Nota bene : J’avoue tout de suite mes positions : je suis pour la grève et contre la hausse des frais de scolarité. Et en grève depuis dix semaines. Cet article risque donc d’être un tantinet biaisé.
La hausse des frais de scolarité
L’annonce a été faite il y a longtemps par le très apprécié (ou pas) gouvernement libéral en place : dès la rentrée scolaire de septembre 2012, les frais de scolarité universitaires augmenteront de 325 $ par session (une session = un trimestre, en gros). Répartie sur cinq ans, cette hausse atteindra les 1625 $ (en moyenne) par session. Considérable ? Certes : les frais de scolarité universitaires coûtent déjà en moyenne 1400 $ par session. Le but de cette mesure est, en partie, de pallier le sous-financement des universités, mais elle permettra également au gouvernement de moins assumer les coûts de l’éducation.
La réaction étudiante
La vague de protestation contre cette mesure ne date pas d’hier : depuis 2010, les différentes fédérations étudiantes lèvent la voix pour dénoncer cette hausse qui sera douloureuse pour la classe moyenne. En effet, le système de prêts et de bourses québécois s’adresse à une tranche très mince de la population et il est souvent difficile d’y accéder. En février 2012, après plusieurs manifestations, la grève générale illimitée (GGI) a débuté. Voici quelques clés pour mieux comprendre ce mouvement de protestation, ses acteurs et ses enjeux.
Les fédérations étudiantes
Quatre fédérations sont à la tête du mouvement étudiant. Certaines sont plus discrètes que d’autres, toutes ont leurs buts, leurs opinions et leurs méthodes propres, mais dans le conflit, toutes sont alliées. La Fédération Étudiante Collégiale du Québec (FECQ), la Fédération Universitaire du Québec (FEUQ), la Coalition Large de l’Association pour une Solidarité Syndicale Étudiante (CLASSE) et la Table de Concertation Étudiante du Québec (TaCEQ) sont là, réunissant sous leurs bannières des milliers d’étudiants. Les négociations, lorsqu’il y en aura, passeront par elles.
Le symbole et la sensibilisation
Chaque mouvement a son symbole. Celui de la protestation étudiante est le carré rouge, récupéré de la dernière grande grève de 2005, lorsque le gouvernement voulait transformer une grande partie des bourses en prêts. Symbole de l’endettement et de l’expression « être dans le rouge », le carré a été repris à toutes les sauces : épinglé aux revers des manteaux, sur le côtés des chapeaux, en évidence sur les sacs à dos et les foulards, il permet de reconnaître ceux qui sont contre cette mesure gouvernementale. La couleur rouge, de façon générale, a été adoptée par les grévistes. À l’opposé, le carré vert est arboré par ceux en faveur de la hausse et contre la grève, tandis que les opposants à la hausse et à la grève ont choisi le carré bleu.
La sensibilisation à la cause étudiante a été plurielle. Les manifestations s’enchaînent et depuis près de trois mois, le centre-ville de Montréal est perpétuellement envahi par les étudiants. Le 22 mars, nous y étions 200 000, et plusieurs actions symboliques ont été organisées : les funérailles de l’accessibilité aux études, des freeze en rouge (NDLR : tous les participants s’immobilisent)
, des die-in (NDLR : les manifestants miment la mort), des sit-in, des bed-in (NDLR : action d’occuper, pour dormir, un lieu public)… Des associations avaient pour mission de relayer l’information, d’autres de créer des visuels pour la grève. Plusieurs groupes syndicaux se sont mis du côté des étudiants, et bien des artistes portent le carré rouge et dénoncent la hausse et le gouvernement sur la place publique.
Les débordements
Ce qui choque le plus dans la GGI, outre le refus de la Ministre à parler avec les étudiants, est la violence qui en émane, du côté des manifestants comme du gouvernement. Les policiers ont été lourdement accusés d’utiliser la violence sur des protestants pacifiques, jusqu’à des débordements dramatiques. Un étudiant de vingt-deux ans a été touché à l’œil par une flashbang (grenade assourdissante, ayant pour but de désorienter). D’autres ont fini à l’hôpital, matraqués à la tête ou asphyxiés au poivre de Cayenne. Des casseurs ont fait éclater les fenêtres du Palais des Congrès, d’un nombre incalculable de banques et de plusieurs autres bâtiments. Des journalistes ont été malmenés par des policiers, arrêtés pour certains, poivrés pour d’autres. Les bureaux du Ministre de l’Éducation ont été peints en rouge, des policiers ont reçu des briques.
La violence physique choque, certes, mais celle du gouvernement également. Refus total de parler avec les représentants étudiants et certaines fédérations (surtout la CLASSE, considérée comme plus « extrémiste » que ses compatriotes), tentatives de diviser le mouvement, mépris publiquement affiché pour le conflit, tout y passe.
Et maintenant, on en est où ?
Honnêtement ? Nulle part. Cette semaine, pour la première fois depuis le début de la grève, la Ministre de l’Éducation a accepté de rencontrer les fédérations étudiantes. Une trêve a même été mise en place, le temps des négociations. Problème ? Des étudiants mécontents ont tout de même manifesté et malgré le fait que les fédérations se soient toutes détachées de ces mouvements indépendants, la CLASSE a été rejetée des négociations. Par solidarité, la FECQ et la FEUQ l’ont suivie. Retour à la case départ. Et plus de 180 000 étudiants ne comptent pas baisser les bras, portant avec espoir leur printemps québécois.
– Sources photos : LeDevoir.com
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