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Source : Instagram / toomuchlucile2
Société

Harcelée et menacée de mort depuis 2 ans, ma vie est devenue une traque sans fin

Depuis près de 2 ans, la vie de Lucile est devenue un cauchemar. Harcelée, menacée de mort et de viol par un stalker, elle vit dans la crainte que ce dernier ne s’en prenne à elle ou à ses proches. Aujourd’hui, alors que son harceleur a une nouvelle fois tenté de s’introduire chez elle, elle prend la parole pour que la justice prenne la mesure du danger qu’il représente et réagisse enfin.

Mon harcèlement a débuté en juin 2021 par un simple message d’insultes sur Instagram, venu de quelqu’un que je ne connaissais pas.

Je ne l’ai pas pris au sérieux et ai décidé de répondre par la dérision. Après cette discussion, je n’ai plus eu de nouvelles durant un mois. Puis du jour au lendemain, ce garçon a commencé à m’envoyer de nombreuses vidéos de lui où il me donnait des rendez-vous comme si on se connaissait et qu’on avait prévu de se voir. Il disait me chercher. Il ne m’insultait pas, mais je préférais ne pas répondre. 

Ma plainte n’a pas été prise au sérieux

C’est à ce moment-là que les menaces sont arrivées. Bien que je bloquais tous ses comptes, il en recréait toujours, sur tous les réseaux, m’envoyait des dizaines et des dizaines d’e-mails. J’ai reçu de la part d’une quarantaine de comptes différents des menaces de mort, de viol, des vidéos de lui avec un couteau à la main et des vidéos de lui dans ma ville, où il cherchait mon adresse. Lorsqu’il a commencé à menacer ma famille, j’ai porté plainte.     

Mais je n’ai pas été entendue. Au commissariat, le policier qui a pris ma plainte ne m’a pas prise au sérieux, n’écoutait pas ce que je lui disais, trop occupé à rire parce que j’avais mis mon masque à l’envers. Il a finalement pris ma plainte, mais n’a regardé aucune des preuves que je lui montrais. 

Une semaine plus tard, en août 2021, alors que le policier n’avait même pas consulté les nombreuses preuves que je lui avais transmises, j’ai décidé de faire mon premier thread sur Twitter. C’est grâce à cela que les choses ont vraiment bougé. Mon harceleur a écopé de 2 ans de prison avec sursis probatoire (le sursis probatoire est un mode de personnalisation de la peine : lorsqu’il prononce une peine d’emprisonnement, le juge peut décider qu’il sera sursis à son exécution sous réserve que le condamné respecte durant un certain temps (délai d’épreuve) un certain nombre d’obligations qu’il fixe).

Mais ça ne l’a pas empêché, une semaine plus tard, de menacer un de mes amis avec un couteau. Alors qu’il m’attendait devant une station de métro à Paris, il lui a dit :

« Je vais tous vous planter, toi et Lucile ».

Suite à cette attaque, et suite à la pression médiatique qu’a engendré ma prise de parole sur Twitter, il s’est rendu à la police, et a enfin été condamné à 8 mois de prison ferme. À ce moment-là, j’ai été soulagée. Je me doutais que ce n’était pas la fin de son harcèlement, mais j’espérais avoir un peu de répit.

« Je serai toujours dehors, je fais ce que je veux » 

Mais mon harceleur est sorti au bout de 3 mois seulement, et une semaine seulement après sa sortie, le harcèlement a recommencé, de manière encore plus virulente.

Il m’envoyait des messages extrêmement violents tels que : « Je ne vais pas me laver jusqu’à ce que je te trouve pour que tu te sentes sale toute ta vie », « Je vais te balafrer et t’enceinter », « Je vais brûler ta fac et ta maison », « Je vais te décapiter ». Il proférait également des menaces envers mon petit frère de 14 ans telles que : « Je vais le séquestrer, je connais son collège », « Si c’est pas toi qui vas prendre, c’est lui ». Il l’a aussi menacé de viol. 

Mon frère et moi avons tous les deux porté plainte. Il a cette fois-ci écopé d’un an de prison ferme. En novembre 2022, lors de son 10e mois de prison, j’ai été convoquée par la police, car il avait passé un appel en prison menaçant envers moi. Dans cet appel, il disait :

« La seule chose qui me donne le sourire et qui fait que je ne me suicide pas, c’est que je sais qu’en sortant je vais pouvoir la tuer ».

J’ai encore porté plainte, mais ça ne l’a pas empêché de sortir de prison une semaine après. Je n’ai à ce jour pas de nouvelles de cette plainte.

Ma vie est devenue une traque sans fin

À sa sortie en novembre 2022, mon harceleur a commencé à communiquer avec une fille et à lui raconter tout ce qu’il comptait faire. Il lui a expliqué que grâce au jugement, il avait ma nouvelle adresse à Paris, où j’habite seule avec mon copain, qu’il connaissait le magasin où je travaille et qu’il comptait s’y rendre pour me parler « dans une ruelle sombre », selon ses dires. 

Par la suite, quand il a appris que j’avais un copain, il est devenu totalement fou :

« Je vais les planter à la gorge et au cœur en 1 minute, ils auront aucune chance. »

En raison de ces menaces, je ne pouvais plus rentrer chez moi, j’ai dû loger plusieurs nuits à l’hôtel, puis je suis partie dans le sud chez mes grands-parents pour trouver un appartement. J’ai été contrainte d’arrêter de travailler au magasin, car il dit y faire des rondes. Ma vie est devenue une traque sans fin. J’ai porté encore plainte pour ces faits, ma plainte a été classée sans suite. 

En février 2023, j’ai emménagé dans mon nouvel appartement avec mon copain. Je n’ai alors plus de ses nouvelles, car il sait que s’il m’envoie un message, il retournera en prison. Il attend maintenant de passer directement à l’acte. N’ayant plus mon adresse, il a attendu que je vienne passer un week-end chez mes parents pour tenter de m’atteindre physiquement.

Cette personne est un danger pour moi, mais aussi pour la société

Ce jour-là, le dimanche 26 mars 2023, il a essayé de s’introduire chez mes parents alors que j’étais dans la maison. Il a tenté à plusieurs reprises de me voir en se cachant derrière des voitures, mais a été prié par un voisin de quitter les lieux. Il a dit être mon oncle et demandé à voir mon père et à me parler. Lorsque mon père lui a parlé, mon harceleur a gardé sa main dans sa poche, comme s’il dissimulait une arme. Mon père a heureusement eu le temps d’appeler la police, qui a fini par le rattraper. 

Mon père et moi avons une nouvelle fois déposé plainte. Interpellé, mon harceleur a été déféré devant le parquet de Pontoise et a été placé en détention provisoire avant son jugement.

Aujourd’hui je me bats toujours pour que mon harceleur soit emprisonné. C’est pour ça que j’ai décidé à nouveau de médiatiser mon histoire. Je ne comprends pas comment avec une mesure d’éloignement, du sursis et ses nombreuses récidives, il puisse encore être en liberté. Cette personne n’est pas seulement un danger pour moi, mais également pour toute la société, et plus particulièrement les femmes. Désormais, je vis dans la peur qu’il trouve ma nouvelle adresse, je limite au maximum mes sorties, je ne sors jamais seule et je garde les volets fermés chez moi pour ne pas être visible de dehors. 

J’espère pouvoir faire bouger les choses et informer sur la gravité que peut avoir le cyberharcèlement et la manière dont la justice française a tendance à ne pas prendre au sérieux les femmes. Des milliers de femmes en France portent plainte des dizaines et dizaines de fois pour être renvoyées chez elles et au final mourir. Aujourd’hui, j’ai envie que ça change.

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Les Commentaires

32
Avatar de Chamb
7 avril 2023 à 08h04
Chamb
J'ai l'impression qu'il y a un malentendu de vocabulaire dans la conversation. Lorsqu'on parle de troubles psy s'agit-il exclusivement des pathologies psychiatriques traitées via médicamentation ou inclue-t-on aussi les troubles de la personnalité (sadique, antisociale...) potentiellement réductibles via des thérapies comportementales etc ?
p.s : "C'est aux institutions de s'adapter aux maux de la société". Je plussoie !
4
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