À quelle fréquence faut-il aller consulter un ou une gynécologue ? « Une fois par an », répètent les femmes qui ont pris part à cette campagne de sensibilisation contre les cancers gynécologiques.
Réalisés par Havas pour le compte de l’association IMAGYN, ces deux spots de 30 et 40 secondes délivrent deux messages simples, mais sont-ils exacts ?
L’examen gynécologique pour toutes ?
Le spot Les petits mots montre à l’écran une succession de femmes, actrices, comédiennes, artistes, des visages connus qui égrènent les synonymes plus ou moins fleuris du sexe féminin.
Une séquence qui me rappelle un passage des Monologues du vagin, dont cette vidéo me semble hautement inspirée, si ce n’est l’exacte réplique de l’extrait en question.
À celles qui lisent madmoiZelle depuis l’adolescence, ou d’autres médias impliqués dans la lutte contre les injonctions faites aux femmes en général dans la société, cette séquence peut paraître sans intérêt.
Pour beaucoup d’autres, hommes comme femmes, elle résonnera peut-être différemment…
La santé sexuelle et reproductive, les organes génitaux et leurs pathologies restent encore des sujets tabous dans la société, même si ce tabou recule dans certaines sphères.
Dans The Boys Club, Aurélien a raconté le jour où il s’est « cassé la bite », et son histoire illustre notamment la solitude de celui qui a un problème « gênant ».
On est beaucoup moins mal à l’aise en société quand on a une rage de dents ou une migraine que lorsqu’on a une cystite, une IST, ou une fracture du pénis !
Dédramatiser le sujet est encore nécessaire, en 2018.
L’examen gynécologique, c’est « une fois par an » ?
La deuxième vidéo reprend le même format : un montage rapide des influences, artistes, comédiennes face caméra, qui répètent le message « une fois par an ».
Sur son site, l’association IMAGYN détaille l’argumentaire de sa campagne : pourquoi faire la promotion d’un suivi gynécologique annuel ?
Ce sont d’abord les chiffres qui sont mis en avant. En effet, IMAGYN signifie Initiative des Malades Atteintes de cancers GYNécologiques, et l’asso a été fondée en 2014 par plusieurs patientes atteintes de cancers gynécologiques :
« Il n’y avait aucune association en France pour réunir les patientes atteintes de cancers gynécologiques ».
Leur constat rejoint l’idée qu’il persiste encore un tabou sur ces sujets ! Et je leur concède effectivement l’excellente intention derrière cette campagne de sensibilisation.
Le cancer du sein est le plus répandu chez les femmes, ceux de l’utérus et des ovaires se déclarent respectivement chez 8000 et 4000 personnes chaque année.
Extrait des Données globales d’épidémiologie des cancers, par L’Institut national du cancer.
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Prévenir, oui, culpabiliser et paniquer : non
Si IMAGYN veut promouvoir le message de prévention « une fois par an », c’est pour augmenter les chances de détecter au plus tôt les tumeurs :
« Un suivi gynécologique permet de détecter plus tôt un certain nombre de cancers qui, pris à temps, pourront être soignés et aussi augmenter les chances de préserver la fertilité. »
L’intention est louable, et une fois encore, si entendre ce message pourra faire prendre conscience à de nombreuses femmes, jeunes ou moins jeunes, que l’examen gynéco c’est aussi « normal » que d’aller chez le dentiste, tant mieux.
Le problème, c’est qu’aller chez un ou une gynéco n’est pas comme aller chez le dentiste, et les raisons de ne pas y aller régulièrement peuvent être nombreuses.
Plutôt que de marteler « une fois par an », il serait surtout bon d’expliquer en quoi passer régulièrement chez son ou sa gynéco est un bon réflexe — le « régulièrement » étant à définir.
Martin Winckler débunke le « une fois par an »
À quelle fréquence faut-il consulter un ou une gynéco ? Le médecin et auteur Martin Winckler, qui n’est pas lui-même gynéco mais qui s’intéresse de près au sujet, a réagi sur Twitter à la campagne de IMAGYN.
« On ne soigne pas avec des injonctions »
Ce n’est effectivement pas la première fois que l’auteur du roman Le Choeur des femmes prend la plume pour remettre en question l’idée selon laquelle il faudrait aller consulter un ou une gynéco une fois par an.
Dans cet article, mis à jour à l’occasion de la sortie de cette campagne #UneFoisParAn, Martin Winckler pointe l’absence de données scientifiques à l’appui de cette recommandation.
Il déconstruit surtout l’aspect contre-productif d’une telle injonction, qui ignore les facteurs socio-économiques pouvant freiner voire empêcher l’accès aux soins :
« En France, les visites « obligatoires » reposent essentiellement sur des considérations administratives à visée sociale : […] elles ont pour but d’éviter que des femmes ou des enfants ne reçoivent pas les soins dont ils ont besoin faute d’argent.
Ce sont des mesures visant à la protection des plus démuni.e.s, et c’est approprié : le premier facteur de santé d’un individu, c’est son statut socio-économique. […]
Un discours de prévention juste serait donc :
« Si vous connaissez quelqu’un qui est en mauvaise santé ET pauvre, aidez-le/la à surmonter les obstacles qui l’empêchent d’avoir accès à des soins appropriés. »
Au lieu de quoi, le discours sanitaire de [cette campagne] se résume à « Allez voir le médecin ou le dentiste une fois par an ». Comme si c’était simple pour tout le monde.
Pire. Cette injonction laisse entendre que ne pas aller consulter un médecin périodiquement est, au minimum, une erreur ; au maximum, un comportement inconscient ou insensé. »
Et c’est effectivement ce point qui me m’interpelle particulièrement dans la campagne d’IMAGYN réalisée par Havas. Oui à la levée des tabous, oui à marteler qu’aller chez un·e gynéco devrait être aussi normal qu’aller chez un·e dentiste…
Et en même temps, si ça ne l’est pas, ce n’est pas en martelant #UneFoisParAn qu’on lèvera les obstacles, que peuvent être :
- Le coût de ces soins : rappelons qu’une consultation gynéco, même lorsqu’elle est remboursée à 100%, peut représenter une somme trop importante à avancer. J’ai une bonne mutuelle, mais l’échographie pelvienne dépasse les 100€ à sortir au guichet. C’était impensable sur mon budget étudiant.
- La maltraitance gynécologique : c’est une réalité, qui explique pourquoi de (trop) nombreuses femmes se détournent des examens gynéco.
Des dentistes m’ont fait extrêmement mal, ne m’ont pas expliqué voire m’ont carrément menti sur ce qu’ils faisaient dans ma bouche, donc devine quoi ? Je ne suis pas retournée chez un dentiste pendant 10 ans.
C’est pas rationnel comme comportement, mais c’est compréhensible, je pense…
À quelle fréquence faut-il aller chez un·e gynéco ?
Alors, à qui doit-on conseiller d’aller voir un médecin une fois par an ? À cette question, Martin Winckler répond :
« Personnellement (mais ce n’est qu’un avis) j’aurais tendance à répondre : à personne.
Le seul examen préventif utile à ce jour (pour les femmes) est le frottis tous les 3 ans à partir de 25 ans. Pas plus souvent. »
L’autre réponse à cette question sera : à toi de te poser la question, pour toi-même. Si tu ressens le besoin de consulter, parce que tu as des symptômes ou juste une inquiétude, alors va consulter.
Si tu te connais, tu te surveilles, tout va bien sous le soleil, clairement le #UneFoisParAn est superflu.
Si tu as des antécédents de cancers dans ta famille, et/ou que tu en as peur, parles-en à tes médecins.
Le vrai conseil que je suis heureuse d’avoir reçu, dans ma vie, c’est celui de prendre ma santé en main, de ME prendre en main.
Tant mieux si en voyant cette campagne, des femmes se diront « Merci du conseil, mais je vais bien merci ». Tant mieux aussi si d’autres se disent « Ah bon, une fois par an, c’est pas trop souvent ? Moi ça m’inquiète, j’ai besoin de me rassurer. »
Tant mieux si ces spots permettent d’ouvrir des discussions, de lever la gêne ou le tabou, de permettre des échanges d’adresses de Cabinets et de professionnel·les respectueux·ses de leur patientèle.
Et si des femmes autour de toi se mettent à flipper parce qu’elles ne consultent pas « une fois par an », envoie-leur cet article, et celui de Martin Winckler.
Elles décideront ensuite, en connaissance de cause, quelle fréquence est mieux adaptée à leur situation !
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Les Commentaires
Les deux
Si tu as 25 ans mais que tu es vierge, ça ne sert à rien. Normalement, le frottis doit se faire 7-8 ans après les premières relations sexuelles (recommandations de Martin Winkler). Donc j'imagine qu'il faut adapter à son propre cas.