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Mode

J’ai testé pour vous : être habilleuse d’un grand défilé Parisien

Emilie a testé une journée en tant que p’tite habilleuse estudiantine des gros défilés parisiens. Et c’était riche en expérience. Viens, elle te raconte.

Ça a démarré fort : quand j’ai lu l’annonce (déjà il faut que je la relise trois fois au moins pour être sûre que ce n’est pas l’arnaque d’un annonceur ripou qui me ferait passer pour une truite aux yeux du monde), j’ai eu l’impression que mon cœur danse la lambada dans ma cage thoracique :

« Habilleur/habilleuse pour défilé Haute Couture »

The dream come true

Les seules conditions pré-requises pour le poste ; « être étudiant en école de mode ». T’es tombé dans le mille chéri. « Dynamisme et rapidité ». Je ne sais pas si je me définirais comme quelqu’un de rapide et de dynamique (demandez au Boss), mais au pire je me dis que le jour J je m’avalerai des amphétamines un pack de Redbull.

Je dégaine mon cellulaire pour appeler le responsable, bravant ma phobie de passer des coups de fil à des inconnus. Oui, je vendrais ma mère – pardon maman – pour une robe Alexander McQueen, alors je peux bien envoyer péter cinq minutes cette trouille idiote. D’ailleurs, si j’en crois Le Mur,  je ne suis pas la seule handicapée sociale de ce genre ici.

habilleuse

– Allô ?…
– Oui bonjour, je me présente Emilie D……….. J’ai vu votre annonce sur MachinTruc.
– Ah oui ! Alors il faut être à 9h30 le quatrième jeudi du mois, rue de Nullepart. Vous êtes disponible ?
– Oui, oui bien sûr, impeccable.
– Bon vous êtes au courant que ce n’est pas rémunéré ? Ça consiste juste à aider les mannequins à s’habiller, on vous expliquera tout sur place.
– Oui, oui aucun problème.*
– Parfait ! Je vous dis à jeudi donc.
– A jeudi ! Au revoir.

* N’extrapole point : je ne suis pas une personne à but non-lucratif. Non, sur le coup je me suis juste dit qu’une occasion d’avoir accès aux backstages d’un show comme celui-ci, « ça n’avait pas de prix ». On en reparle à la fin.

Aussi simple que ça ? Beh oui, je pourrais avoir 45 ans, débouler de Mars, être un serial killeur, que sais-je ? Aucun entretien, aucun renseignement sur mon identité ni mon activité. Soit. Je laisse ces questions subsidiaires de côté pour me concentrer sur l’essentiel. Attends quoi : « Je vais être habilleuse pour un défilé de Haute Couture ! Gniiiiii !!! »

Il y aurait eu un lit à la rédac j'aurais certainement fait ça...

Rouquine qui a de la joie dans son coeur

Prises de conscience

Le jour dit, je me pointe donc sur le lieu et à l’heure convenus. Très vite, je repère les autres nanas, qui, comme moi, ont répondu à l’appel des strass et des paillettes. Les filles dans le milieu de la mode ont beau avoir la réputation de ne pas être tendres, m’en fiche, je joue la kamikaze (quand il ne s’agit pas de téléphone) et je fonce, comme une fourchette sur son petit pois, pour engager la conversation. On se présente, on parle de nos expériences respectives. Des filles comme toi, comme moi quoi, normales. C’est rassurant. Dans ma conception étroite des choses, j’imaginais qu’il fallait des mannequins pour habiller d’autres mannequins, qu’il n’y avait, en quelque sorte, que l’élite pour côtoyer l’élite. Que nenni.

Une fois entrées dans le sacro-saint temple du Backstage, on nous remet ce qui ressemble a priori au Graal sur un défilé pour toute fashionista qui se respecte ; le badge all-access. Puis on nous introduit dans le vestiaire où, une sorte de papy Gepetto (qui, au vu de certaines situations, n’aurait rien à envier à la réputation du vrai) finissait d’apporter les dernières touches aux vêtements dans un coin-atelier improvisé.

A ce stade de l’article, tu te dis que je dois être dans le feu de l’action, qu’on doit m’assigner des tâches importantes, que je dois courir partout. « Mais que fais-t-ellllllle ?! » cries-tu derrière ton écran. Ben rien. Oui tu as bien lu, RIEN, nada, quedal. C’est parti pour une à deux heures de poireautage intense pendant que mes organes auditifs et oculaires, eux, sont soumis à rude épreuve. Grands moments.

Petit récap. Entre :

  • le Gepetto borderline qui est prêt à étriper quiconque froissera ses précieux chiffons vêtements (Gollum inside),
  • les allers et venues du directeur artistique hystérique qui 1/ appartient à une autre réalité que la nôtre 2/ a trop regardé Ugly Betty et copie chaque mouvement de Wilhelmina Slater 3/ mérite de faire un stage dans une usine à Maubeuge pour le ramener à la vraie vie
  • et mes trois voisins habilleurs qui discutent de la vie du mannequin Karlie Kloss comme s’ils avaient déjà fait leurs courses avec elle chez Monoprix,

… Je crois que j’ai atterri dans la douzième dimension.

Heureusement on vient me sauver de cette orgie audiovisuelle pour m’annoncer enfin la digne mission pour laquelle je suis venue. On m’attribue « mon » mannequin comme s’il s’agissait de mon nouveau Pokémon et on me montre la panoplie qui va avec – rectification : c’est plus Barbie que Pikachu (chouette, j’ai toujours regretté de les avoir vendues).

Le cas mannequin

Elles ont débarqué tout à coup, en rang serré comme un banc de crevettes. Malgré la couche de make up ultra-mat et leurs cheveux psycho-rigidés à l’extrême, malgré leur mètre 50 de guiboles, j’ai eu l’impression d’avoir des gamines en face de moi, pas spécialement lookées, timides au début et presque apeurées, ne sachant pas trop quoi faire ni où aller.

Rencontre du 3ème type

Moi être humain. Toi mannequin. Toi parler ?

On nous a demandé d’aller chercher « notre » mannequin comme on irait prendre un enfant par la main. De lui expliquer – in english pliz – ce qu’on attendait d’elle (où se placer, où revenir pendant le défilé) comme on adapterait notre discours pour parler encore une fois à un gosse. Et elle de te remercier en plus comme une adorable pouponne, discrète et polie. Déstabilisant pour quelqu’un qui a longtemps idéalisé le genre.

Alors quand surgit l’armada de photographes et de cameramen accrédités pour les shooter en tout sens (vazy que jte prends en train de lire ton bouquin, en train d’enlever tes chaussures, et puis tiens de te curer le nez tant qu’on y est), je ressens presque de la compassion. Bah ouais ça m’émeut, ces nanas systématiquement épiées, qui doivent se foutre à poil devant tout le monde dans les loges (on n’imagine pas le paquet de gens qui squattent les backstages) – et on sent pour beaucoup la gêne dans leur regard, ne pas broncher d’un orteil quand le coiffeur/maquilleur/styliste s’avance tout d’un coup sur elle pour réarranger un poil/un cil/un pli qui n’était pas encore assez parfait.

La défenseuse de la veuve, de l’orphelin et de l’opprimé qui sommeille au fond de moi referait limite surface.

Mais j’ai dit presque, oué. Et limite. Parce qu’il faut pas non plus déconner quand même, eh oh.

Parce qu’une fois habillées et prêtes à défiler, la transformation est radicale. En ligne droite avant le départ, le flot d’objectif dardés sur les demoiselles vire à l’insoutenable, mais loin d’en être affolées mes petites ingénues tendent soudain leur visage pour exprimer des moues coquines, des regards de femmes fatales, elles se mettent de côté pour prendre des poses sensuelles, c’est à celle qui saura le mieux jouer avec l’oeil noir de la caméra. Fin de l’innocence, mon cœur saigne. J’ai cru recevoir une Barbie mais on m’a refourgué les Bratz.

Épilogue

Un défilé nécessite des mois de travail qui, au final, sont condensés dans à peine 10 minutes de show. Tout ça pour ça tu diras, et tu n’auras point tort. Je suis déjà frustrée de m’être tapée 3 heures pour un dénouement aussi véloce alors je n’ose même pas m’imaginer à la place du styliste ! Donc je remballe les tulles, les portants et mon amertume pendant que les mannequins renfilent leurs habits de poupées pour filer sur la pointe des pieds.

A la fin, je pense me rattraper en essayant d’aller taper la causette à deux-trois pontes du métier de l’autre côté des backstages où l’after commence à battre son plein. Mais on vient nous signaler qu’il est l’heure pour les larbins habilleuses de débarrasser le plancher en nous remerciant bien évidemment hypocritement chaleureusement pour notre aide inestimable (et gratuite).

Pour résumer

Si tu aimes la mode, l’univers des défilés et que tu as l’occasion un jour d’être habilleuse fonce, vraiment. C’est un bon moyen de se rendre compte de l’envers du décor, de l’organisation que ça nécessite, parce qu’un défilé c’est une grosse machine de guerre. En prime tu pourras toucher des étoffes qui coûtent un bras la plupart du temps, voir de près les matières, les formes, les coupes d’une grande maison.
Mais il te faudra garder la tête froide, Padawan, car aux retords et aux travers du côté obscur du métier tu auras droit. Aux clichés et aux caricatures de la planète fashion tu pourras assister. Dommage.

Ah et j’oubliais ne fais pas comme moi à essayer de donner le change aux mannequins (de toute façon tu peux pas test), mets des chaussures plates. Ça t’éviteras de souffrir debout pendant les trois prochaines heures !

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Les Commentaires

6
Avatar de maudinette
28 juillet 2010 à 15h07
maudinette
J'ai été plusieurs fois habilleuse, et pour moi ça été à chaque fois differents... Soit c'est un tout petit défilé et là on bien plus qu'une habilleuse... Soit on tombe sur un mannequin adorable qui vous aide et qui vous remercie... Soit on tombe sur une peste qui vous regarde de ses 1m85 (moi 1m66 et biensur sans talon pour supporter la soiré) comme une moins que rien et pas de sourire ni merci. Sinon en règle général c'est assez exitant de les voir revenir de les déshabiller et de les rhabiller en essayant de comprendre comment se met ce vêtement indéfinissable... Ah et les fermetures éclaires qui ne veulent peut remonter... heureusement que les épingles existes!
En tout cas un article très sympa qui me rapelle des souvenirs!
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Voir les 6 commentaires

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