C’est la fin de la grève chez iTÉLÉ mais aussi la fin d’une époque. Mercredi 16 novembre, les salarié•es de la chaîne d’information ont voté la fin de ce conflit historique. Il s’agit du plus long dans un média privé depuis 1968.
Au cours du mouvement, 35 journalistes ont décidé de démissionner, soit plus d’un quart des effectifs (la rédaction comporte en tout 120 personnes).
Retour sur cette grève historique qui questionne la liberté journalistique au sein des grands médias.
Jean-Marc Morandini, la polémique à l’origine de la grève
Le 7 octobre dernier, iTÉLÉ annonçait que Jean-Marc Morandini allait rejoindre la rédaction pour une émission quotidienne. Problème : la réputation du présentateur, aggravée en juillet dernier par des accusations de harcelement sexuel sur des jeunes mineurs.
En plus de cela, le présentateur est un proche de l’actionnaire Vincent Bolloré comme l’expliquait Libération dans un article publié trois jours après le début de la grève
Le 13 octobre, moins d’une semaine après cette annonce, la Société des journalistes d’iTÉLÉ demandait dans une tribune publiée par Le Monde à l’animateur polémique de ne pas venir .
« À tort ou à raison, l’image de Jean-Marc Morandini est aujourd’hui entachée. Elle l’était déjà, de notre point de vue, du fait de ses activités de producteur de websérie à caractère érotique. Sans être étroit d’esprit, concilier cette image et celle d’une chaîne d’information nous paraissait déjà inacceptable. Les affaires judiciaires rendent désormais la chose impossible, même s’il est présumé innocent.
Son image ne peut pas être associée à iTÉLÉ. Il ne peut pas être dans la vitrine d’une chaîne d’information aujourd’hui, sauf à mépriser ce que nous sommes et ce que nous essayons de bâtir chaque jour. »
Lundi 17 octobre, Jean-Marc Morandini arrivait dans les bureaux. En réaction, la rédaction s’était alors mise en grève.
Mais l’arrivée de Jean-Marc Morandini n’a fait que cristalliser d’autres problèmes préexistants au sein de la chaîne, notamment celui du manque d’une charte éthique…
iTÉLÉ, c’est l’histoire d’une rédaction qui veut garder son indépendance
La mise en retrait de l’antenne de Jean-Marc Morandini n’était qu’une des quatre revendications des salarié•es en grève d’iTÉLÉ.
Ils demandaient également la signature d’une charte éthique, la nomination rapide d’un directeur de rédaction distinct du directeur général de la chaîne ainsi que la définition d’un projet stratégique et éditorial.
Au moment de la levée de grève, les salarié•es ont publié un long texte sur le site Lesjours.fr exprimant leur avis sur ce qu’il venait de se passer. On peut y lire :
« Nous sortons de ce conflit éreintés et meurtris mais la tête haute, avec au cœur le sentiment d’avoir tenté de défendre notre honneur. (…)
Nous n’avons pas obtenu le retrait de Jean-Marc Morandini. Mais nous avons obtenu que son travail soit très encadré et qu’aucun collaborateur d’iTÉLÉ ne soit contraint de travailler avec lui contre son gré, une disposition sans précédent dans une entreprise de presse.
Nous n’avons pas obtenu la séparation des postes de directeur général et de directeur de la rédaction. Mais nous avons obtenu des garanties sur l’indépendance de la rédaction.
Le mot « indépendance » figure dans le protocole d’accord, extrait d’une charte du groupe Canal+ datant de 2002 et réactivée, en attendant qu’une charte éthique soit rédigée dans le cadre de la loi Bloche. Nous avons quatre mois pour le faire. »
Un résultat décevant pour un grand nombre de ces journalistes après ce long mois à lutter pour leurs droits.
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Quelle suite pour iTÉLÉ après la grève ?
Aujourd’hui, la chaîne d’information en continu est dans la tourmente également d’un point de vue budgétaire. Selon Le Monde, elle a un budget annuel de 60 millions d’euros, dont 35 millions de recette et 25 millions de pertes.
Si Maxime Saada, directeur général de Canal+, s’est engagé au remplacement de tous les départs, il précise qu’il va falloir moins dépenser par la suite.
Aujourd’hui, le futur d’iTÉLÉ et de sa rédaction reste flou. Cet épisode historique pour un média français rappelle que la liberté et l’indépendance d’une rédaction peuvent encore aujourd’hui être un enjeu de lutte.
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