Mise à jour du 24 août 2021
Mediapart a publié ce mardi 24 août l’intégralité de la lettre que l’ex-femme du colonel Éric Steiger a fait parvenir à Marlène Schiappa en octobre 2020, au moment de la mutation de ce dernier comme commandant en second en Nouvelle-Calédonie.
« Un poste convoité car trés rémunéré », expliquait-elle alors à la Ministre déléguée chargée de la Citoyenneté.
« Par ailleurs, ce poste le prédispose à être inscrit au tableau d’avancement pour devenir général puisqu’il serait prévu qu’il prenne la succession du titulaire du poste actuel de commandant de la Nouvelle Calédonie.
Comment un homme violent dans sa vie privée, suivi au niveau psychiatrique sur demande du tribunal, peut-il continuer d’occuper un poste haut placé de colonel de Gendarmerie, et de surcroit obtenir une promotion de Général alors que le jugement d »Appel n’a pas été prononcé ? »
Une lettre à laquelle la ministre n’a jamais daigné répondre, indique Mediapart, qui note au passage qu’elle « n’a pas commenté publiquement l’affaire ».
Un ministre de l’Intérieur plus qu’approximatif
Interrogé sur le sujet dans la matinale de France Info, Gérald Darmanin a mentionné le fait que l’ex-femme du colonel avait également été condamnée pour violences, ajoutant « ce que n’a pas souligné, je crois, le journal Mediapart ».
Manque de bol, cela est bien évoqué dans le premier volet des révélations du média en ligne, mais le ministre de l’Intérieur ne semble pas s’embarrasser de ce genre de détails.
Et le ministre de l’Intérieur ne s’est pas arrêté là :
« J’ai cependant demandé au directeur général de la gendarmerie d’avoir cette discussion avec le colonel Steiger pour savoir s’il se sentait rester en poste et en considérant moi-même qu’il ne devait sans doute pas rester en poste, vu la cabale dont il faisait l’objet. »
Ça ne vous rappelle rien ? Là encore, on règle ces histoires d’accusations de violences entre bonhommes, par des discussions les yeux dans les yeux, « d’homme à homme ». Et à l’entendre, ce ne sont pas les violences, le vrai problème, c’est surtout les accusations qui font surface et ces fichues féministes qui demandent des comptes.
Le colonel Éric Steiger quitte son poste
Mise à jour du 20 août 2021
Il n’aura fallu que 24 heures après la publication de l’enquête de Mediapart pour que le colonel Eric Steiger demande à être relevé de ses fonctions.
Dans un communiqué du ministère de l’Intérieur ce matin, on apprend donc que le numéro 1 de la gendarme en Nouvelle-Calédonie quittera son poste, après les révélations sur sa condamnation en 2020 pour violences conjugales.
La pression des élus locaux de tous bords politiques et de l’opinion publique a donc fonctionné. En espérant que cette affaire marque les esprits et que d’autres n’hésitent pas à présenter aussi leur démission.
Article publié le 19 août 2021
Battez votre femme, recevez une promotion !
Vous trouvez ça cynique, et vous avez bien raison, mais c’est en substance le message que nous envoie la lecture de l’enquête de Mediapart sur une affaire de violences conjugales.
Le témoignage de Sophie, 49 ans – et celui de sa fille ainée – sont glaçants. Vingt ans de mariage durant lesquels, cette femme a été malmenée psychologiquement, rabaissée par son mari, le colonel Eric Steiger.
C’est en 2017 que les violences ont commencé. Son mari l’insulte, la frappe, tente de l’étouffer. Et cela continue à de nombreuses reprises les mois suivants. Sophie songe au suicide. Elle finit par porter plainte en juin 2018.
Six mois de sursis réduits en appel
Eric Steiger est finalement condamné à six mois de prison avec sursis début 2020, une peine qui sera finalement réduite en appel à 6.000 euros d’amende. Il a reconnu sa responsabilité, tout en mettant son comportement violent sur le compte de « son incapacité à parler avec son épouse », souligne le jugement cité par Mediapart.
Eric Steiger s’en tire bien : pas d’inscription au casier judiciaire, pas d’enquête disciplinaire… et la suite va vous étonner :
Car quelle ne fut pas la stupéfaction de Sophie en découvrant la mutation d’Eric Steiger. Arrivé en Nouvelle-Calédonie pendant l’été 2020, il a même décroché une promotion un an plus tard, ce 8 juillet 2021. Il est désormais à la tête de la gendarmerie en Nouvelle-Calédonie.
Une promotion qui passe crème
Allez quoi, il est un peu sanguin, mais c’est un type brillant, finalement. « Pas un “cogneur de femmes” » assure même son avocat à Mediapart. L’expertise faite en 2018 évoque pourtant « un déficit de contrôle pulsionnel » ainsi qu’une « susceptibilité excessive et un tempérament colérique ».
Et pour la hiérarchie d’Eric Steiger, aucun problème, aucune incohérence : la Direction générale de la gendarmerie nationale assure en effet à Mediapart que « la décision ne faisait pas obstacle à ce que la DGGN nomme l’intéressé sur son poste actuel » et évoque aussi un « contexte douloureux de séparation du couple après 20 ans de vie commune. »
Les réactions des élus
L’enquête de Mediapart a rapidement fait réagir. Sonia Backès, présidente de l’Assemblée de la Province Sud de Nouvelle-Calédonie a annoncé avoir « signalé cette nuit aux plus hautes autorités de l’Etat que cette fonction était incompatible avec ce type de délit et qu’il fallait au plus vite prendre la décision de renvoyer ce colonel en métropole. »
Elle souligne par la même occasion la terrible réalité des violences sur ce territoire :
« Dans un pays où 22% des femmes sont victimes de violence, et où les institutions ont placé la lutte contre les violences intrafamiliales en cause territoriale, la décision de changer la tête de la gendarmerie en Nouvelle-Calédonie ne doit pas souffrir d’une hésitation. »
Le parti Calédonie Ensemble a lui aussi estimé que la place d’un auteur de violences conjugales condamné par la justice n’était pas à la tête de la gendarmerie en Nouvelle-Calédonie :
« Nous considérons que cette décision de justice le disqualifie pour exercer les responsabilités de Commandant des Forces de Gendarmerie de Nouvelle-Calédonie. Cette disqualification résulte d’abord de la politique même du Gouvernement de la République qui, par la voix de son Ministre de l’Intérieur, avait indiqué récemment que : “tout gendarme condamné pour violences conjugales ne devait plus être en contact avec le public, dans l’attente de la décision du conseil de discipline”. »
Car finalement, en creusant un peu, tout cette affaire n’a rien d’incohérent. Avec un ministre de l’Intérieur nommé alors qu’il est accusé de viol, on se dit que oui, toutes les audaces sont permises pour les auteurs de violences.
À lire aussi : La dernière trouvaille de Darmanin pour l’accueil des victimes de viols ? Des gommettes
Crédit photo : Ecole polytechnique – DGGN Séminaire de la Direction Générale de la Gendarmerie Nationale via Flickr
Si vous ou quelqu’un que vous connaissez est victime de violences conjugales, ou si vous voulez tout simplement vous informer davantage sur le sujet :
- Le 3919 et le site gouvernemental Arrêtons les violences
- Notre article pratique Mon copain m’a frappée : comment réagir, que faire quand on est victime de violences dans son couple ?
- L’association En avant toute(s) et son tchat d’aide disponible sur Comment on s’aime ?
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