— Publié le 4 novembre 2014
Il y a bientôt deux ans mon grand-père est mort. C’est à la fois normal et super vachement triste, parce que mon grand-père je l’appelais Papapa, qu’il faisait les jeux de mots les plus nuls de la planète et qu’il m’a appris à faire des arcs en branches de noisetier, à tirer à la carabine sur des boîtes de conserve rouillées et à éviter les buissons d’ortie. C’est super vachement triste parce qu’il me tapotait toujours la joue en disant que j’avais bien poussé comme une girolle, qu’il se ferait un jour des tresses tout comme moi alors que je l’ai toujours connu chauve comme un caillou alsacien et que le soir au coin du feu il racontait toujours la fois où il a trouvé un crâne dans la forêt.
Papapa, c’était quelqu’un, c’était un juge avec sa tenue à col d’hermine et ses mémoires qu’il n’a jamais pu terminer, mais pour moi c’était surtout l’odeur de la réglisse et de la résine, du jus de pomme artisanal bien au sec dans la chaufferie et du pot-au-feu le dimanche. Quand Mamie a commencé à oublier qu’on n’était pas en 1942 et qu’il n’était pas l’heure du cours de gymnastique à l’école pour filles, Papapa a appris à cuisiner, à lui natter les cheveux et à la rassurer quand elle jurait entendre des pas la nuit, à mettre des cadenas sur les placards qu’elle vidait et à compter les gélules du matin, les pilules du midi, les poudres du soir.
Papapa est mort et c’est super vachement triste, et mon Papa dont il était le papa a pris un bébé sapin près de la maison de montagne, il l’a rempoté avec des champignons et la terre noire des Vosges avant d’aller au cimetière, donc maintenant Papapa a un petit bout de chez lui sur sa tombe et c’est quand même un peu plus résistant que des fleurs, c’est costaud comme mon Papapa l’était, lui qui est tombé à 70 ans et des poussières sur un essaim de frelons et s’en est sorti l’air de rien.
Papapa est mort et c’est super vachement triste, mais j’aime ce bébé sapin et ces champignons des bois et le ciel froid de ce premier novembre, j’aime l’odeur de résine et le jus de pommes artisanal, alors je pense que ça irait, qu’il ne trouverait pas ça super vachement triste.
À lire aussi : Lettre ouverte au cancer, qui vient d’emporter mon grand-père
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
Les Commentaires
Plein de hugs à toutes les Madz !