Et toi, tu écoutes quoi ? La question de nos goûts musicaux paraît triviale, mais elle est souvent posée pour mieux connaître quelqu’un – en fait, la musique pourrait bien être une composante de notre identité.
Dans un article publié pour le Journal of Personality and Social Psychology, A. Bonneville-Roussy, P.J. Rentfrow, M.K. XY et J. Potter se sont penché-e-s sur le sujet et ont décortiqué nos goûts en la matière : comment se forment les préférences musicales ? Y a-t-il des tendances générales sur la manière dont nous appréhendons la musique ?
Dans leur recherche, les auteur-e-s ont analysé des données recueillies pendant plus de 10 ans sur plus de 250 000 personnes et se sont aperçu-e-s que nos rapports à la musique évoluaient selon les étapes de nos vies.
Ainsi, les psychologues ont par exemple constaté que « l’engagement musical » (c’est-à-dire l’importance et la place accordée à la musique dans nos vies quotidiennes) n’était pas le même à l’adolescence qu’à l’âge adulte : l’importance attribuée à la musique aurait tendance à décliner avec l’âge (si généralement, les adultes considèrent que la musique est importante, elle l’est moins que pour les jeunes).
Les adolescent-e-s écouteraient plus souvent de la musique et le feraient dans des contextes variés, alors que les adultes, eux, s’adonneraient à cette activité principalement dans des cadres privés.
Pour étudier au mieux les préférences de leurs sujets, Bonneville-Roussy et son équipe ont déterminé cinq catégories musicales (intense, contemporaine, sophistiquée, sans prétention, « mellow ») et ont observé leurs rapports avec nos âges et nos personnalités.
Somme toute, nos amours musicales pourraient bien s’adapter aux stades de la vie, à ce que nous vivons socialement et psychologiquement.
L’adolescence et la volonté d’intensité
Selon l’équipe menée par Arielle Bonneville-Roussy, l’adolescence serait marquée par le besoin et la volonté d’affirmer son indépendance et d’établir son identité. Pour répondre à ces impératifs, les adolescent-e-s se tourneraient vers des musiques « intenses »
, dans lesquelles on entend une tension, des connotations rebelles, de l’agressivité (qui n’est pas nécessairement négative), des musiques qui auraient une identité criante.
C’était le bon temps.
Les ados pourraient ainsi être adeptes du punk, du métal, d’un rap un peu hard… Ces choix leur permettraient de clamer une identité et une autonomie, en opposition aux goûts musicaux des adultes, qu’ils percevraient comme « trop lisses ».
Les débuts de l’âge adulte et la recherche de l’acceptation
Peu à peu, le besoin d’intensité diminue et laisse place à un autre âge musical : aux débuts de l’âge adulte, nous chercherions l’acceptation des autres. La musique deviendrait ainsi un instrument social qui permettrait de se rapprocher d’un groupe, de trouver nos pairs.
Pour toutes ces raisons, selon les chercheurs-es, la musique plébiscitée par les jeunes adultes serait plutôt « contemporaine » et adoucie. Nous nous tournerions vers des sons électro (mais softs), R&B, rock indé, à la recherche de quelque chose qui nous permettrait de danser, de faire des rencontres…
Lorsque l’on dépasse l’adolescence et son désir d’autonomie, l’étape suivante, pour la majorité d’entre nous, est de « trouver l’amour et d’être aimé ». Il ne s’agit pas simplement de dénicher un partenaire amoureux, mais plutôt de trouver nos pairs, de trouver celles et ceux qui nous entoureront à l’avenir.
Dans cette optique, nous choisissons des musiques que nous pensons écouté-e-s par ces pairs, ou pour des musiques laissant la possibilité de rencontrer les autres (c’est-à-dire des musiques dansantes, ou des ambiances musicales plus douces qui permettraient de discuter, etc.).
C’est vrai que c’est pas SUPER dansant.
L’âge vraiment adulte et l’arrivée de la sophistication
Plus tard, lorsque certaines étapes de la vie sont franchies et que nous nous sommes « posé-e-s », nous entrerions dans notre dernier âge musical. Celui-ci serait dominé par des musiques dites « sophistiquées », comme le jazz ou la musique classique, et « sans prétention », comme le folk ou le blues.
L’envie de sons sophistiqués répondrait à un besoin de culture, d’esthétique, de complexité, tandis que le désir de musiques « sans prétention » viendrait faire écho à des sentiments communs et profonds, aux sentiments de famille, d’amour, de perte, à des expériences que nous avons vécues.
À ce stade de nos vies, la musique deviendrait une activité plus solitaire et plus « intellectuelle » — nous chercherions une compréhension plus émotionnelle de la musique.
Bien sûr, ces constats sont statistiques et varient d’une personne à l’autre : si certaines catégories de préférences disparaissent ou apparaissent avec l’âge, nos goûts sont également liés à nos personnalités et expériences… ainsi qu’à ce que la société édicte.
Malgré tout, l’étude entreprise par Arielle Bonneville-Roussy révèle des tendances statistiques très fortes et est l’une des premières de cette ampleur à indiquer que les préférences musicales pourraient correspondre aux changements que nous vivons d’un point de vue psychosocial… Et que finalement, un thème à l’air anodin serait lié à une foule d’aspects psychologiques !
Pour aller plus loin :
- L’étude Music through the ages : trends in musical engagement and preferences from adolescence through middle adulthood
- Un communiqué de l’Université de Cambridge
- Plus d’informations sur Arielle Bonneville-Roussy
- Et pour participer à une étude musicale !
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Les Commentaires
Mais plus sérieusement : les résultats de l'étude sont trèèèès globaux. Forcément, au cas par cas ça va grandement différer et beaucoup d'entre nous ne vont pas s'y reconnaître. (surtout qu'il faut dire que sur MadmoiZelle, on est un peu toutes des meufs originales et tout et tout :unicorn