Mon petit renne aurait-elle dû voir le jour ? La question est frontale, pourtant, de nombreux fans de la série se la posent, comme le rapporte The Guardian. Chez les critiques comme chez le public, la série la plus vue sur Netflix ces dernières semaines est saluée pour sa densité psychologique, son approche originale des maladies mentales et sa dénonciation des violences sexuelles.
La série est inspirée de l’histoire du comédien écossais Richard Gadd, créateur et personnage principal du programme. Son personnage, Donny, est un barman aspirant à devenir humoriste, sans succès. Un jour, il offre une tasse de thé à une femme, Martha. Ce simple geste d’empathie déclenche chez elle une obsession qui dure 3 ans, au cours desquels il recevra des milliers de mails, de lettres, de messages, et sera suivi jusqu’à son domicile et son lieu de travail. Dans la série, Gadd a montré des messages de harcèlement tirés des vrais mails ou SMS qui lui ont été envoyés.
Le problème, c’est que la série a eu un tel impact psychologique sur les spectateurs qu’elle a provoqué des conséquences humaines et juridiques sans précédent. La série a entraîné une vague d’enquêtes au sujet des les personnages sur les réseaux sociaux comme Reddit, Facebook ou X. Une réaction préoccupante pour de nombreux spécialistes.
Pourquoi ces enquêtes sont-elles nocives pour la justice ?
Dans un article qui décortique ce phénomène de prise en charge d’une enquête bien réelle par les spectateurs d’un programme fictionnalisé, The Guardian a recueilli les observations de Mark Stephens, un avocat spécialisé dans les médias. Il explique que ces enquêtes amatrices pourraient avoir des conséquences désastreuses sur le travail des vrais enquêteurs :
« Cette nouvelle culture qui consiste à essayer de résoudre un crime en s’auto-proclamant détectives sur Internet est extrêmement dangereuse. Bien sûr, les créateurs de programmes aiment dire qu’il s’agit d’une histoire vraie, mais ce n’est qu’une question de temps avant qu’une enquête ne soit ruinée par des amateurs, peut-être en détruisant une scène de crime ou en endommageant des preuves.
« Martha » et « le producteur » pris d’assaut
Ces inquiétudes ont surgi après que les utilisateurs se sont lancés dans une traque contre la véritable Martha, qui a reçu une vague d’insultes et de menaces de mort. Elle a annoncé qu’elle porterait plainte pour diffamation contre Netflix et Richard Gadd. Jessica Gunning, qui joue la stalkeuse a exhorté les fans d’arrêter d’essayer de retrouver cette femme. « C’est vraiment très dommage, car cela montre qu’ils n’ont pas regardé la série correctement » a-t-elle déploré, comme le rapporte The Guardian.
Mais Martha n’est pas la seule cible de cette traque. Sur les réseaux sociaux, des utilisateurs ont développé la théorie selon laquelle le but de la série est de montrer que le vrai coupable n’est pas Martha mais « Darrien« , un homme puissant dans le monde du divertissement ayant agressé sexuellement Richard Gadd. Le personnage a beau avoir été changé dans la série, les spectateurs ont passé la carrière de Gadd au peigne fin pour deviner qui était cet homme. Leurs recherches les ont amenés à l’acteur, scénariste et réalisateur nominé aux Tony awards, Sean Foley. Ce dernier a lui aussi annoncé qu’il avait porté plainte :
« La police a été informée et enquête sur tous les messages diffamatoires, abusifs et menaçants à mon encontre. »
Vers un avertissement « ne menez pas l’enquête » au début d’une série ?
Pour Mark Stephens, les créateurs de série et les plateformes doivent prendre des mesures radicales pour qu’un tel phénomène ne se reproduise pas. Après les messages d’avertissement qui annoncent un « Toute ressemblance avec des faits et des personnages existants ou ayant existé serait purement fortuite et ne pourrait être que le fruit d’une pure coïncidence », ou encore « déconseillé aux plus sensibles », l’avocat suggère :
« Peut-être sommes-nous arrivés au stade où le divertissement policier tiré d’une histoire vraie doit être précédé par un avertissement : S’il vous plaît, n’enquêtez pas vous-même.
Les créateurs de ces programmes devront peut-être aussi aller plus loin pour changer les personnages, en modifiant beaucoup leur identité et pas seulement les noms. »
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