Depuis le départ de la direction artistique de Gucci d’Alessandro Michele après le défilé printemps-été 2023, Gucci passait un peu sous les radars de la mode. Le studio de création peinait en effet à enchaîner après la mode maximaliste en forme de cadavre exquis de périodes historiques du designer qui était parvenu à décupler la croissance de la maison florentine durant son règne de 2015 à 2022. Mais voilà que pile un an plus tard, vient de défiler à Milan la première collection du nouveau directeur artistique Sabato De Sarno, particulièrement attendu au tournant.
Venu du studio de design de Valentino (dirigé artistiquement par Pierpaolo Piccioli), Sabato De Sarno a pris le contrepied de son prédécesseur maximaliste Alessandro Michele. Exit l’excentricité, bonjour un stylisme minimaliste qui permet de se concentrer sur la précision des coupes, des proportions, et sur les accessoires.
Que retenir du défilé Gucci printemps-été 2024 par Sabato De Sarno ?
Dès le premier look, le ton était donné : un pardessus gris en laine froide, un débardeur blanc, un micro-short noir orné d’une ceinture noire aux double G. Une silhouette simple en nuances de gris qui permettait de mieux mettre en valeur les accessoires : un sac Jackie bordeaux, et des mocassins compensés à mors (clairement de futures it-shoes) dans la même teinte de vin.
Ont suivi plusieurs variations sur le même thème : un manteau ou une veste tailleur bien structurés sur un micro-short ou une mini-skort (jupe-short). Des bas tellement courts que les fesses des mannequins en dépassaient amplement. Dans les mêmes proportions, plusieurs mini-robes bien sixties ont également ponctué le défilé. Peu de motifs, hormis un usage modéré du monogramme et de la bande web (c’est-à-dire une rayure rouge encadrée de chaque côté de deux rayures vertes) ont retenu l’œil au milieu de l’usage des couleurs surtout unies, dont beaucoup de bordeaux, de vert pomme, et de bleu denim. Cela permettait aussi de mieux mettre en valeur le riche travail de broderie de cristaux sur des sacs et certaines robes de fin (en satin duchesse ornées de sur-robe façon grille de cristaux), ainsi que les contrastes de brillances entre des pièces bien mat contre du cuir verni.
Le nouveau directeur artistique Sabato De Sarno propose du Gucci déjà-vu, sexy et bankable
Un premier rang composé notamment de Julia Roberts, Ryan Gosling, Paul Mescal, Bad Bunny, Kendall Jenner, ou encore Mark Ronson (qui signait d’ailleurs la bande-son du défilé, notamment ponctué par l’hymne lesbien « Loveher » de Romy) était aux premières loges de ce nouveau Gucci. Mais ce défilé baptisé « Gucci Ancora » (« Gucci Encore ») avait des airs de déjà-vu. Il évoquait davantage celui porno-chic de Tom Ford (DA de la maison de 1994 à 2003) que celui plus historico-qwerky d’Alessandro Michele (de 2015 à 2022). Sauf qu’on espérait cette ère suintant la réification des femmes révolue, même si certains designers prônent le selfwear (exhibition de peau et de lingerie pour s’habiller le plus dénudé possible, soi-disant pour réclamer son corps et sa sexualité). En fait, c’est presque devenu un passage obligé, ou plutôt une option de sécurité, pour les jeunes designers que de tout miser sur la nostalgie d’une époque révolue afin de proposer du prêt-à-porter déjà désiré, déjà digéré. Déjà désuet ?
Alors que Gucci a réalisé plus de 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires rien qu’au premier semestre 2023 (des chiffres stagnants, mais quand même impressionnants) pour le groupe Kering de François-Henri Pinault, cette collection au goût de déjà-vu ne réinvente peut-être pas les mocassins, mais risque bien de continuer à les vendre comme des petits pains.
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
Les Commentaires