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Gone Girl, film misogyne ou exploration d’une glaciale antihéroïne ?

Gone Girl, de David Fincher, qui a rencontré un énorme succès, a été dénoncé par certaines personnes comme un film profondément misogyne, voire masculiniste. Est-ce justifié ?
Attention spoilers

Cet article révèle toute l’intrigue de Gone Girl.

Le 29 décembre 2014

Gone Girl accusé d’être un film masculiniste

Gone Girl est sorti le 8 octobre 2014 ; très attendu par le public et la critique, adapté du roman à succès Les Apparences, avec David Fincher aux manettes et Ben Affleck en rôle-titre, ce fut un carton en salles.

Si la plupart des journalistes ont salué la qualité du film, un vrai bon thriller comme en fait trop peu, plusieurs voix se sont également élevées pour dénoncer, ou en tout cas questionner, son message misogyne, voire masculiniste.

En voici quelques exemples.

Comme j’ai vu le film environ 150 ans après tout le monde, voici mon petit avis sur la question.

Je ne prétends pas faire autorité et je pense que tout ici s’articule autour d’un choix d’interprétation : il n’y a pas de « bonne » réponse, tout dépend du niveau de lecture !

Gone Girl en quelques points-clefs

Gone Girl débute avec la disparition soudaine et inexpliquée d’Amy, le jour de son anniversaire de mariage.

Son époux, Nick, signale le cas à la police car un meuble brisé dans leur maison semble indiquer un kidnapping violent. Mais au fur et à mesure que les détectives plongent dans les rouages de son couple, Nick devient suspect, pour eux comme pour le spectateur.

Aurait-il pu tuer sa femme, avec laquelle il ne s’entendait visiblement plus ? Si non, pourquoi avoir caché des indices aux forces de l’ordre ?

Après tout, le journal intime d’Amy a fini par nous révéler qu’il peut se montrer violent ; aurait-il franchi la ligne rouge et causé la mort de son épouse, par exemple en apprenant sa grossesse ?

Au tiers du film, le voile se lève enfin.

Toute cette affaire n’est qu’une horrible machination d’Amy, qui souffre très probablement de problèmes mentaux, et a décidé de punir son mari infidèle en disparaissant…

Et en s’assurant, via des indices savamment dissimulés, que Nick finirait par être accusé de son meurtre et probablement condamné à la peine de mort.

Le reste du film suit le combat de Nick pour prouver son innocence, qui ne fait plus aucun doute à présent, et se conclut en apothéose avec le retour d’Amy.

Elle revient en fausse victime, fausse survivante ayant lutté à mort pour échapper à un kidnapping inventé, et la nausée monte lorsqu’on la voit reprendre sa vie maritale comme si de rien n’était…

L’actrice Amy Dunne, redoutable veuve noire dans Gone Girl

Le choix de l’actrice Rosamund Pike pour le rôle de la complexe et dangereuse Amy Dunne n’est pas anodin.

Relativement inconnue comparée à Ben Affleck, qui joue Nick, elle ne provoque donc pas de sympathie immédiate, comme lui, ni au contraire de méfiance basée sur ses rôles précédents.

C’est une page blanche sur laquelle se reflètent tous les doutes du spectateur oscillant entre l’empathie et la haine.

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Comme Nick l’apprendra au fil de son combat pour prouver son innocence, Amy n’en est pas à son coup d’essai en le faisant passer pour un meurtrier.

Elle a déjà gâché la vie d’un de ses ex-petits amis en réclamant une séance de sexe torride… pour mieux l’accuser de viol le lendemain, traces de liens autour des poignets et de sperme à l’appui.

Depuis, il est inscrit sur le fichier des délinquants sexuels, n’arrive pas à trouver de boulot, ni à refaire sa vie amoureuse. Il a d’ailleurs cette phrase qui résume parfaitement le personnage :

« Quand je l’ai vue à la télé, je me suis dit : c’est bien mon Amy. Tu es passée d’“être violée” à “être assassinée”. »

Amy est une veuve noire, une anti-héroïne qui a quelque chose d’hitchockien dans sa folie, dans la façon dont elle se persuade d’être dans son bon droit, dans la résolution glaciale dont elle fait preuve.

Elle n’hésite pas à se blesser ni à se vider de son sang pour mieux faire tomber Nick. C’est une grande méchante dans la lignée d’autres vilains formidables, d’Hannibal Lecter à Patrick Bateman (American Psycho).

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Profondément intelligente, Amy met toutes les cartes de son côté et comprend extrêmement bien le monde qui l’entoure et ses rouages.

Elle utilise à son profit le système : en sachant qu’elle vit au cœur d’une société sexiste, dans laquelle les femmes sont bien plus souvent victimes de violences conjugales que les hommes, elle fait passer Nick pour un mari violent, devenant ainsi la petite épouse chérie de l’Amérique.

En sachant que les femmes enceintes sont particulièrement vulnérables, elle s’arrange pour que son dossier médical indique (à tort) qu’elle attend un enfant, afin de s’attirer encore plus de sympathie.

Quid des autres personnages féminins de Gone Girl ?

De par ses actions, Amy concentre toutes les peurs exprimées par de nombreux hommes (et de nombreux masculinistes, qui se battent officiellement pour les droits masculins mais passent, trop souvent, la majorité de leur temps à taper sur les féministes).

C’est un concentré de pièges féminins : elle prétend avoir envie des hommes pour mieux les accuser de viol, fait passer son mari pour un homme violent, et lui fait même un enfant dans le dos, le forçant à assumer un rôle de père qu’il ne désirait plus.

Quasiment tous ses pièges ne sont rendus possibles qu’à travers son genre et celui de Nick.

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Mais les autres personnages féminins de Gone Girl sont loin de partager la folie d’Amy.

La détective est la seule qui trouvera ses machinations un peu trop bien ficelées et laissera à Nick le bénéfice du doute, contrairement à son collègue masculin qui refuse de voir en lui autre chose qu’un meurtrier.

La sœur jumelle de Nick, Margo, sera celle qui lui reprochera ses mensonges stupides et tentera de lui montrer, à la fin du film, que sa décision de rester avec sa femme est une erreur.

Les deux femmes qui « soutiennent » Amy sont des journalistes spécialisées dans le sensationnel, façon talk-show sur des sujets brûlants.

L’une d’entre elles choisira de présenter Nick comme une bonne personne après l’avoir rencontré (l’autre ne le rencontre qu’une fois Amy revenue chez elle).

Elles n’ont qu’une version de l’histoire, celle d’une femme violentée qui a disparu quelques semaines après être tombée enceinte.

Et les hommes de Gone Girl, alors ?

Par contre, au niveau des personnages masculins, il y a donc le flic qui le considère coupable, puis l’avocat qui défend Nick…

Mais ne sert finalement pas à grand-chose (sauf lorsqu’il l’encourage à participer au talk-show qui lui permettra de parler à Amy et de la faire « revenir à la maison »).

Mais il y aussi et surtout Desi Collings, magistralement interprété par un Neil Patrick Harris terriblement flippant.

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Desi, fils de bonne famille blindé de thunes au point que ça en devient limite indécent, est sorti avec Amy au lycée.

Lorsqu’elle l’a quitté, il a sombré lui aussi dans la folie (« qui se ressemble… » tout ça), a tenté de se suicider, et la traque depuis vingt ans, lui envoyant des lettres d’amour et se persuadant qu’un jour, elle lui reviendra.

Ce qu’elle fait, lorsqu’elle n’a plus le choix, jouant sur l’obsession de Desi pour lui raconter ce qu’il veut entendre : qu’elle n’aime que lui, qu’il la sauve du mauvais homme qu’elle a épousé, qu’il est son chevalier, son âme sœur.

Nick est coupable d’avoir trompé sa femme, certes, mais Desi est LE personnage masculin dangereux de Gone Girl.

Tout en lui respire la soif de contrôle, la déviance, les relations malsaines.

Il n’aime pas Amy pour la femme qu’elle est, mais pour la jeune fille qu’elle était au lycée, qu’il aurait voulu figer dans le temps et enfermer dans une cage, certes dorée, mais bien solide.

Même s’il pense qu’elle a subi des années de maltraitance physique et psychologique, il lui met la pression pour qu’elle se teigne les cheveux, s’épile, se maquille, s’habille de façon sexy… redevienne « son » Amy.

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Même la coupe de cheveux qu’adopte Amy lorsqu’elle vit chez Desi est une réminiscence de l’adolescente qu’elle était.

La façon dont il parle à Amy ne laisse pas de doute sur ses intentions :

— Je ne vais plus jamais te laisser t’échapper.

— Je ne m’imposerai pas à toi (sous-entendu : « t’as quand même intérêt à passer rapidos à la casserole, mais moi je suis un mec bien »)

Certes, elle retourne ses problèmes mentaux et son obsession contre lui, mais Desi n’en reste pas moins un personnage clairement dangereux. C’est d’autant plus visible dans le livre, où il est bien plus direct dans sa violence.

L’idée n’est pas de déterminer s’il méritait ou non son sort funeste, mais de montrer que si Amy représente les peurs masculinistes, Desi est son miroir, « l’homme qui n’aime pas les femmes », qui croit n’aimer qu’une femme…

Alors que son attitude est à mille lieues de l’amour, et qu’il refuse de la voir pour qui elle est — erreur fatale qui le conduira à sa perte.

Gone Girl, une femme pour les représenter toutes ?

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Ce que je ne comprends pas dans les critiques qui jugent que Gone Girl est misogyne, c’est le parti pris selon lequel Amy Dunne est censée représenter « les femmes ».

Et que donc, en montrant ses actions, David Fincher et Gillian Flynn (l’auteure du livre) donneraient une mauvaise image « des femmes » manipulatrices, tentatrices, menteuses et, il faut bien le dire, radicalement folles.

À mon sens, un personnage aussi détaché de la réalité qu’Amy est, par définition, exclu de ce qu’on appelle la « norme ».

Ses actions ne sont pas « normales », son cheminement de pensée n’est pas « normal », même son enfance et son éducation ont été « anormales ».

Il est aussi illogique de considérer Amy Dunne comme un étendard du genre féminin que d’imaginer que puisque Nick Dunne trompe sa femme avec une jeunette, alors tous les hommes seront infidèles.

Que s’il se remet en ménage à la fin, c’est que tous les hommes ont en eux une part d’ombre prête à se dévoiler dès qu’ils trouvent la femme qui les y encouragera.

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D’ailleurs, à mon sens, Nick n’est pas non plus une personne qui a des pensées ou des relations normales.

Après avoir été fasciné par Amy au point de faire semblant d’être un autre pour lui plaire, il « reprend le dessus », si je puis dire, en l’extirpant de son élément naturel, New York (ne dit-elle pas, lors de leur rencontre, « le monde n’existe pas au-delà de l’Hudson River » ?), pour l’emmener chez lui, au fin fond du Missouri, où son statut de femme au foyer lui donnera tout le temps nécessaire pour mûrir son plan, le nourrir de rancœur et de haine.

Mais surtout, si Nick n’est pas « normal », c’est dans les raisons qui le font rester avec Amy à la fin.

Je n’ai pas cru un instant qu’il restait pour assumer son rôle de père, ni par peur de voir sa réputation salie ou encore parce qu’il est sous l’emprise de sa femme. Il reste parce qu’Amy a raison lorsqu’elle lui dit :

« La seule fois où tu t’es aimé, ne serait-ce qu’un tant soit peu, c’est quand tu essayais d’être quelqu’un que cette salope [Amy, NDLR] pourrait aimer. »

C’est ce que comprend Margo, et la raison pour laquelle elle s’effondre en apprenant que son frère va rester dans son couple toxique.

Amy et Nick se nourrissent l’un l’autre, dans une folie malsaine, dans une relation basée non pas sur l’amour, la confiance et le respect, mais les faux-semblants, la provocation et la violence… Et c’est ce qu’ils ont tous les deux choisi.

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Gone Girl, un film misogyne ?

Je n’ai pas vu Gone Girl comme un film misogyne, ou misandre.

Je ne l’ai pas vu diffuser de message politique fort car, bien qu’il s’inscrive clairement dans une société basée sur la binarité des genres et le sexisme, comme on l’a vu plus haut…

L’histoire que ce long-métrage raconte — et qui est, rappelons-le, adapté de l’excellent livre d’une autrice, Gillian Flynn, également derrière Sharp Objects — est celle de personnes trop « hors-normes », d’une situation trop différente du quotidien pour que je puisse en tirer des conclusions globales.

Cela dit, comme je l’ai précisé en début d’article, l’idée n’est pas de dire que les personnes ayant trouvé le film ceci ou cela ont tort : tout dépend de la grille de lecture.

Je me suis trouvée incapable de voir Nick ou Amy Dunne comme représentants de leur genre respectif, et c’est ce qui m’empêche de considérer Gone Girl comme une apologie de tel ou tel schéma.

C’est plutôt l’exploration d’une cruauté toxique, entre un homme et une femme coincés dans des stéréotypes genrés jusqu’à y étouffer.

À lire aussi : Le test de Bechdel permet-il de savoir si un film est féministe ?


Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.

Les Commentaires

49
Avatar de skippy01
4 février 2019 à 15h02
skippy01
Il faudrait essayer de savoir comment le film a été reçu dans la communauté mascu.
2
Voir les 49 commentaires

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