Cette semaine, nous n’allons pas nous intéresser à un sport en particulier, mais plutôt à une pratique sportive si peu évoquée dans les médias : le handisport.
Qu’est-ce que le handisport ?
Le handisport regroupe les sportifs atteints d’handicaps physiques, d’handicaps sensoriels (surdité) ou d’handicaps mentaux.
En France, deux fédérations dirigent ces sportifs : la Fédération Française Handisport, créée en 1954 et regroupant les sportifs handicapés physiques et sensoriels (25 000 pratiquants) et la Fédération Française du sport adapté, créée en 1971, s’occupant des sportifs handicapés mentaux (42 000 licenciés).
La plupart des sports « valides » sont parfaitement adaptables pour le handisport (basket, escrime, tennis, rugby… se pratiquent en fauteuil roulant par exemple), mais certains sports sont créés uniquement pour le handisport, comme le goal-ball (pour les déficients visuels, qui se pratique en équipe de 3, avec un ballon sonore).
Voici un exemple de match de tennis handisport en double lors des Jeux Paralympiques de Pékin, France-Suède :
Au niveau international, les Jeux Paralympiques regroupent les sportifs handicapés physiques et visuels et ont lieu la semaine suivant les Jeux Olympiques valides, sur les mêmes complexes sportifs. Les sportifs sourds (moins de 55 décibels d’audition) participent aux Deaflympics qui ont lieu tous les 4 ans. Enfin, les sportifs handicapés mentaux prennent part aux Jeux Olympiques Spéciaux, ouverts aux athlètes de 8 à 80 ans. Ces derniers ont été créés par Eunice Kennedy Shriver, une des soeurs de John F. Kennedy, en 1968. Leur devise : Donnez-moi l’occasion de gagner. Mais si je n’y arrive pas, donnez-moi la chance de concourir avec courage.
Qu’en disent les madmoiZelles qui pratiquent ?
Audrey, Émilie et Kathy seront nos interlocutrices privilégiées : toutes trois médaillées dans divers championnats et Jeux Paralympiques, elles ont accepté de répondre à mes questions pour nous éclairer un peu plus sur le handisport.
Audrey Le Morvan
Qui est-elle ? Audrey a 23 ans et pratique le tennis de table depuis 15 ans dont 11 ans de pratique en handisport, licenciée au Tennis de Table Club Nantes Atlantique section Handisport et à l’AJK Vannes en valide. Audrey est née avec une agénésie du membre supérieur gauche : il lui manque l’avant bras gauche et le petit doigt de la main droite.Son palmarès : médaille de bronze par équipe aux Jeux Paralympiques d’Athènes en 2004 et de Pékin en 2008. Médaille de bronze au championnat du Monde en 2006. Médaille d’argent au championnat d’Europe en 2007.
>> Comment t’es venue la passion pour le tennis de table ?
J’ai commencé par faire de la gymnastique (pas vraiment adapté au handicap) puis du foot (on était 2 filles, pas très motivant pour continuer) et quelques mois d’athlétisme (je n’ai pas été intégrée dans le groupe par les autres athlètes). Par hasard, lors d’une initiation en CE2, on a fait du tennis de table et ça m’a plu tout de suite. Dans mon moignon je pouvais tenir une balle de tennis de table. J’ai donc commencé dans un club à l’âge de 8 ans.
>> Évolues-tu dans un club « normal » ou un club spécialisé dans le handisport ?
Je m’entraine dans un club valide, avec des valides. Au début, il y avait pas mal de regards, mais pas méchants, plutôt de la curiosité. Il existe des clubs handisports multisports, mais aussi des sections handisport dans des clubs valides, ce qui est le cas dans le club de Nantes : il y a des séances dédiées aux personnes handi car le tennis de table est un sport qui est accessible à de nombreux handicaps.
>> Différencie-t-on des catégories de handicaps au sein du tennis de table handisport ?
En tennis de table, il y a 10 classes. De 1 à 5 ce sont les fauteuils et de 6 à 10 ce sont les sportifs debouts. Plus le handicap est élevé plus la classe est petite. Vu mon handicap, je suis classe 10.
>> Rencontre-t-on des difficultés particulières en étant étiquetée athlète « handisport » ? Les préjugés sont-ils tenaces ?
Il n’y a pas forcément d’étiquettes, mais ça intéresse moins médiatiquement. Le handisport est de plus en plus reconnu, en dehors des médias, les personnes nous reconnaissent sportifs de haut-niveau et sont mêmes impressionnées par ce qu’on peut faire.
>> Quelles sont les qualités nécessaires à la pratique du tennis de table ?
Pour pratiquer le tennis de table il faut être réactif, avoir une certaine résistance physique, les matchs sont assez courts, mais les points peuvent être très intenses. Il faut être tonique sur les jambes, rapide et avoir de bons réflexes.
>> Quelles sont les valeurs que t’ont appris ce sport ?
Ce sport m’a permis de voir que j’avais un petit handicap par rapport à d’autres. Et qu’il est possible de vivre comme tout le monde. J’ai appris à vivre dans un groupe, à me surpasser.
>> Comment se déroulent les qualifications aux Paralympiques ?
Suivant les classes de handicap il y a un certain nombre de personnes qui sont qualifiées. Dans toutes les classes, il y a le champion d’Europe, d’Afrique, d’Amérique et d’Asie qui est qualifié. Les autres joueurs sont qualifiés en fonction de leur classement mondial. Par exemple dans ma classe de handicap il y a seulement 8 qualifiés au niveau mondial, il y a une championne d’Europe et une championne d’Asie. Il y a aussi une wild-card (carte d’invitation), il reste donc 5 places au classement mondial pour être qualifié.
>> Quelle est l’ambiance générale qui y règne ?
En équipe de France, l’ambiance est bonne, il y a pas mal de soutien entre les athlètes. Pour ma part c’est comme une deuxième famille, on vit tellement de choses ensemble, les stages, les compétitions…
>> Quel est ton ressenti par rapport à la très faible couverture médiatique des Paralympiques et du handisport en général ?
Le handisport et les Jeux Paralympiques sont de plus en plus médiatisés, ce qui est bien, mais toujours pas assez. Ce qui est dommage c’est que le public est preneur et même impressionné par les compétitions handisports.
>> Quelles sont les chances françaises aux JO de Londres en tennis de table (valides et handisport) ? Te sens-tu en confiance pour ta troisième participation aux JO ?
Je ne connais pas trop les chances françaises aux Jeux Olympiques, je crois qu’il y a une fille et un garçon de qualifiés pour le moment, mais les sélections valides ne sont pas encore terminées.
Concernant les Jeux Paralympiques, l’idéal pour l’équipe de France serait de faire comme à Pékin en 2008 : terminer n°3 mondial. Tous les athlètes français étaient rentrés avec une médaille, toutes les équipes engagées ont fait un podium.
Pour ma troisième participation, j’aimerais faire aussi bien que lors de mes deux derniers Jeux Paralympiques : gagner une médaille en équipe. Concernant la médaille en individuel, ce serait énorme, les filles dans ma catégories sont très jeunes et progressent très vite, je progresse toujours mais la compétition sera très difficile.
Émilie Gral
Qui est-elle ? Émilie a 25 ans et pratique la natation depuis le plus jeune âge, licenciée au club de Millau (Stade Olympique Millavois). Émilie est atteinte d’une malformation congénitale de l’avant bras gauche.Son palmarès : 4ème (200m 4 nages et 100m papillon) aux Jeux Paralympiques d’Athènes en 2004, médaille de bronze (100m papillon) au championnat du Monde 2006, 5ème (200m 4 nages) aux Jeux Paralympiques de Pékin en 2008, médaille d’argent (200m 4 nages) au championnat d’Europe 2009, médaille de bronze (100m dos) au championnat d’Europe 2011.
>> Comment t’es venue la passion pour la natation ?
J’ai commencé la natation très tôt dans un club valide, je faisais quelques compétitions avec mon club et j’ai été détectée pour faire un circuit en handisport, et depuis je n’ai toujours pas décroché !
>> Évolues-tu dans un club « normal » ou un club spécialisé dans le handisport ?
Je nage dans une structure valide où les dirigeants ont demandé une affiliation handisport à mon arrivée dans le club. La cohabitation est assez facile : j’ai exactement les mêmes entrainements que les sportifs valides sauf quand nos planifications de compétition sont différentes. Je n’ai pas un handicap trop important et cela ne demande pas une très grande adaptation de la part de mon entraineur.
>> Différencie-t-on des catégories de handicaps au sein de la natation handisport ?
Au niveau de la natation nous avons 10 catégories de handicaps physiques, 3 catégories de handicaps visuels et 1 catégorie de handicap auditif. Je suis dans la catégorie S9, S correspondant à mon style de nage (S = nage libre, le dos et le papillon, SB = brasse, SM = quatre nages individuelles).
Finale du 100m dos au championnat d’Europe 2011 où Émilie a obtenu la médaille de bronze :
>> Rencontre-t-on des difficultés particulières en étant étiquetée athlète « handisport » ? Les préjugés sont-ils tenaces ?
Il est vrai qu’il existe certains préjugés en ce qui concerne le handisport mais petit à petit les barrières tombent et on fait du sport de haut niveau à part entière, il existe tout de même quelques différences, la reconnaissance, le manque de sponsors…
>> Quelles sont les qualités nécessaires à la pratique de la natation ?
La natation est un sport très difficile qui demande de longues heures d’entrainements pour progresser de quelques centièmes. Il faut être concentré, avoir de l’endurance, des qualités de vitesse, de la souplesse, il faut également être tactique sur certaines courses.
>> Quelles sont les valeurs que t’ont appris ce sport ?
Le sport en général est une grande école de la vie, il apporte des notions de respect (de soi et d’autrui), de partage, d’écoute, c’est un bon moyen d’intégration. Il nous apporte énormément de connaissances sur soi, sur comment marche notre corps. La natation m’a permis de m’affirmer, d’accepter et de surpasser mon handicap.
>> Quel est ton ressenti par rapport à la très faible couverture médiatique des Paralympiques et du handisport en général ?
J’espère qu’un jour on verra des courses paralympiques en direct à la télé et que les enfants seront capables de citer un nom d’un athlètes handisport mais ce n’est pas encore pour demain…
Kathy Laurent
Qui est-elle ? Kathy a 35 ans, et pratique le basket depuis plus de 15 ans au Club Handisport Forézien (Feurs à 50 km de St Etienne). Kathy a une malformation de la rotule combinée à une hyper laxité ligamentaire : pour simplifier, son genou droit est instable.Son palmarès : 2 fois vice-championne de France N2 avec mon club, 2 fois championne de France et 4 podiums en Coupe de France avec la sélection régionale féminine, 4ème au dernier championnat d’Europe avec l’équipe de France féminine et une place qualificative pour Londres 2012.
>> Comment t’es venue la passion pour le basket en fauteuil ?
J’ai toujours aimé le basket, j’ai pratiqué de nombreux sports (individuels ou collectifs) mais je suis toujours revenue à ma première passion. Lors de mes études, j’ai découvert le basket fauteuil grâce à un stage avec l’Entente Feurs-St Etienne, club que je n’ai pas quitté depuis. J’ai commencé en tant que « valide » et suite à mes problèmes d’articulation j’ai poursuivi en tant que joueuse handicapée minimum.
>> Évolues-tu dans un club « normal » ou un club spécialisé dans le handisport ?
J’évolue depuis mes débuts au Club Handisport Forézien, Club Handisport Basket affilié à la Fédération Française Handisport (il existe à peu près 160 structures identiques en France) . Malgré cela, il a tout de même fallu un certain temps d’adaptation, puisque cette expérience nécessitait une bonne cohabitation entre athlètes handicapés et athlètes valides. Quand je suis arrivée au club en 1997, j’ai considéré que j’avais deux « handicaps » : j’étais valide dans un milieu exclusivement handicapé et j’étais une fille dans un milieu masculin… Malgré cela j’ai été très bien accueillie et je n’ai jamais ressenti d’hostilité à mon égard !
>> Différencie-t-on des catégories de handicaps au sein du handisport ? Une fédération existe-t-elle ?
En France, deux structures gèrent le sport pour handicapés : la Fédération Française de Sport Adapté (pour les handicapés mentaux, troubles de la conduite et du comportement) et la Fédération Française Handisport (pour les handicapés physiques et sensoriels).
Dans chaque discipline, un système de classification est mis en place pour catégoriser les handicaps. Au niveau du basket, la classification est la suivante :
Selon la nature du handicap, il est attribué à chaque joueur un nombre de points (de 1 à 5 avec des 1/2 points possibles, selon leur handicap). Le maximum de points autorisés pour les 5 joueurs en jeu sur le terrain doit se situer entre 14,5 et 16 points au niveau national et ne doit pas excéder 14 points au niveau international.
>> Rencontre-t-on des difficultés particulières en étant étiquetée athlète « handisport » ? Les préjugés sont-ils tenaces ?
Ayant un handicap minimum qui ne se voit pas dans la vie quotidienne, c’est plutôt l’inverse qui se produit. Les gens sont étonnés quand je les informe de ma discipline : pourquoi je pratique le basket en fauteuil alors que je peux marcher ? Quand ils me voient pratiquer et que je souhaite leur faire partager mon expérience, les plus jeunes sont emballés mais les anciens restent réticents et pensent encore que se mettre dans un fauteuil porte malheur…
>> Quelles sont les qualités nécessaires à la pratique du basket en fauteuil ?
À quelques exceptions près, les mêmes que pour le basket valide : des qualités athlétiques, (surtout au niveau des membres supérieurs et du tronc), de l’adresse, de la vivacité d’esprit et une bonne vision du jeu
>> Quelles sont les valeurs que t’ont appris ce sport ?
Le sens du collectif, le respect (des règles, de l’arbitre, des adversaires et partenaires) et l’abnégation.
>> Comment se déroulent les qualifications aux Paralympiques ?
Onze filles ont participé au Championnat d’Europe en septembre 2011, qualificatif pour Londres. La douzième n’a pu venir pour raison médicale.
Depuis la reprise des stages, le sélectionneur a souhaité élargir le groupe pour voir de nouvelles joueuses et apporter un peu de concurrence afin que chacune donne le meilleur d’elle-même jusqu’à l’annonce officielle de la sélection qui aura lieu le 4 juillet 2012. Le programme est chargé jusqu’au Jeux Paralympiques de Londres, puisque les joueuses sont réunies tous les mois, pour un stage d’entrainement de 4 jours ou des rencontres internationales.
>> Quelle est l’ambiance générale qui y règne ?
En janvier 2010, un nouveau staff a été mis en place à la tête de l’équipe féminine handisport basket. De nouvelles joueuses ont été appelées à participer aux stages d’entrainements et certaines anciennes ont souhaité lever le pied pour raisons familiales.
Le nouveau sélectionneur Pascal Montet a travaillé plus d’un an et demi pour constituer un groupe solide en vue du championnat d’Europe de l’année dernière, mais surtout pour la qualification au Jeux Paralympiques de Londres. L’ambiance dans le groupe n’a jamais été aussi bonne, nous sommes toutes soudées et regardons dans la même direction : Londres !
>> Quel est ton ressenti par rapport à la très faible couverture médiatique des Paralympiques et du handisport en général ?
Je suis dans le milieu depuis un bout de temps et j’ai réellement vu une évolution de l’intérêt des médias et des pouvoirs publics pour le Handisport.
Il est vrai que la couverture médiatique en France reste faible en comparaison avec d’autres pays (Canada, États-Unis, Allemagne) mais le temps d’antenne, notamment au moment des Jeux Paralympique, est passé d’un « gros rien » à un résumé quotidien de 3 minutes sur France Télévision à une heure de grande écoute (vers midi) et à plusieurs émissions sur les chaines de la TNT ou du câble. Ce n’est pas encore ça, mais ça progresse…
>> Quelles sont les chances françaises aux JO de Londres en basket (valides et handisport) ? Te sens-tu en confiance pour ta première participation aux Jeux Paralympiques ?
Elles sont, quoiqu’il arrive, plus importantes que pour les Jeux de Pékin en 2008, vu que ni les équipes valides (hommes & femmes), ni les équipes handisport (hommes & femmes) ne s’étaient qualifiées… Actuellement les équipes de France masculine valide et féminine handisport sont qualifiées pour les Jeux de Londres. Il reste encore beaucoup de travail à faire pour que je me sente en confiance.
De plus la sélection n’étant toujours pas annoncée, je ne peux pas me projeter. Comme tout athlète en préparation, je dois encore m’entrainer dur pour être sélectionnée et toucher du doigt mon rêve !
Infos et liens
- Fédération Française Handisport
- Fédération Française du Sport Adapté
- Les Jeux Paralympiques de Londres 2012
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Les Commentaires
Ce serait en effet un réel progrès en terme de médiatisation parce qu'avouons le même si certains magazines télévisés spécialisés en parlent ça reste largement caché (et le terme est volontaire)
En tout cas merçi à Madmoizelle de mettre l'accent sur cette pratique sportive loin d'être marginale