Si j’ai snobé les Chair de Poule dans mon enfance, j’ai par contre dévoré la majeure partie d’une série non moins médiocre : Grand Galop. Ces romans suivaient les aventures de trois jeunes cavalières émérites, Steph, Carole et Lisa. Aventures à poney sur fond de drama adolescent étaient les ingrédients idéaux pour la fan de dadas un peu tarte que j’étais.
Dissection sans pitié d’un plaisir de mon enfance que j’ai un peu de mal à assumer.
Ma mère a réussi à jeter tous mes Witch Mag mais j’ai ENCORE des Grand Galop chez moi.
Des personnages plats
Les trois héroïnes de Grand Galop étaient caractérisées, mais relativement ordinaires si on les compare à d’autres héroïnes jeunesses plus marquantes (Claude et son genre trouble dans Le Club des Cinq, les adorables losers du Gang des Pestes ou encore les timbrées de Drôles de Ballerines). Elles étaient, disons-le franchement, gentillettes.
Lisa était une bonne élève control freak, Steph était une blagueuse qui ne m’a jamais fait beaucoup rire et Carole était… bon, c’était censée être la meilleure cavalière et elle essuyait des deuils successifs, mais à part ça, elle était encore plus lisse que ses copines. Rarement décrites physiquement, les héroïnes étaient, selon les couvertures et la série télé, deux WASP blondes et une afro-américaine. Pendant très longtemps, ces filles-là ont eu douze ans… et puis on les a fait grandir d’un coup dans la magnifique et très rose suite Les filles de Grand Galop (que je n’ai pas suivie, mais dont j’ai trouvé d’édifiants opuscules à la bibliothèque municipale).
Au passage notez les magnifiques portraits des héroïnes, sans doute inspirés des actrices de la série, qu’on avait au dos des bouquins :
J’ai l’impression que Lisa (à droite) fixe mon âme.
Le reste du casting… je ne peux pas en dire beaucoup plus. Les parents de Steph étaient riches, son copain était… blagueur… son frangin était… heu… blagueur aussi ? Le père de Carole était… sympa… Ressortait peut-être Veronica, la peste riche et méchante qui monte bien à cheval mais se soucie de ses dadas comme d’une guigne (parce qu’elle est méchante). Généralement les livres s’achevaient d’ailleurs sur une petite moquerie envers Veronica Poudoum-Tish !
Pour digresser encore sur le casting avant de passer à autre chose, parce que j’ai rarement eu aussi peu de choses à dire sur autant de personnages dans une série où une bonne partie des intrigues sont quand même basées sur leurs psychologies, j’ai toujours eu un faible pour Max, le proprio du centre équestre du Pin Creux, qui passait son temps à jeter des « coups d’oeil complice » à ses élèves (sérieusement comptez le nombre de coups d’oeils « complices » que les gens s’échangent dans ces bouquins, c’est assez édifiant).
Sauf que dans ma tête, Max ressemblait au Max du jeu Qui est-ce ? — j’ai donc SÉRIEUSEMENT déchanté quand je me suis rendue compte, sur la couverture du tome consacré à son mariage, qu’en fait il ressemblait plus à Ken.
Blagounettes et style simpliste
J’ai rarement actionné mes zygomatiques face aux romans jeunesses censés être drôles. Bien sûr, il y avait quelques perles et je me rappelle de fous rires mémorables face au Petit Nicolas, à Anastasia Krupnik, à la bibliographie de Roald Dahl ou encore à une version abrégée de Zazie dans le Métro…
Mais globalement, les auteurs jeunesses gèrent très mal la blagounette. Trop gentillets pour être rigolos ou au contraire trop trash pour m’arracher un sourire, les Pocket Jeunesse que je m’enfilais à la chaîne donnaient de l’urticaire à mon humour, et même ma série fétiche, Grand Galop, ne dérogeait pas à la règle. Les rares tentatives d’humour et de blagues me plongeaient généralement dans les tréfonds de la consternation.
C’était presque insultant… même à l’époque !
En fait, le principe de cette série, et de beaucoup d’autres, était un peu de nous humilier, nous, enfants assez bête pour lire ces âneries. Quand l’intrigue ne tournait pas autour d’une dispute ou d’un cheval malade, c’était : les héroïnes pleines de bonnes intentions tentent d’aider telle personne. Hélas, quiproquos et malentendus etc. suivaient forcément. Communiquez et dites clairement les choses, sinon vous vous comporterez aussi bêtement que des personnages de roman jeunesse !
Enfin, le style était, au même titre que le reste, abominablement plat. Plat de chez plat aux oeufs sur le plat ! Sincèrement, je n’ai presque rien à en dire. C’était bourré de clichés littéraires, et en même temps plutôt clair et pas si mal traduit (c’était pas Twilight quoi). Les dialogues étaient ennuyeux et manquaient abominablement de naturel, mais au moins, ils ne tentaient pas d’imiter le langage des jeunes. C’était… bah… c’était, point.
Des intrigues dignes d’un soap opera, et des chevals à foison
Passons au cœur de la série en abordant les intrigues !
Il y avait deux types d’histoire : celles où les héroïnes faisaient du dada en voyage (Europe, New York, Far West, côte Ouest…) et celles où les héroïnes faisaient du dada au club (défilés, anniversaires, randonnées et concours). En général, la méchante Veronica faisait chier mais n’était pas à la source du problème principal, d’ordre financier, équestre, ou sentimental.
Soit le club était au bord de la faillite pour telle raison, soit un Dada était malade ou traumatisé ou sur le point d’être vendu c(e qui fait un combo avec le premier problème), soit une des héroïnes devenait la chieuse de service pendant un tome. Lisa pétait son câble en mode « je dois gagner des concours », Carole faisait son emo parce qu’un Dada n’allait pas bien ou que sa mère lui manquait et Steph faisait une blague méchante sans le faire exprès.
On avait aussi des sous-intrigues sentimentales, mais elles étaient relativement peu présentes. Lisa flirtait parfois avec des types aléatoires au sourire charmeur, Steph avait son copain Phil qui était… là et Carole… avait son cheval. Par contre, le quota romances a explosé dans la suite, Les filles de Grand Galop. Les couvertures sont roses, vous comprenez, il fallait bien inclure quelques histoires de love… avec des stars d’Hollywood ou des chuchoteurs américains façon Robert Redford junior !
Des doutes, des rêves, de la passion… et une bande latérale rose au cas où t’aurais toujours pas compris à qui ça s’adresse.
L’auteure essaie parfois de gérer des thèmes plus dramatiques. Plusieurs chevaux meurent au cours des tomes et elle sait assez bien rendre les sentiments qu’on peut éprouver suite à la perte d’un animal (même si globalement, les canassons demeurent assez interchangeables dans la série). D’un autre côté, quand elle se lance dans une anorexie éclair dont le personnage de Lisa guérit en un tome et dont on ne parle plus vraiment par la suite, c’est beaucoup plus maladroit… Bon, elle a eu le mérite d’essayer !
Je râle, je critique, mais j’adorais vraiment cette série et la relire m’a replongée dans l’ambiance si particulière du centre équestre, avec ses bonnes odeurs de cuir et de crottin. Ce n’est pas fameux, c’est même plutôt fumeux, mais disons que c’est relativement inoffensif. Même si aujourd’hui, je pense que je vais renier l’enfant que j’étais en admettant que je préfère les cliffhangers et délires idiots de Chair de Poule aux niaiseries et gentils Dadas de Grand Galop… ils ont au moins le mérite de me surprendre parfois.
Pour conclure cet article, un MAGNIFIQUE dessin que j’ai retrouvé dans un de mes tomes de Grand Galop… attention les yeux.
Vous constaterez en plus que j’ai consciencieusement coché les tomes que j’avais déjà lus.
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