ce n’était pas S. qui se vengeait elle-même de l’affront que je lui avais fait, mais c’était bel et bien de ses bestaaahs dont je recevais les représailles.
Elles retournèrent les gens contre moi les uns après les autres, inventant de fausses rumeurs qui circulèrent bien vite à mon sujet (par exemple, j’appris que je me droguais. Ah, d’accord.) ; des élèves d’autres classes venaient me trouver à la récréation et voulaient me frapper parce que je les avais soi-disant insultés (je ne les connaissais pas). On m’envoyait des projectiles en classe, et le destin a fait que la sortie du collège était remplie de gravats et de pierres : croyez-moi, ça fait plus mal que de simples bouts de papiers avec de la glu dessus. Je me retrouvais seule pour les projets de groupe, elles avaient réussi à m’isoler complètement. J’étais devenue le vilain petit canard, l’élément faible du groupe.
La CPE a caché et minimisé les faits devant mes parents. Qui au passage, ne m’ont jamais crue. Parce que selon eux, c’était de ma faute, j’avais provoqué tout ça, et c’était à moi de le régler : merci Papa, merci Maman… Je me retrouvai complètement seule. Parce que les élèves n’étaient pas les seuls à me faire des remarques désagréables et à se moquer de moi : il y avait mes professeurs aussi, qui m’ont saquée. Mon prof de sport, par exemple me donnait fréquemment des punitions à faire, alors que je n’avais rien fait, parce qu’il ne se faisait pas respecter alors bien sûr, j’étais la seule qu’il pouvait torturer sans avoir trop d’histoires. En deuxième position, ma prof de technologie m’humiliait fréquemment, elle aussi, parce qu’elle avait beaucoup de mal à tenir la classe. S’allier contre quelqu’un, ça resserre les liens, c’est bien connu. Tous mes profs, absolument tous mes profs, ont fermé les yeux. Les élèves ont fermé les yeux, sauf deux qui rapportaient ce que je subissais à la CPE, mais comme vous l’avez compris, ces plaintes restaient vaines.
Conséquences du harcèlement scolaire
Ça peut sembler anodin, d’un point de vue extérieur, je le conçois. Je crois qu’il faut le vivre pour le comprendre. La souffrance morale a été si dure que j’ai commencé à m’auto-mutiler. Je ne mangeais plus, je n’avais même plus le goût de vivre. À ma dépression déjà présente s’est installée une peur constante. Peur du dehors, peur des autres. J’ai du mal avec les relations sociale. Je suis restée cloîtrée chez moi pendant longtemps, mes crises d’angoisse prenant le dessus. Si elles se font rares maintenant, les cauchemars eux le sont moins. J’ai essayé de les enterrer mais mon subconscient n’est pas dupe, les traumatismes, il les fait ressortir, ce chenapan. À force d’entendre que j’étais une connasse, une salope, et j’en passe, que je ne valais rien et que j’étais inutile, j’ai fini par y croire vraiment et j’ai failli y laisser la vie. Ça s’est imprimé dans mon esprit comme une évidence : « Mais oui, puisqu’elles le disent et que personne ne proteste, alors c’est vrai, elles ont raison ».
Protester… C’est exactement pour ça que j’écris cet article. Justice n’a pas été faite. Je ne veux plus que ça arrive. C’est un peu utopique, dit comme ça, mais personne ne mérite de vivre ce genre de choses. Et on peut tou-te-s combattre le harcèlement à notre niveau. On peut tou-te-s éviter que des vies soient brisées. Ça commence par faire comprendre aux autres que harceler, moquer, ou insulter quelqu’un sans raison, c’est une bassesse morale et qu’il y a des conséquences. Il y en a toujours. S’allier contre quelqu’un, ce n’est pas « cool », et ça ne rendra personne plus fort. On peut tous intervenir quand ça se passe sous nos yeux, ne pas rester statique, parce que rompre le silence c’est ça qui fait toute la différence. Ne laissons pas le harcèlement scolaire devenir une banalité.
Pour témoigner sur Madmoizelle, écrivez-nous à :
[email protected]
On a hâte de vous lire !
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
Les Commentaires