La semaine dernière, un ami me confiait qu’il se sentait en colère, et n’arrivait pas à se dégager de cette émotion-là depuis plusieurs jours.
Il essayait des tas de stratégies : augmenter ses séances de sport pour se défouler, essayer de fixer ses pensées sur des souvenirs heureux, faire des activités qui le rendent habituellement joyeux…
Rien n’y a fait. La colère était toujours là.
Pourquoi les émotions négatives sont collantes
Plusieurs chercheurs et chercheuses en psychologie se sont penchées sur le sujet : ils et elles ont observé cette impression d’être « bloquée » avec une émotion difficile (et la souffrance qui en découle).
Le phénomène aurait à voir avec la « flexibilité psychologique »… ou plutôt, dans ce cas, « l’inflexibilité psychologique ».
La psychologue Susan David décrit quelques caractéristiques de ces blocages, et elles vous sembleront peut-être familières.
À quoi ressemble un blocage sur une émotion négative
Voici quelques éléments qui caractérisent le fait de bloquer sur une émotion négative.
- Une spirale de pensées (un tourbillon de regrets à propos de notre passé, d’inquiétudes vis-à-vis de l’avenir, de jugements à propos de nous-mêmes, etc.)
- La répétition d’anciennes idées et comportements (« de toute façon, j’ai toujours raté ceci », « je ne suis jamais arrivée à faire cela »)
- Le souhait d’avoir raison (pétries de certitudes, nous ne parvenons plus à nous décaler pour voir la situation différemment, et ce besoin d’avoir raison peut mener à des conflits)
- Blâmer ses pensées pour ses comportements (« je panique toujours sur l’autoroute », donc j’évite de prendre l’autoroute, donc je continue à penser que j’ai peur sur l’autoroute, voilà, cercle vicieux !)
Pourquoi ce blocage sur des émotions négatives
Chacun et chacune d’entre nous adopte des stratégies pour naviguer au travers de ces émotions difficiles.
Certains choisissent de les enfouir, d’autres ont tendance à ruminer, d’autres encore se forcent à « voir les choses en positif »…
Pour Susan David, toutes ces stratégies ont un point commun : elles nous mènent à lutter, intérieurement, contre l’émotion en question.
Et si, au contraire, nous devrions ne pas lutter… mais apprendre à accueillir, accepter, et traverser nos émotions ?
En d’autres termes, développer notre flexibilité psychologique pourrait nous aider à gagner en bien-être !
La flexibilité psychologique, qu’est-ce que c’est ?
Qu’est-ce que c’est exactement, cette histoire de flexibilité psychologique ?
Rien à voir avec le yoga.
Les scientifiques la définissent comme notre capacité à être en contact avec nos émotions et nos pensées présentes, tout en modulant ou conservant nos actions, pour atteindre nos objectifs et être en accord avec nos valeurs.
Rien que ça !
Pour développer notre flexibilité psychologique, Susan David propose d’être attentives à deux étapes.
Reconnaître nos « hameçons », ces émotions spécifiques
Dans nos vies, certaines émotions ou pensées fonctionnent comme des hameçons
et, sans même que l’on s’en aperçoive vraiment, influencent nos comportements.
Mettons, par exemple, que je craigne particulièrement d’être rejetée. Cette peur peut naître d’une histoire familiale, ou d’un harcèlement scolaire, ou d’autre chose encore ; peu importe, c’est mon hameçon.
Un jour, je croise deux potes en train de déjeuner. PAF, je me sens envahie par la peur !
Mon hameçon a déclenché tout un tas de pensées (je suis rejetée, de toute façon je suis nulle, mes potes ne m’apprécient pas) qui déclenchent elles-mêmes un comportement (j’évite mes potes, je me replie sur moi-même).
La première étape, dans ce cas, serait de reconnaître l’hameçon. Ce qui suppose que je suis attentive à l’instant présent, que j’identifie mon émotion et que je l’accueille.
Lorsqu’une émotion vous envahit, Susan David conseille de prendre quelques instants pour l’observer, comme une scientifique, une détective : « tiens, là, j’ai peur, ça me fait un drôle d’effet dans le ventre et des pensées arrivent ».
Défusionner nos pensées, voir les choses différemment
Dans l’exemple précédent, l’une des pensées qui vient est « je suis nulle ». Et quand je pense « je suis nulle », je fusionne avec ma pensée.
Or je ne suis pas nulle, justement, « je PENSE que je suis nulle », et la nuance est importante !
Lorsque ce type de pensées vous vient, essayez d’utiliser le langage pour prendre de la perspective. En ajoutant « je PENSE que… », je mets quelque chose entre cette foutue pensée et moi, et cela lui donne un peu moins de puissance.
Imaginer le point de vue d’une autre personne pourrait également permettre de mettre de la distance avec nos pensées. Demandez-vous par exemple ce que votre meilleure amie vous dirait !
Probablement pas que vous êtes les dernières des abruties, que personne ne vous aime (rapport que vous êtes nulles) et que tous vos potes font, en effet, des déjeuners secrets auxquels vous n’êtes pas invitées.
Choisir comment on intègre ses émotions, c’est possible
Prendre le temps de passer par ces deux étapes, l’identification de l’hameçon et la défusion de ses pensées, pourrait permettre d’accueillir notre émotion et de la traverser de façon plus sereine.
Par ricochet, nous pourrions également choisir un peu plus en conscience le comportement que nous avons suite à cette émotion.
Susan David rappelle, à juste titre, que tout au long de nos vies, nous ressentirons des émotions, nous aurons probablement des pensées négatives.
Mais déjà, elles sont éphémères (c’est important de se le remémorer), et ensuite, nous ne sommes pas OBLIGÉES d’être coincées avec.
Le rôle d’une émotion
Une émotion signale quelque chose, c’est son rôle.
Si un soir, vous vous sentez seules, si cela vous rend tristes, cette tristesse vient peut-être vous rappeler que prendre du temps pour votre entourage est quelque chose d’important pour vous.
Vous pourrez alors mettre en œuvre quelque chose qui vous rapproche de cette valeur-là, comme prévoir une sortie avec vos amies, un Skype avec votre famille par exemple !
L’autocompassion, un outil essentiel
Enfin, lorsque vous vous sentez envahies ou débordées par vos émotions, rappelez-vous les préceptes de l’autocompassion :
- La bienveillance envers soi-même (être compréhensive envers soi dans les moments douloureux, reconnaître que nous sommes des êtres imparfaits, que l’échec, les obstacles, la tristesse font partie de la vie)
- La reconnaissance de sa propre humanité (les émotions négatives font partie de la condition humaine et tout le monde les ressent)
- La pleine conscience (qui peut être définie comme l’observation et l’accueil, sans jugement, de nos pensées, émotions, expériences…)
Vous, que faites-vous avec vos émotions difficiles ? Avez-vous des stratégies ?
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