Camarades, je m’insurge. C’est un truc pour lequel je suis assez qualifiée. J’ai passé un Deug Insurgestion avant d’opter pour une licence en Exaspération Appliquée, voie royale vers le fameux Master Ulcère & Psychosomatisation, avec débouchés vers le doctorat Suicide. Donc voilà, je m’insurge.
J’en ai marre des gens qui disqualifient tout ce que font les artistes femelles sous prétexte que leurs oeuvres sont « un truc de meuf » ou « des machins girly ». De Bridemaids à Angot. Et plus notamment en BD, et ça, si vous lisez le trio Pénélope – Margaux – Mady, vous en savez probablement quelque chose. Apparemment en 2011 on ne peut pas être une femme + faire une BD dont l’héroïne est une femme sans que ça devienne une « BD de femme », alors même que ta thématique est parfaitement universelle genre la théorie des supercordes. (Bastien Vivès, quand il raconte l’histoire d’une danseuse, ne fait pas de BD de femme – malgré une thématique pleine d’oestrogènes. Si Bastien s’appelait Bastienne, je ne garantis plus rien.)
Et quand bien même les oeuvres parleraient de bébés ou d’avortement ou de couple ou même de shopping, je ne savais pas que c’étaient des préoccupations très très spécifiques (les bébés ça se fait à deux et l’avortement, ça concerne aussi les mecs).
C’est quand même navrant d’avoir des jeunes artistes pêchues, ambitieuses, qui essaient de parler à tout le monde, et d’avoir des aigris au fond qui répondent : ah non t’es une femme, tu ne parles qu’aux femmes, on va te mettre dans un rayon spécial.
Je vais prendre un exemple que tout le monde connaît : la série Bref, sur Canal+. PERSONNE ne va dire que Bref c’est une série boyish. Alors que ça raconte l’histoire d’un mec trentenaire avec ses branlettes (seule la moitié de l’humanité ayant un pénis, c’est pourtant clivant). Fondamentalement entre un blog-de-fille et Bref, y’a aucune différence : quelqu’un raconte sa vie. Sauf qu’une seule de ces deux vies a le droit d’accéder à l’universel. Bref, c’est l’histoire des trentenaires. Mais Bref avec une héroïne ce serait probablement l’histoire d’une FEMME trentenaire.
Boulet qui raconte son quotidien, c’est un BD-blog. Pénélope qui se transforme en renard, ça reste du BD-blog DE FILLE (et forcément c’est moins bien).
C’est d’autant plus agaçant que les pilières de cette fameuse « BD de fille » ont fait des incursions plus que réussies dans le fantastique, le polar, le social, et qu’on continue de les ranger à part, de les limiter : si un jour dans ta vie tu as parlé de vernis à ongles, alors tu resteras pour toujours une nana superficielle qui ne s’adresse qu’aux autres nanas superficielles.
Que les choses soient claires : les mauvaises BD de fille, elles existent, et la superficialité elle existe aussi. Si vous cherchez un peu sur Google, vous vous ferez probablement quelques belles fractures non seulement de l’oeil, mais aussi du cerveau. Mais hé, personne ne prend le prétexte d’auteurs mecs de BD de fantasy complètement nazes (la médiocrité, elle est plutôt bien distribuée entre hommes et femmes) pour condamner l’intégralité des autres auteurs mecs. Personne ne va dans un rayon pour prendre un manga super mal dessiné, et dire « ah bah voilà, les mecs qui font de la BD, c’est toujours pareil. »
Bref (pas la série, le mot). Non seulement il faut changer de prisme : avant d’être des femmes, ces auteures sont des gens, aspirant à s’adresser à 100% du monde. Mais en changeant ce prisme, on permettra aussi à de bonnes artistes de continuer à développer leur talent et notre plaisir : nous instruire, nous divertir, nous émouvoir, avec ou sans vernis à ongles.
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires
Je continuerai de lire sexactu y'a pas de soucis pour ça