C’est d’abord une enquête du magazine So Foot qui a ouvert le bal début septembre en révélant notamment des sms du président de la Fédération française de football Noël Le Graët.
Le dirigeant aurait une fâcheuse tendance à harceler des collaboratrices : « Je préfère les blondes, donc si ça vous dit », « vous êtes drôlement bien roulée, je vous mettrais bien dans mon lit », voilà quelques exemples de messages totalement inappropriés dans le cadre professionnel qu’il aurait adressés à des femmes salariées de la FFF.
Un harcèlement et une ambiance délétère qui aurait engendré les départs de plusieurs d’entre elles.
Même après une condamnation en 2021 à verser des dommages et intérêts à une ancienne employée harcelée sexuellement par son supérieur, la fédération n’a pas daigné s’occuper du sexisme qui la gangrène de longue date. La justice avait établi que l’organisation avait manqué « à son obligation en matière de lutte contre des agissements de harcèlement sexuel ».
Harcèlement, chantage, relations sexuelles avec des mineurs : quand la FFF détourne le regard
Quelques jours plus tard, un autre média en a remis une couche : Josimar Football, site norvégien, a à son tour publié une enquête sur les agissements internes à la FFF sobrement intitulée « 40 ans de silence ». Elle est signée d’un journaliste indépendant français, Romain Molina, et met en lumière la façon dont la fédération a couvert des accusations d’abus, de chantages et de harcèlement sexuel pendant des décennies.
Une enquête qui concerne un système entier plutôt que des personnes, insiste le journaliste d’investigation, puisque certains mis en cause ne sont plus en fonction depuis longtemps.
Mais le silence, lui, perdure : « On fait l’autruche et on va déplacer le problème », résume Romain Molina.
Les plaintes pour abus sexuels, harcèlement et comportements inappropriés concernent notamment des mineurs. L’enquête évoque par exemple le cas d’une entraîneuse, Angélique Roujas, qui aurait été congédiée du centre de Clairefontaine en 2013 pour avoir eu des relations sexuelles avec des joueuses mineures, des allégations qu’elle conteste.
Une femme témoigne anonymement, affirmant avoir été victime d’Angélique Roujas : « Je sais ce qu’il s’est passé et je sais à quel point ça a été dur de me reconstruire. Même aujourd’hui, je ne peux pas en parler publiquement car c’est douloureux et je ne suis pas sûre d’être soutenue. J’en ai parlé à des cadres supérieurs à l’intérieur de la fédération, y compris Brigitte Henriques, la vice-présidente à l’époque, mais que s’est-il passé ? Rien. Ils n’ont rien fait. »
Plusieurs témoignages déplorent le manque de réactivité de la FFF pour protéger les joueuses du centre. Le cas d’un autre entraîneur est aussi au cœur de l’enquête. David San José a été renvoyé de Clairefontaine en 2020 pour des comportements inappropriés à l’égard d’un adolescent.
Une nouvelle affaire de chantage sexuel, et toujours la gestion calamiteuse de la FFF
Dans un nouveau volet de son enquête publié ce 21 septembre, Romain Molina révèle le chantage sexuel auquel se serait adonné un ancien responsable de la commission des arbitres de la ligue de Paris Ile-de-France, Daniel Galetti. Il a été relevé de ses fonctions en juillet 2022.
Une de ses victimes témoigne :
« Il choisissait soigneusement les arbitres qu’il pouvait attirer dans son jeu. Si on mordait à l’hameçon, il commençait à faire des cadeaux. Quand on est arbitre, on a envie de siffler de grands matchs. Et pour ça, il faut de bonnes notes. Galletti pouvait nous donner de bonnes notes et des recommandations pour monter les échelons. Mais c’était à certaines conditions. »
Comme face à d’autres affaires similaires, la FFF a géré l’affaire en interne et n’a pas émis de signalement au Procureur de la République, comme elle en a pourtant l’obligation selon l’article 40 du Code pénal.
À quelques mois d’un Mondial déjà sous tension au Qatar, ces enquêtes montrent la puissante FFF sous un jour bien peu reluisant. Quelles conséquences ces révélations vont-elles avoir pour elle ? Suite à l’enquête de So Foot, elle a annoncé avoir porté plainte pour diffamation. Noël Le Graët et Florence Hardouin, directrice générale de l’organisation, ont été convoqués par la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra. Une mission d’audit et de contrôle doit être engagée en interne.
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