Maria est originaire de Sibérie, plus précisément de Krasnoiarsk ! Elle nous parle aujourd’hui du style de vie Russe, parfois très loin des clichés traditionnels. Plongée en plein coeur du pays !
— Publié initialement le 23 février 2011
Quand j’annonce que je suis sibérienne, on me répond en général trois mots : « froid, vodka et ours ». Et on s’étonne, on se demande pourquoi je ne suis pas blonde et ne fais pas 1m80. Il est donc temps de détruire (ou pas) les clichés, en vous parlant un peu de la vie quotidienne en Russie en général, et dans ma ville d’origine en particulier : Krasnoiarsk, environ 900 000 habitants.
Une Russie multi-culturelle
D’abord, la Russie est un pays où cohabitent de nombreux peuples. Donc tous les Russes ne sont pas grands et blonds, loin de là ! À peu près tout le monde parle russe, mais il y a de nombreuses minorités dont les membres parlent entre eux une autre langue. Tout le monde n’est pas chrétien orthodoxe, par exemple il y a des musulmans, à la fois en majorité dans des régions au sud du pays (Tchétchénie), et partout ailleurs au sein de peuples qui ont « toujours » été là (comme les Tatars), et au sein d’immigrés de pays d’ex-URSS d’Asie Mineure (Tadjikistan, Uzbekistan…).
Malheureusement, nationalisme et racisme existent et se font sentir. Toute la population n’est pas raciste, mais beaucoup utilisent par exemple le terme péjoratif de « non-russes » [?????????] pour désigner avec mépris tous les musulmans ou Chinois. Peut-être est-ce à lier avec le déclin démographique de la Russie, et donc la peur des Russes de voir leur culture diluée. Malheureusement, les comportements provoqués par ce genre de raisonnements sont rarement constructifs, et plutôt violents (il y a eu des meurtres d’immigrés en décembre dernier).
Le cliché météorologique, les ours et la campagne Russe
Tout le monde pense qu’il fait froid en Sibérie. Mais c’est avant tout une région immense, très étendue, avec par conséquent des climats variés, avec une dominante continentale, c’est à dire plutôt sèche, et des différences de température très importantes entre l’été et l’hiver. Ainsi, chez moi, l’hiver la température peut descendre jusqu’à -40°C… comme l’été elle peut monter jusqu’à +40. Donc quand je rentre chez moi, le manteau en fourrure dans la valise, c’est uniquement pour l’hiver ; pour l’été c’est la collection de maillots de bain !
La ville est sous la neige environ cinq mois par an, la pire période de l’année étant à mon avis non pas l’hiver (bien habillé on le supporte très bien), mais l’arrivée du printemps, avec la fonte des neiges, où alternativement on patauge dans la gadoue et on se casse le nez sur le verglas. Heureusement, cela ne dure pas trop longtemps, entre deux semaines et un mois par an.
La même gare, vue l’hiver et l’été
Et effectivement, il y a des ours dans la Taïga, et la plupart des gens s’imaginent que ce sont des ours blancs… Mais non, les ours blancs vivent sur la banquise, c’est à dire sur la glace, et non sur la terre ferme! La Taïga est une forêt de conifères, et on n’y trouve donc que des ours bruns.
Les ours ne sont pourtant pas intégrés à la vie quotidienne (certains Moscovites imaginent que les Sibériens prennent le bus avec des ours), pour la simple raison que la Sibérie, c’est 70% de population urbaine, et que les ours ne rentrent en général pas dans les villes.
Car en Sibérie la plupart des gens vivent en ville, en appartement. Il y a certes des cabanes en bois traditionnelles à la campagne, mais c’est souvent un héritage de famille où on va passer les week-ends. L’été on peut y prendre l’air et bronzer, en août et septembre cueillir des champignons, et l’hiver on peut y aller pour chasser dans la forêt. D’ailleurs on chasse plutôt les lapins et les oiseaux comestibles, la chasse à l’ours étant plutôt une activité de touriste.
Mais pour la majorité de la population, l’essentiel de la vie se passe donc en ville. On y a des téléphones portables, la télé et Internet, on n’est donc pas déconnectés de la civilisation. Le mode de vie est à mon sens très proche du monde occidental : quand je rentre chez moi je fais du shopping chez Zara, Mango et Stradivarius !
Un panorama urbain
Russian way of life
Il y a cependant d’importantes différences avec l’Europe. En effet, il est fréquent que trois générations vivent sous le même toit. Par exemple il est courant de vivre avec sa mère célibataire et sa grand-mère. En général lorsque l’on a les moyens d’acheter un appartement et partir de chez ses parents, on le fait. Mais c’est tout à fait banal de rencontrer quelqu’un qui à 40 ans vit toujours avec sa mère.
La scolarité est obligatoire. Mais on ne va à « l’école », qui va de la primaire à l’équivalent du bac, que jusqu’à midi. On a donc moins d’heures de cours qu’en France, ce qui est compensé par plus de travail personnel demandé, qui occupe l’après-midi. Les vacances d’été et celles des fêtes de fin d’année sont plus longues, mais les autres sont quasi-inexistantes. D’ailleurs, en Russie Noël n’est qu’une fête religieuse, qui a lieu en janvier (pour cause de calendrier de l’église orthodoxe). La principale fête de l’année, celle du sapin et des cadeaux, c’est le Nouvel An.
Ded Moroz et Snegourotchka, qui apportent les cadeaux: un grand-père et sa petite-fille ! Parfois ils sont en bleu, parfois en rouge.
La Russie est classée parmi les pays les plus corrompus au monde. Concrètement, cela se traduit à ton échelle simplement par le fait que lorsque tu veux obtenir quelque chose d’une administration quelconque, offrir une boîte de chocolats à la bonne personne est le moyen le plus efficace pour y parvenir (évidemment, dans les hautes sphères les pots de vin sont bien plus conséquents qu’une boîte de chocolats, mais le principe est le même).
Le système universitaire est plutôt bon, mais il n’a guère évolué depuis l’URSS, et par conséquent beaucoup de formations ne sont plus adaptées aux besoins du marché du travail. Ainsi, le diplôme fonctionne souvent comme un signal (« j’ai fait des études = je ne suis pas stupide »), qui sert à se faire embaucher pour faire autre chose. Par exemple, j’ai une copine qui a un équivalent de bac+5 en droit, qui lui a servi à se faire embaucher comme vendeuse dans un magasin de jouets…
Enfin, pour ce qui est de l’alcool, en Russie la bière est aussi populaire que la vodka. Il y a effectivement un problème d’alcoolisme à l’échelle de la population, mais la consommation d’alcool moyenne par tête y est plus faible qu’en France. Cela est dû au fait que les non-pochetrons boivent rarement. En revanche le tabac est beaucoup consommé, le paquet de clopes coûtant entre 0,5€ et 1,5€…
Voilà, je n’ai parlé que du peu de choses qui me passaient par la tête, mais n’hésitez pas à me poser des questions sur le forum !
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Les Commentaires
En tout cas l'article est vachement sympa, ça donne envie de visiter cette région du monde ! Surtout que c'est pas souvent qu'on parle de la Russie. Les clichés ont la vie dure encore !
Et le blog est encore plus sympa, j'adore :chou: (raaah les photos de la grand-mère, trop belles !)
Je vais suivre attentivement tout ça !