Encore un jour se lève sur la planète France, et encore un témoignage de harcèlement de rue apparaît dans ma timeline Facebook.
Je ne suis plus surprise, mais toujours aussi soûlée de me rappeler l’ampleur de ce phénomène de société, à chaque fois qu’une amie ou qu’une parfaite inconnue partage son histoire sur les réseaux sociaux.
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Aujourd’hui, c’est le témoignage de Diglee, illustratrice et autrice de bande dessinée, qui a retenu mon attention.
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Harcèlement de rue ordinaire, circonstances…ordinaires aussi
Diglee vit à Lyon, et jeudi 28 septembre, Emmanuel Macron était en déplacement à Lyon, ce qui a donc occasionné la mobilisation d’un certain nombre d’officiers de police, de sécurité, et de CRS.
Ces mêmes CRS bloquaient l’accès au domicile de Diglee, laquelle s’est donc approchée de l’un d’entre eux pour obtenir le droit de rentrer chez elle.
Sur Facebook, elle publie le récit de cet échange, qu’elle m’a autorisé à relayer sur madmoiZelle :
« Vous lui faites votre plus beauuu sourire, et il devrait vous laisser passer »
« Pour la venue de Macron hier soir à Lyon, des camions entiers de CRS ont été mobilisés et certaines rues barrées pour la soirée.
Je voulais rentrer chez moi dans tout ce bazar, mais ma rue était bloquée. Je me suis rapprochée de trois CRS pour leur demander si je pouvais passer (j’étais à pieds).
L’un d’eux m’a répond que oui.
Puis il m’a scannée, et a rajouté, mielleux, en désignant son confrère :
« Vous lui faites votre plus beauuu sourire, et il devrait vous laisser passer. »
Suivi d’un ricanement satisfait et d’un haussement de sourcil significatif, en direction de mon corps.
Je veux dire : dans un tel contexte, comment voulez-vous que les nanas osent aller porter plainte pour harcèlement de rue, quand ceux sensés représenter l’ordre et la protection sont les premiers à faire des sous-entendus graveleux et sexistes ?
Mon gros doigt fut une réponse, me semble t’il, à la hauteur de la finesse de son commentaire. »
Objection pertinente, très cher.
Une loi contre le harcèlement de rue actuellement en projet
Depuis l’annonce de Marlène Schiappa face à Jean-Jacques Bourdin, le 12 septembre dernier, la possible future verbalisation du harcèlement de rue fait débat.
Une loi pour sanctionner le harcèlement de rue serait effectivement un symbole fort, mais à ce stade de la réflexion, de nombreux obstacles se dressent sur la voie d’une traduction concrète de ce symbole.
Un groupe de travail interministériel s’est réuni mardi 19 septembre pour démarrer la réflexion : comment, concrètement, combattre le harcèlement de rue ?
Depuis qu’on parle de harcèlement de rue sur madmoiZelle, nous avons toujours été attentives à remettre ce phénomène dans sa juste perspective : c’est-à-dire qu’il s’agit d’un problème de société, qui transcende les origines sociales, culturelles, les catégories socio-professionnelles, les différents types d’éducations reçues…
Si le harcèlement de rue est la résultante d’une certaine culture et d’une certaine éducation, elle n’a ni origine ethnique ni religion : c’est bien une culture sexiste et l’éducation transmise au sein d’une société sexiste qui produisent ce résultat.
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Mais que fait la police ? La même chose que tout le monde
Alors évidemment que la police n’est pas une exception : on trouve dans ses rangs les mêmes biais de comportements sexistes qu’à travers toutes les strates de la société, tous les milieux professionnels.
Le harcèlement des cols blancs n’est ni plus ni moins important que le phénomène de « catcalling » dans les rues de New York.
Et le sexisme intégré des policiers n’est ni plus ni moins important que celui des instits, qui ont pu travailler sur leurs propres biais en expérimentant par exemple les ABCD de l’égalité.
Contre le harcèlement de rue, l’éducation et la formation sont indispensables
C’est pourquoi, la verbalisation seule du harcèlement de rue n’a aucune chance d’améliorer la situation des millions de femmes victimes de ce phénomène en France.
C’est par la sensibilisation, la formation et l’éducation que nous viendrons à bout de cette culture.
Si les discussions de travail autour d’une hypothétique loi de verbalisation du harcèlement de rue peuvent avoir pour vertu d’identifier ce besoin de formation des forces de police à la lutte contre les violences sexistes en général, voilà qui serait déjà un progrès louable.
Quoiqu’il en soit, la France ne serait pas le premier pays à verbaliser le harcèlement de rue.
Il est puni de 60€ d’amende à Buenos Aires, et il est inclus dans la liste des «crimes haineux» punis dans le comté de Nottinghamshire au Royaume Uni.
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Les Commentaires
Pour ma part j'ai eu la situation complètement opposée, ou un soir je rentrais à pied d'une soirée, et là un mec ( de l'acabit de ceux qui pensent que complimenter lourdement une fille dans la rue est un super plan ) ne me lâchait pas. J'avais beau tracer la route il continuait à me suivre en me déblaterant un mélange de compliments et de remarques un peu plus déplacée.
Et là, une voiture de police qui s'arrête à notre niveau (en vrai je pense que les policiers ont du voir de bien loin mon regard "mais qu'est ce que je fous là / si je l'assomme à coups de pierre est ce que ça marche ?) et lui demande de venir côté fenêtre du conducteur pour lui raconter je ne sais quoi. Et le flic côté passager qui me fait signe de partir tant que l'autre débile est occupé. J'avoue que je les ai pas mal bénis sur ce coup .